Owen a réuni une équipe pour braquer l'enfer où sont gardées leurs âmes par le diable à qui ils les ont données. Diego et Ava se confient donc sur le pacte qu'ils ont scellé avec le Malin mais Harold s'y refuse. Qu'importe, il faut avant d'aller plus loin sortir Carlie de la clinique psychiatrique dans laquelle elle s'est elle-même fait interner. Mais peut-on organiser tout ça sans que le diable soit au courant ?
(Spoiler : la réponse est non.) Bon, je ne vais pas vous refaire le topo écrit dans ma critique de Time Waits #2 publiée il y a quelques heures au sujet de DSTLRY, son mode de recrutement d'auteurs, de publication, de prix de vente, etc. C'est exactement la même chose pour The Big Burn, une autre création originale en trois épisodes à la pagination augmentée et à la périodicité bimestrielle.
Ce polar fantastique m'avait beaucoup plus quand j'avais lu son premier chapitre en Septembre car l'idée de Joe Henderson était de celles que tout scénariste aimerait avoir imaginée : un couple de braqueurs de banques vend son âme au diable après avoir été arrêté par la police afin de retrouver la liberté. Problème : sans âme, leur amour dépérit et ils se séparent. Owen imagine alors une solution : récupérer leurs âmes, à sa fiancée Carlie et à lui, en braquant le diable en enfer !
Pour ça, il faut mourir et recruter une équipe. Il s'adresse donc à des malfrats que Carlie avait repérés et qui ont certainement fait la même affaire avec le Malin. Mais, entre temps, Carlie s'est faite interner dans un hôpital psychiatrique, convaincue d'être folle... C'est précisément là que débute ce deuxième épisode quand, lors d'une thérapie de groupe, elle agresse un patient qui ricane en l'entendant raconter son histoire de pacte diabolique. Carlie est placée à l'isolement.
Ce qui va rendre évidemment son évasion encore plus compliquée. Et ça, c'est sans compter sur le fait qu'elle ne veut pas sortir car elle estime avoir été victime d'une hallucination en rencontrant le diable. Ou alors, si c'est vrai, elle mérite d'être enfermée pour tous les délits qu'elle a commis. Owen et ses complices ne sont pas au bout de leur peine...
"Hé, mais il nous raconte tout l'épisode ! Stop !" vous écriez-vous. Même pas, vous réponds-je. Parce que la grande force de The Big Burn, c'est sa manière de déjouer les attentes du lecteur. Oui, on est dans du polar ; oui, avec une dose de fantastique. Mais Joe Henderson a un vrai talent pour camper des personnages qui ont de l'épaisseur et donc réserve leur lot de surprises. Et, parmi le gang assemblé par Owen, il y a un membre vraiment pas recommandable, qui a vendu son âme pour des raisons franchement atroces.
Ce piment va dérégler la machine et compliquer la tâche des héros. Même si le cliffhanger de cet épisode est convenu, il n'en reste pas moins qu'on se demande bien comment la suite et fin au troisième épisode va se dérouler parce que ça s'annonce quand même bigrement compliqué. Mais c'est le genre de complications qui fait tout l'intérêt d'un bon polar car le genre impose aux héros et au lecteur du suspense, de l'inattendu, de la difficulté.
Mais, je le répète, The Big Burn trouve sa singularité dans son idée initiale : braquer le diable, c'est déjà pas commun, mais quand le butin, ce sont les âmes des braqueurs, c'est tout bonnement jubilatoire. Et c'est ainsi qu'on apprend que le polar, c'est un peu comme le jazz, avec ses figures imposées et ses figures libres, mais surtout c'est quand on croit que tout a été fait en la matière qu'un auteur trouve encore une astuce pour relancer la machine.
Ce qui donne au récit une saveur particulière : on sent que Henderson et son dessinateur Lee Garbett (qui est en fait aussi le co-auteur du scénario puisque Henderson et Garbett collaborent comme Waid et Samnee, échangeant des idées comme on joue au ping-pong et s'amusant à se challenger) prennent un plaisir fou. Auparavant, ils avaient réalisé ensemble Skyward, une quinzaine d'épisodes mais auxquels ils auraient volontiers donné une suite si la série avait connu plus de succès commercial (et encore elle a été sauvée de l'annulation grâce au soutien des fans), puis Shadecraft, là aussi pensé comme un projet sur le long cours mais qui a été stoppé net au bout de cinq épisodes.
En signant avec DSTLRY, et en s'alignant sur les standards de cet éditeur, ils ont en vérité changer de logiciel : exit les histoires en plusieurs arcs et en épisodes classiques d'une vingtaine de pages tous les mois. Grâce à une pagination plus proche du franco-belge (presque une cinquantaine de pages par numéro), leur narration peut poser les enjeux plus rapidement tout en ne sacrifiant pas ni au déploiement de l'intrigue ni à la caractérisation des personnages.
Lee Garbett n'est pas un dessinateur à proprement parler ébouriffant : son style est influencé par celui d'Olivier Coipel, mais sans le même niveau de finition et de technique. C'est visible en particulier dans le registre dans lequel est inscrit The Big Burn, où les personnages sont en civil et les décors sont réalistes : Garbett éprouve des difficultés à représenter des environnements très détaillés et les vêtements sont sommairement dessinés, sans plis, sans textures.
Mais Garbett compense par son sens du découpage et de la composition : il sait raconter une histoire et la rendre lisible - ce qui manque parfois à Coipel chez qui on voit bien que le dessin prime sur le découpage, traçant les contours de cases après avoir dessiné ce qu'elles vont encadrer. Garbett, de ce point de vue, fait le contraire : il sait comment organiser l'enchaînement des plans et après il les remplit.
Il ne les remplit pas toujours beaucoup, on est d'accord, mais il va à l'essentiel sans doute pour préserver la vitalité de son trait et l'énergie du récit. Et, dans une histoire comme celle-ci, ça fonctionne - ça passe. Comme en plus il est soutenu par un coloriste d'expérience en la personne de Lee Loughridge (c'est le gars qui a entièrement colorisé la série Fables), on n'a pas non plus le sentiment de planches bâclées : Loughridge n'est pas le coloriste le plus spectaculaire du monde, mais il respecte le dessin et sait le mettre en valeur subtilement.
Rendez-vous donc en Janvier 2025 pour connaître l'issue de ce Big Burn enthousiasmant.





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