Blue, Grace et Duke trouvent refuge chez leur ami pâtisser Baker après l'attaque du commando qu'a envoyé Wyatt. Baker met à leur disposition les armes que collectionnait son père. Dans le futur, Wyatt obtient de sa hiérarchie l'envoi d'une nouvelle équipe pour récupérer les graines et Blue. Ces nouveaux mercenaires se séparent en deux groupes : l'un va chez Baker, l'autre au poste de police...
Rappel des faits : il y a deux mois paraissait le premier des quatre épisodes de Time Waits chez DSTLRY. Ce petit éditeur n'en finit pas d'attirer de grands noms des comics grâce à un deal unique : non seulement ils conservent les droits de leurs créations mais surtout ils deviennent actionnaires de l'entreprise et profitent donc des profits générés par toutes les autres productions publiées.
Mais DSTLRY n'est pas qu'un modèle économique innovant, c'est d'abord et surtout un éditeur qui ne fait rien comme les autres. On peut trouver leurs floppies coûteux mais ils sont imprimés sur du papier de qualité, dans un format plus grand, et souvent pour une pagination supérieure. Chaque numéro de Time Waits compte par exemple une cinquantaine de pages de BD pour 8,99 $, ce qui, comparé à un album de bande dessinée franco-belge reste bon marché.
Pour cette mini série, l'éditeur a réussi à attraper dans ses filets Chip Zdarsky, rien moins que l'actuel scénariste de Batman (mais qui va céder sa place bientôt pour le retour de Jeph Loeb et Jim Lee) et le dessinateur Marcus To, l'artiste de X-Force en ce moment. David Brothers co-écrit le titre avec Zdarsky. Et enfin, et surtout, Time Waits, c'est super bien.
Pourtant les histoires de voyages dans le temps, c'est souvent périlleux mais Zdarsky et Brothers ont trouvé un twist efficace : le héros vient du futur et a décidé de rester à notre époque après une mission au cours de laquelle son équipe devait voler de mystérieuses graines très convoitées dans l'avenir. Wyatt, son acolyte, est rentré bredouille mais tient Blue responsable de l'échec de la mission, convaincu qu'il a conservé les graines en question.
Dans le premier épisode, où on apprenait que Blue vivait désormais en couple avec Grace, la shérif du patelin où il avait atterri, et avec qui il était en train d'adopter un jeune garçon, Wyatt envoyait un commando récupérer les graines et éliminer Blue. L'opération s'est soldée par un nouvel échec.
De manière certes convenue, on assiste donc à une sorte de match retour. Mais on comprend aussi pourquoi Wyatt éprouve un tel ressentiment envers Blue : les deux hommes n'ont rien en commun malgré une formation identique. Pour Wyatt, la fin justifie les moyens et tant pis si des innocents se dressent en travers de sa route, il est prêt à les sacrifier pour remplir les objectifs, obéir aux ordres de ses patrons (une multinationale dont il est devenu chef de la sécurité).
Pour Blue, en revanche, tout a changé depuis qu'il a décidé de rester à notre époque : il vit avec une femme qu'il aime et à qui il a confié ses secrets et avec qui il va avoir un enfant. Cependant, il ne laissera personne lui prendre ce bonheur, mais peut-il faire face longtemps face à des commandos surarmés et surentraînés venant du futur ?
L'histoire que développe Zdarsky et Brothers ne fait pas que se concentrer sur le charismatique Blue et son adversaire Wyatt. La personnalité de Grace est bien développée : c'est une femme qui ne s'en laisse pas compter et qui, elle aussi, est engagée maintenant dans une guerre contre ces mercenaires du futur. L'intrigue, ici, se resserre autour de quelques scènes clés, comme l'assaut sur un poste de police très spectaculaire et intense, tandis que Blue, que les interférences temporelles font perdre connaissance doit rester sur le qui-vive pour protéger son fils adoptif.
Il y a quelque chose de grisant dans la lecture de Time Waits, une tension constante qui provient à la fois du danger incarné par Wyatt et ses sbires mais aussi de seconds rôles comme Baker, le bon copain prêt à dépanner et qui a conservé l'arsenal de son père. Son discours est celui d'un survivaliste complotiste attaché viscéralement au 2ème amendement de la Constitution américaine (qui autorise non seulement le port d'armes mais aussi le droit de former une milice pour assurer la sécurité). Cet élément ajoute au climat de peur et de parano du récit, déjà bien fourni en la matière.
Une autre scène voit Blue ramener Duke chez sa famille d'accueil dans le but de lui épargner d'être la cible des hommes de Wyatt. Or cette famille le maltraite et Blue ne peut se résoudre à l'abandonner. Parallèlement, on retrouve Duke, devenu un vieil homme dans le futur, et employé de la firme qui supervise les commandos de Wyatt. Ce dernier se sert de Duke pour savoir si Blue (et tout allié potentiel qu'il a pu se faire) sera bel et bien éliminé cette nuit-là.
Ce sont des trouvailles narratives simples et qui assurent au lecteur de bien tout saisir de ce qu'il a sous les yeux. Car l'écueil n°1 des histoires de voyages dans le temps, c'est précisément d'égarer le lecteur avec les conséquences de ceux qui s'aventurent hors de leur époque. Zdarsky et Brothers évitent ce piège magistralement.
L'autre atout pour empêcher le lecteur d'être perdu, ce sont les dessins de Marcus To. Son trait clair et son découpage sobre permettent d'avoir un flux de lecture toujours limpide. On sait toujours où, quand et avec qui on se trouve. Aucun risque de confusion. Par ailleurs, l'artiste profite à plein de la pagination plus généreuse pour jouer sur le rythme interne des scènes, faire naître un sentiment de malaise, d'appréhension, de gravité.
Par exemple, dans le passage le plus mémorable de l'épisode, lors de l'assaut du poste de police, To doit jongler avec plusieurs personnages - les mercenaires, les deux adjoints de Grace, Grace elle-même. Lorsque Grace se rend pour s'assurer que son adjointe Sandy qui est blessée va bien, To découpe la séquence de telle sorte qu'on ne quitte jamais Grace des yeux sauf à un moment précis - quand elle réussit à désarmer la mercenaire qui la suit, ce qui va lui permettre de riposter. La fluidité de la narration est épatante, avec zéro effet de manche.
Bref, c'est une réussite dont le cliffhanger donne très envie de connaître la suite. Il faudra pour cela attendre Janvier 2025.
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