dimanche 24 novembre 2024

THE POWER FANTASY #4 (Kieron Gillen / Caspar Wijngaard)


Masumi Morishita fait partie de la famille nucléaire, au même titre que Ray Harris et Etienne Lux. Artiste peintre, elle se prépare, fébrilement, au vernissage de sa nouvelle exposition. Santa Valentina a aussi fait le voyage jusqu'à Tokyo pour y assister. Mais Masumi est surtout préoccupée par ce qu'en pensera la critique d'art Olivia Brown...


Pour ce pénultième épisode du premier arc de The Power Fantasy, Kieron Gillen nous présente un nouveau membre de la famille nucléaire : l'artiste peintre Masumi Morishita. Elle n'était juste là apparue que dans de courtes scènes où elle communiquait télépathiquement avec Etienne Lux au sujet de l'expo qu'elle préparait et pour laquelle elle souhaitait sa présence.


Bien entendu, elle n'ignore rien de la situation d'Etienne et des crimes retentissants qu'il a commis pour calmer les tensions entre Ray Harris et le gouvernement américain. Elle a invité ce dernier et les anges/démons qui composent le reste du groupe des six surhumains les plus puissants de la Terre. Jacky Magus lui adresse un texto pour lui signifier son absence. Eliza Hellbound n'a rien fait savoir.


Kieron Gillen fait de Masumi une lesbienne en couple avec une humaine ordinaire, Isabella, qui, on le découvre tout de suite, semble rester avec elle autant parce qu'elle l'aime que parce qu'elle a peur de sa réaction si elle la quittait. Et pour cause, sous son air inoffensif, Masumi possède un pouvoir terrifiant qui a détruit l'Italie - et sans doute le reste de l'Europe (comme on l'a découvert à la fin du précédent épisode).


De manière très subtile mais intense, Gillen va se servir de la soirée du vernissage pour montrer en quoi Masumi est terrifiante. D'abord il y a la présence d'Etienne, qui, loin de la calmer, la rend encore plus nerveuse puisque Ray est également présent et entre les deux hommes, le climat est resté orageux depuis l'intervention du télépathe à New York.

Isabella et Santa Valentina tentent malgré tout de rassurer Masumi. Mais on se rend vite compte que, plus que l'avis de ses amis sur ses tableaux, c'est celui de la critique d'art Olivia Brown qui prime pour elle. Et quand Isabella lui affirme que cette dernière semble apprécier son travail mais est en train de s'éclipser, Masumi pique une crise, certaine que la journaliste n'a fait que passer devant ses toiles sans s'attarder.

La nature des pouvoirs de Masumi n'est pas claire : Gillen semble jouer volontairement le flou artistique et les dessins de Caspar Wijngaard respectent cette direction. On devine néanmoins que tout ça a à voir avec une sorte de manifestation sous-marine, une sorte de nuage opaque qui surgit des profondeurs et peut tout dévaster en l'engloutissant. 

En choisissant de suggérer, le scénariste et l'artiste laissent au lecteur la liberté d'extrapoler, de créer leur propre vision, leur propre interprétation du pouvoir de Masumi. Mais surtout, après la puissance quasi-divine de Santa Valentina, le côté gourou capricieux de Ray, et la télépathie ravageuse d'Etienne, on se rend compte que ces six surhumains sont en fait des monstres qu'il ne s'agit pas de contrarier.

La divinité à laquelle les auteurs souhaitent qu'on assimile leurs héros renvoie donc effectivement au Doctor Manhattan de Watchmen, mais sans les rendre aussi détaché de leur humanité. Au contraire, leur sensibilité les rend plus dangereux encore et on comprend d'autant mieux pourquoi, entre leurs mains, l'équilibre du monde ici décrit est si fragile : non pas tant pour les humains, qui ne sont que des insectes pour eux, mais parce que si ces six individus entraient en guerre les uns contre les autres, ce serait cataclysmique.

Le bref échange entre Masumi et Olivia Brown fait allusion à Hitler, peintre raté qui a commis le génocide le plus mémorable du XXème siècle avec six millions de victimes. Olivia Brown assimile Masumi au dictateur allemand dans la mesure où elle ne trouve pas son travail excellent mais néanmoins sérieux et appliqué. Cela ne saurait suffire à la combler mais elle parle avec honnêteté, tandis que Masumi, ostensiblement blessée dans son orgueil d'artiste, est prêt à déclencher une nouvelle hécatombe. Puis se ravise en réfléchissant qu'un tel acte la confondrait vraiment avec Hitler.

Bien entendu, on peut trouver que Gillen emprunte un raccourci facile (Hitler aurait commis ses massacres pour compenser sa frustration artistique). Ce n'est sans doute par la caractérisation la plus subtile qu'il écrit depuis le début de la série. Mais on peut aussi penser que Masumi n'est rien d'autre qu'une gamine angoissée prête à exploser à la moindre contrariété et qui réagirait en conséquence avec ses terribles capacités.

Caspar Wijngard la dessine comme telle, avec une palette de couleurs acidulées, comme une starlette de K-pop aux tenues spectaculaires mais grotesques, avec une moue triste d'enfant. Et en creux c'est finalement Isabella qui devient le personnage le plus intéressant parce qu'elle est pétrifiée devant celle qu'elle aime. Faut-il rester avec un monstre pareille au prix de son propre bonheur pour éviter l'apocalypse ? Ou accepter qu'Etienne efface ses souvenirs pour trouver assez de paix intérieure pour vivre aux côtés d'une créature si inquiétante ?

Autant de questions plus passionnantes, troublantes, profondes que le simple parallèle Masumi-Hitler. On est dès lors curieux de découvrir comment seront portraiturés Jacky Magus et Eliza Hellbound quand viendront leur tour. Et une fois tout le casting présenté, comment évoluera l'histoire qui ressemble de plus en plus à un récit qui, tel un volcan, est sur le point de connaitre son éruption.

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