samedi 31 août 2024

ZATANNA : BRING DOWN THE HOUSE #3 (Mariko Tamaki / Javier Rodriguez)


A peine Zatanna a-t-elle renvoyée chez elle qu'elle trouve une nouvelle visiteuse qui lui assène un coup de tête ! La voilà prise à parti par l'Ordre des Lapins pour mésusage de la magie. Zatanna s'enfuit et appelle un ami à l'aide. Mais l'émissaire de l'Ordre des Lapins n'en a pas fini avec elle...


Je crois que, arrivé à ce stade de l'histoire (soit exactement au centre, deux épisodes déjà parus, deux encore à paraître), on peut dire avec certitude que ceux qui lisent Zatanna : Bring Down the House l'aimeront ou la détesteront pour les mêmes raisons.
 

Ce troisième numéro joue la carte de la fantaisie à fond : rien n'est sérieux, mais tout est dramatique. Donc, à partir de là, sachant cela, soit vous adhérez à ce mélange des genres, cette espèce de dramedy (comme disent les anglo-saxons), soit vous restez en dehors et mieux vaut alors vous arrêter plutôt que vous énerver plus longtemps.


Mariko Tamaki, la scénariste, a pris le parti de revenir, une fois de plus, sur les origines de Zatanna et le traumatisme fondateur de son passé, la mort de son père Giovanni, qu'elle croit avoir provoquée. On peut avancer, sans trop se mouiller, que ce récit s'intègre donc à la continuité bien qu'il soit publié sous le DC Black Label. Et il l'ambition de boucler ce dossier.


Mais l'intention d'un auteur ne suffit pas toujours, encore faudra-t-il qu'à l'avenir les autres en tiennent compte. Un précédent me revient en mémoire : dans son excellent run sur Moon Knight, Jeff Lemire ambitionnait de clore le dossier Khonshu, cette entité égyptienne qui avait ramené à la vie Marc Spector pour en faire son poing armé. La manière dont Lemire s'y prenait était d'une intelligence remarquable et l'exécution sans failles. Mais ça n'a pas empêché ceux qui ont pris sa suite d'ignorer ce qu'il avait établi et aujourd'hui Khonshu est à nouveau aux premières loges.

Toutefois, Mariko Tamaki a des chances que sa résolution survive à sa mini-série dans la mesure où Zatanna n'a pas la même exposition que Moon Knight (que Marvel ne veut plus remiser au grenier depuis sa série, navrante, sur Disney +).

Revenons un instant sur le ton de la série : il s'y raconte des choses graves - la mort du père, la culpabilité de la fille, deux ordres magiques qui se disputent le droit de sanctionner celle-ci - mais l'originalité du scénario tient à ce que tout ça soit exposé et développé sans pathos. C'est casse-gueule et donc certains n'y trouveront pas leur compte, ou s'ennuieront (parce que cette forme d'humour ne les touchera pas). Les autres apprécieront au contraire que Tamaki aborde l'affaire avec une distanciation bienvenue.

Je fais partie de ceux qui apprécient parce que j'ai toujours estimé que Zatanna ne gagnait rien à être abordée sous l'angle de la tragédie. Il y a chez ce personnage un décalage évident : à quelques exceptions près (peu heureuses, selon moi), elle n'a jamais eu l'apparence d'une super-héroïne et ne se voit pas ainsi d'ailleurs. Elle a un métier qui lui permet de concilier ce qu'il y a de plus naturel chez elle (se produire sur scène pour des tours de prestidigitation) et d'avoir quand même du temps pour s'occuper de mystères occultes importants (au sein de diverses formations de la Justice League).

Mais lorsqu'on voit Zatanna, on ne pense pas qu'il s'agit d'une super-héroïne : c'est une magicienne avec un costume de saltimbanque, un haut de forme, des bas résille, des talons hauts, etc. Elle ne porte pas de masque, ni de surnom. C'est ce qui nous la rend proche et aimable. Je ne connais pas un lecteur de comics qui trouve Zatanna antipathique. Donc, compte tenu de tous ces éléments, aborder son histoire sans gravité excessive est la bonne solution parce que, sinon, on s'embourbe dans les clichés super-héroïques qui ne lui vont pas.

Néanmoins, et c'est tout le mérite de Tamaki, il ne s'agit pas d'éluder ce qu'il y a de tragique avec Zatanna. Mais grâce, notamment, au dessin et aux couleurs franchement psychédéliques de Javier Rodriguez, à son découpage toujours aussi inventif et fluide à la fois, on se rend compte de l'aspect zinzin de tout ce qui entoure une magicienne, y compris quand celle-ci refuse d'être considérée comme tel.

Qu'elle comparaisse devant un ordre austère ou un autre franchement plus délirant (comme ici avec les lapins), Rodriguez met l'accent sur le sérieux avec lequel Zatanna apprécie la situation tout en montrant au lecteur le côté le plus farfelu de tout ça. Et cette cohérence entre ce qui est dit et vu sert admirablement l'histoire mais aussi l'univers du personnage. Zatanna, c'est la fille qui est sans cesse dépassé par ce qu'elle affronte et peut pourtant juguler. Alors la montrer être jugée par des magiciens sévères ou complètement grotesques souligne ce décalage savoureux : le ciel lui tombe sur la tête, mais le lecteur, bien que compatissant, est ravi de ces aventures absurdes.

A la fin de cet épisode, une figure familière de Zatanna entre dans la partie et va sûrement pimenter encore la suite des événements. Mariko Tamaki s'amuse, nous amuse, Javier Rodriguez nous épate, et cette série nous régale.

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