AVANT-PROPOS :
Je suis actuellement en train de relire le run de Jason Aaron sur la série Avengers et j'ai eu l'idée de vous en proposer une rétrospective en m'appuyant sur les albums en vf parus chez Panini Comics. Je vais essayer d'en rédiger une critique par semaine au moins et de vérifier si ce run mérite d'être réhabilité.
Ces deux premiers tomes collectent donc l'exemplaire du Free Comic Book Day 2018 qui présentait la série telle que Jason Aaron l'a relancée plus les épisodes 1 à 12 (soient les deux premiers arcs narratifs).
- LA DERNIERE ARMEE (Free Comic Book Day 2019 + Avengers #1-6)
Black Panther est convoqué par Odin dans les ruines d'Asgardia, récemment détruite par Mangog. Le Père-de-tout prévient le roi du Wakanda que des dangers d'envergure menacent la Terre (Midgard), dont l'une est en relation avec la toute première équipe des Avengers formée il y a un million d'années !
Steve Rogers et Thor donnent rendez-vous dans un bar à Tony Stark pour discuter d'une relance de l'équipe des Avengers dont leur trio serait la base. Récemment revenu d'entre les morts, Stark se montre sceptique mais lorsque des Célestes, des géants cosmiques, se mettent à tomber, morts, sur Terre, les trois compagnons n'hésitent pas à intervenir. Et ils ne sont pas les seuls...
... Carol Danvers/Captain Marvel réagit aussi depuis la station orbitale Alpha Flight aux premières loges pour assister à ce spectacle. Le jeune Robbie Reyes/Ghost Rider affronte des locustes qui sortent de terre. Jennifer Walters/She-Hulk touche un Céleste et se transforme. Black Panther et Doctor Strange découvrent en Afrique au fond d'une grotte un nid de locustes prêts à éclore...
La situation prend un nouveau tour dramatique quand de nouveaux Célestes, bien vivants ceux-là, apparaissent avec à leur tête Loki ! Attaqué par les Avengers, le dieu asgardien enlève Captain America pour lui expliquer la raison de ce phénomène qui trouve son origine il y a quatre milliards d'années quand un premier Céleste, le Géniteur, infecté par les locustes, est venu mourir sur Terre et a provoqué l'apparition des super-humains. La dernière armée des Célestes est là aujourd'hui pour détruire la Terre et se débarrasser des locustes...
Quand Jason Aaron se voit confier l'écriture de la série Avengers, le titre a perdu de sa superbe depuis la fin du run de Jonathan Hickman à qui a succédé Mark Waid (ensuite assisté d'Al Ewing et Jim Zub) pour des histoires moins ambitieuses. Marvel veut coller au succès de ses héros sur grand écran et la composition de l'équipe a sans doute été imposé éditorialement en ce sens.
En effet, on trouve les vedettes que sont Iron Man, Captain America, Thor, Captain Marvel, Doctor Strange, Black Panther (incarnés au cinéma par Robert Downey Jr., Chris Evans, Chris Hemsworth, Brie Larson, Benedict Cumberbatch, Chadwick Boseman). Jason Aaron est familier avec quelques-uns de ces héros (il a écrit Black Panther, Doctor Strange et bien sûr Thor, qu'il anime toujours à cette époque - nous sommes en 2018), et il peut ajouter un Ghost Rider (sur lequel il a aussi oeuvré). Et il récupère un Hulk avec Jennifer Walters.
Quant à la menace des Célestes, elle apparaîtra également plus tard (en 2021) au cinéma dans le film Les Eternels mais nul doute que tout ça était déjà dans les tuyaux en 2018. Et bien entendu, pour fiare bonne mesure, Loki est également présent mais, et c'est une des grandes idées que développera Aaron, en qualité de premier des Avengers : en effet, si cela peut paraître déplacé, il ne faut pas oublier que le frère de Thor a été celui qui a motivé la formation initiale de l'équipe et c'est ce qu'il provoque encore ici.
Jason Aaron, c'est évident, a un cahier des charges imposé - du grand spectacle - mais il se ménage de la place pour ses propres idées. Ce n'est pas sur ce premier arc qu'on les sent, même s'il glisse quelques gags absurdes comme il le faisait déjà sur Wolverine & the X-Men : l'exemple le plus frappant, c'est la romance qu'il établit rapidement en She-Hulk et Thor. Mais on peut aussi noter son affection pour Robbie Reyes qu'il définit comme le rookie de la bande avec une caractérisation à la Spider-Man (ses pouvoirs le dépassent et le grisent, c'est le benjamin du groupe).
Aaron doit aussi gérer les conséquences d'histoires antérieures comme Civil War II et l'antagonisme entre Tony Stark et Carol Danvers (cette dernière ayant quasiment tué Iron Man), mais il s'en débarrasse assez vite tout en y revenant plus tard de manière humoristique. En revanche, on pourra s'étonner du peu de cas qu'il fait de Dr. Strange qui pèse assez peu sur l'action et quittera l'équipe après cette première aventure (parce qu'il est fort occupé par ailleurs - ce qui est vrai puisqu'il doit récupérer de sa bataille éprouvante contre l'Empirikull et la quasi éradication de la magie).
L'intrigue est très bourrine, on ne va pas se le cacher, et les enjeux de la bataille sont démesurés jusqu'à la caricature avec tous ces Célestes qui tombent du ciel, morts ou vifs, avec le projet de détruire notre monde infesté par des bestioles qui ont eu raison de l'un d'entre eux. Néanmoins, dans tout ce fatras de destruction, de fin du monde, Aaron, via Loki, investit les origines des super-héros Marvel en expliquant que le Géniteur, mourant, a engendré la vie sur la planète et indirectement donné naissance aux surhommes de façon certes peu ragoutante... Et la théorie de Aaron/Loki est devenue canonique depuis !
L'autre addition à la mythologie Marvel, c'est la création des Avengers préhistoriques il y a un million d'années avec Odin, Phénix, les premiers Sorcier Suprême, Black Panther, Iron Fist, Starbrand, Ghost Rider. C'est complètement loufoque mais très marrant et finalement les membres de ce groupe improbable ont du charisme. Aaron voudra à intervalles réguliers leur consacrer un épisode dédié mais il n'ira pas au bout de son idée (on ne saura jamais les origines des premiers Black Panther et Sorcier Suprême, ni celles de Phénix - même si un arc entier sera consacré à la force Phénix - ou d'Odin - qui tiendra un second rôle dans pas mal d'épisodes).
Au dessin, Sara Pichelli, en petite forme (le cas de cette dessinatrice restera un cas d'école pour montrer comment celle qui fut un grand espoir des comics a perdu son mojo), s'occupe du prologue édité dans le fascicule gratuit du FCBD de 2018, avant de céder la place à Ed McGuinness, qui renoue avec Aaron après leur bref passage sur Amazing X-Men.
McGuinness, hélas !, n'est pas un choix très judicieux pour dessiner des épisodes aussi énergivores, et s'il donne le change au début, il doit vite être aidé par Paco Medina qui prend en charge des scènes qu'on qualifiera d'intermédiaires (à McGuinness les moments où l'action domine, à Medina le reste). L'un dans l'autre, la qualité est quand même là, mais disons qu'on trouve ici le grand défaut de Marvel qui consiste à placer un artiste au fort potentiel commercial pour séduire le lecteur tout en sachant très bien que ledit artiste ne pourra pas assurer six épisodes de suite.
Un début donc "hénaurme", mais qui se finit précipitamment (sans vrai dénouement en fait), et handicapé par un graphisme inégal. En route pour le deuxième arc...
- TOUR DU MONDE (Avengers #7-12)
Il y a un million d'années, un jeune garçon voit toute sa tribu exterminée par une créature féroce. Il prend la fuite et se voit offrir un pouvoir considérable qui lui permet de se venger : c'est la naissance du premier des Ghost Riders.
Pour éviter de nouvelles tensions entre eux, Thor, Captain America et Iron Man proposent à Black Panther de diriger les Avengers. T'Challa hésite, déjà accaparé par son rôle de souverain du Wakanda, puis accepte à condition d'opérer des réformes de fond pour rendre l'équipe plus efficace.
Les représailles entamées par Namor d'abord contre des employés de Roxxon et plus généralement contre les terriens à la surface obligent les Avengers à intervenir pour le raisonner. Mais une fois la situation apparemment apaisée, Namor décide de former sa propre équipe dans l'optique de futures luttes : les Défenseurs des profondeurs.
Et évidemment tout dégénère rapidement. La Garde Hivernale composée des super-héros russes a maille à partir avec Namor et sa bande et les Avengers doivent jouer les arbitres. Entre les trois parties, la tension est au maximum et aboutit à une bataille qui aura des répercussions dans l'avenir.
T'Challa commence à réorganiser les Avengers en recrutant les agents du Wakanda, une sorte d'équipe B chargé de surveiller les zones de crise. Il réunit des alliés sur d'autres continents pour monter une coalition internationale mais la Garde Hivernale, par la voix de leur représentant, refuse d'en faire partie. Le gouvernement américain, d'ailleurs, ne soutient plus les Avengers et mise tout sur l'Escadront Suprême dirigé par l'agent Phil Coulson...
Ce deuxième arc est très (trop) morcelé. Mais Jason Aaron prouve qu'il voit loin, il a un projet sur le long terme et il plante donc des graines pour de futures récoltes. Le risque, c'est de balancer trop d'idées sans être assuré de toutes les voir bien développées, mais on le vérifiera plus tard.
Alors qu'actuellement, en 2024, Aaron écrit une mini-série consacrée à Namor, il mettait déjà le prince des mers en avant dès le début de son run sur Avengers. Personnage complexe et passionnant, il est mis en scène dans son interprétation la plus fougueuse ici, se posant en défenseur des fonds marins contre une compagnie qui souille son royaume, puis en n'ayant pas peur de se confronter à des super-héros de tous horizons.
Aaron introduit la Garde Hivernale dans son projet et ce n'est qu'un début. Si la caractérisation reste sommaire et la présentation de leur antagonisme avec les Avengers est caricaturale (on se croirait presque revenu au temps où c'était les ricains contre les cocos), il faut avouer qu'utiliser Ursa Major, la Dynamo Pourpre, Darkstar et quelques autres dirigés par la mystérieuse Veuve Rouge a de la gueule (d'ailleurs Marvel tentera d'exploiter ce filon quelque temps plus tard avec une mini-série Winter Guard qui a fait un flop).
Le scénariste prépare aussi le terrain pour l'Escadron Suprême, cette version de la Justice League créé par Mark Gruenwald, qui devient la super-équipe gouvernementale. Mais ce n'est qu'un bref teaser pour l'instant...
Une fois le chapitre Namor réglé (temporairement), on revient à la refonte même des Avengers selon Black Panther. Aaron semble ne jamais se contenter du déjà abondant casting qu'il aligne : ainsi il invente les agents du Wakanda, une sorte d'équipe de réservistes chargée de s'occuper du nouveau QG des Avengers (la dépouille du Géniteur, ce Céleste mort au pôle Nord), mais aussi d'espionner les vilains, les héros, d'anticiper les crises, d'observer de futures recrues, etc. Et le scénariste puise dans des personnages aussi variés que la Guêpe que Gorilla Man ou Broo (qu'il avait créé dans Wolverine & the X-Men) mais aussi Ka-Zar et j'en passe. Marvel lancera là aussi une mini-série Agents of Wakanda, qui sera un échec commercial.
Mais on peut louer la cohérence d'Aaron qui fait de Black Panther un vrai leader réformateur et méthodique, qui fait des Avengers une sorte de Justice Society, et qui exhume des héros peu, pas ou plus utilisés. C'est un peu indigeste mais généreux dans l'effort.
Au dessin, Sara Pichelli illustre, de façon correcte, les origines du premier Ghost Rider (avec son mammouth !). Puis David Marquez enchaîne avec trois épisodes (ceux avec Namor), remarquable de dynamisme et d'autorité. Ed McGuinness se charge ensuite des n°10 à 12, aidé cette fois par Cory Smith pour un résultat toujours aussi déséquilibré (McGuinness a la primeur sur les scènes d'action et Smith doit se contenter du reste, des moments plus dialogués et forcément moins fun).
L'épisode 10 correspond au 700ème numéro de la série depuis ses débuts (d'après les comptes faits par Marvel - je n'ai pas vérifié, je laisse ça aux archivistes les plus mordus de la continuité) et donc il bénéficie d'une pagination plus fournie. A cette occasion, Frazer Irving illustre une scène entre Robbie Reyes et Odin, Adam Kubert d'une avec Wolverine et Loki, Andrea Sorrentino d'une avec la Guêpe et Blade. Tout ça est très fouillis, assez mal écrit, et visuellement moyen (mention spéciale aux pages de Sorrentino qui semble avoir retravaillé très grossièrement des photos : c'est affreux).
Bref, beaucoup de choses dans cette deuxième partie qui s'apprécie surtout comme une sorte de maxi bande-annonce comme celles que Disney + ou Netflix balancent sur YouTube pour annoncer leurs prochaines sorties événements. Forcément frustrant, mais aussi excitant.
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