jeudi 28 novembre 2024

SUPERMAN #20 (Joshua Williamson / Dan Mora)


Superman est face à un dilemme terrible : aider le Time Trapper sous la capuche duquel se trouve en fait le Doomsday du futur, souhaitant briser le cycle de tuerie pour accéder à un nouveau statut divin ? Ou refuser de l'aider en éliminant le Doomsday du présent au risque de voir, dans un avenir proche, beaucoup de ses proches mourir ?


Joshua Williamson a posé les bases d'une intrigue qui, comme toutes celles qui se fondent sur un voyageur temporel et ses prophéties (le plus souvent sinistres), est périlleuse à exécuter. Il confronte Superman à deux versions de Doomsday, le seul vilain qui a réussi à le tuer : un au présent qui resurgit, plus fort et féroce que jamais, un autre venu du futur qui souhaite briser ce cycle de violence en demandant à Superman l'impossible sous peine de voir ses proches mourir.


Les super-héros acquiert une forme de noblesse en refusant de tuer leurs adversaires et dans le cas de Superman, c'est plus qu'une règle, c'est un principe. En effet, avec sa puissance, il pourrait quasiment briser quiconque se met en travers de son chemin et menace ceux qui lui sont chers. Mais il s'y refuse car, rescapé de sa planète natale, il connaît le prix de chaque vie et se défend de l'ôter.


Alors, que se passerait-il si Superman devait tuer un méchant pour s'assurer non seulement que celui-ci puisse accéder à un nouveau statut qui ne serait plus régi par la violence, mais surtout pour épargner ses proches d'une mort imminente ? C'est à cette question que ce nouvel arc doit répondre. A moins que Superman ne soit pas le seul à décider...


Superman n'est pas un personnage facile à investir : la plupart des auteurs qui s'en empare ont tendance à opter pour une direction simple - le portrait du super bon samaritain dont les actions traduisent la noblesse d'âme. Et cela peut donner de bonnes histoires, plaisantes, divertissantes, où l'auteur s'exprime avec sincérité, en respectant le héros.

Et puis, parfois, un scénariste a une idée pour modifier un peu la course de ce champion vertueux. Joshua Williamson s'en est fait une spécialité depuis le début de son run où il l'a associé aux ressources de Lex Luthor pour le rendre plus efficace. En le confrontant à des vilains qui ne l'attaquent plus frontalement mais en exploitant l'une après l'autre ses faiblesses.

Dans cet arc, Superman est donc face à un problème multiple : il doit rendre un service à celui qui la tua jadis à la fois pour que ce dernier se libère du cycle destructeur pour lequel il a été formé mais aussi pour préserver les vies de ses proches. Des deux Doomsday auxquels il a affaire, lequel est le moins pire ? Car c'est là toute la complexité du procédé, il n'y a pas de bonne solution. Seulement une moins mauvaise que l'autre et qui se résume à dépasser le principe du héros.

Une fois cette problématique posée, l'épisode donne quand même au lecteur lambda de comics super-héroïque ce qu'il attend : de la baston. Celle qu'on lit dans ce numéro est franchement spectaculairement brutale. Dan Mora lui insuffle une dimension littéralement titanesque, avec des exagérations comme seul un personnage comme Superman peut se permettre (exemple : faire le tour complet de la Terre pour avoir assez d'élan avant d'asséner un coup à Doomsday).

Cette énormité fonctionne parce que c'est Superman, parce que c'est contre Doomsday, mais surtout parce qu'elle répond elle-même à la complexité du problème. On peut l'interpréter comme l'expression de la frustration de Superman face à la situation qu'il affronte et que lui impose le Time Trapper autant que comme sa volonté de terrasser Doomsday.

On notera, en passant, que rien que pour cette semaine, on aura droit à une double dose de Dan Mora puisqu'il dessine aussi Justice League Unlimited, sa nouvelle production écrite par Mark Waid. L'énergie, l'abnégation même de cet artiste est impressionnante, autant que son crédo est modeste : comme Stuart Immonen en son temps, la seule contrainte qu'il s'impose est de livrer ses épisodes à l'heure. Quand on en aligne deux de rang, soit une quarantaine de planches par moins, ça force quand même le respect. Surtout si le résultat est aussi concluant.

Alors, autant pour l'inspiration de Williamson que pour le tonus de Mora, Superman mérite vraiment d'être lu, non pas comme une institution, mais comme une série qui ne fait pas son âge - mieux : elle semble animée comme si on avait oublié sa longévité et y gagne une étonnante fraîcheur, ce qui n'est pas un mince exploit.

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