vendredi 16 août 2024

LOKI : AGENT OF ASGARD, VOLUME 1 : TRUST ME (Al Ewing / Lee Garbett)


Loki dérobe cinq clés cachés par Odin dans cinq lieux différents pour ouvrir un coffre à cinq serrures qui renferme l'épée de la vérité, Gram. Elle appartint jadis à Sigurd, le premier grand héros asgardien.


Mais Loki travaille désormais au service de Freyja, Gaea, et Idunn, le triumvirat qui règne sur Asgardia, les Mères-de-tout, en l'absence d'Odin. Avec cette épée, il s'introduit dans la tour des Avengers et pourfend son demi-frère, Thor, le purgeant ainsi d'un sort puissant et malfaisant. Ce sortilège enfermé, il le remet au triumvirat qui le libère une fois Loki parti et qui prend la forme du vieux Loki, venu du futur.


Nouvelle mission pour Loki : il doit ramener sur Asgardia Lorelei et compte la pièger à un speed-dating où, avant cela, il remarque Verity Willis, une jeune femme au don très particulier : elle sait immédiatement quand quelqu'un ment. Cependant, le vieux Loki remonte le temps pour piéger le jeune Odin en lui confiant l'épée Gram qui sera donné à Sigurd avant que celui-ci, corrompu par cette arme, l'abandonne à Odin, devenu le Père-de-tout. 


C'est Odin qui la fera enfermer dans le coffre aux cinq serrures que trouvera Loki. Mais Sigurd entreprend de la récupérer, quitte à passer un pacte avec Méphisto. Ce qui lui vaudra de croupir dans un cachot sur Asgardia. A moins que Loki ne répare cela comme il cherche à réparer tout le mal qu'il fait par le passé...


Je vous raconte les coulisses des prochaines critiques de ce blog : je vais vous parler des trois tomes (tels que parus en vo, mais disponibles désormais en un seul volume sous le titre "The Complete Collection", et en deux tomes Deluxe en vf chez Panini Comics) de la série Loki : Agent of Asgard.


Initialement, je voulais rédiger une critique sur l'album Defenders : Plus Aucune Règle, paru chez Panini, qui rassemble les deux mini-séries Defenders et Defenders Beyond d'Al Ewing et Javier Rodriguez. Mais comme la seconde mini met en avant Loki, tel que l'a laissé Al Ewing dans Agent of Asgard, je me suis dit qu'il serait plus judicieux de commencer par le début.


Toutefois, Al Ewing n'est pas le genre de scénariste à partir de zéro ou à faire comme si rien n'avait été établi avant lui. C'est, à mes yeux, sa force et sa limite : sa force, parce qu'en procédant ainsi il évite les critiques des maniaques de la continuité toujours prompts à relever une erreur ou à se plaindre qu'on ne la respecte pas. Sa limite, parce que, si vous n'êtes pas un peu documenté sur le(s) personnage(s) qu'aborde Ewing, il vous manque des éléments pour apprécier pleinement l'expérience dans laquelle il vous embarque.

Et donc, dans le cas qui nous intéresse ici, pour apprécier Loki : Agent of Asgard, il faut savoir ce qui est arrivé à Loki précédemment. Pour résumer : Loki a été tué par Sentry durant l'event Siege (de Brian Michael Bendis et Olivier Coipel, en 2011). Mais Loki a trompé la mort en dieu de la malice qu'il est et il reprend vie sous la forme d'un enfant dans le run de Matt Fraction sur Mighty Thor (2012): Kid Loki est né et il passe un marché avec son demi-frère pour qu'il l'élimine si jamais il redevenait mauvais. La même année, Kieron Gillen fait de Kid Loki le héros de Journey into Mystery, puis il le transfère dans Young Avengers en 2013. Au terme de ce volume, Kid Loki disparaît au profit d'une nouvelle incarnation de Loki, désormais un jeune homme.

Al Ewing récupère donc ce Loki en 2014, et il en fait un agent au service d'Asgard. Ou plus exactement d'Asgardia, désormais gouverné par le triumvirat composé de Freyja, Idunn et Gaea. Pour convaincre les trois déesses qu'il a changé, il accepte d'accomplir des missions pour elles, consistant principalement à ramener à la maison des asgardiens dont le comportement sur Terre nuit à réputation du royaume. Loki, c'est un peu Vidocq : un ancien malfrat qui traque des renégats.

A partir de ce postulat malicieux, Ewing régale. Bien plus et surtout mieux que sur son actuel The Immortal Thor, beaucoup plus (trop) sérieux. Le scénariste, on le sent d'entée de jeu, aime l'ambivalence incarnée qu'est Loki : il a été homme, femme, enfant, jeune homme, il a été dieu du mal, de la malice, des histoires, il a été mauvais, il veut être héroïque. Et, en permanence, le lecteur se demande si Loki va tenir, s'il ne va pas retomber dans ses travers.

D'autant que très vite, il capture, sans le savoir, son moi futur, le vieux Loki, qui règnera sur Terre et causera sa dévastation. Le triumvirat l'attrape et l'enferme pour tenter d'épargner ce funeste destin à Midgard. Mais peut-on enfermer un vieux Loki, vicieux et mauvais au dernier degré ?

L'autre tournant que prend l'histoire, c'est la rencontre et l'amitié inattendues qui vont lier Loki et une humaine, Verity Willis, pourvue d'un don bien spécial, puisqu'elle détecte les menteurs. On saura comment plus tard (dans le troisième tome de la série) mais la situation est savoureuse puisque Loki, le roi des menteurs, des affabulateurs, est démasqué par Verity s'il tente de la tromper sur ses intentions. Cela ne signifie pas que Verity sait ce que Loki compte faire en vérité, mais elle sait quand il ne lui dit pas la vérité.

Ewing évite la romance convenue entre ces deux-là au profit d'une relation plus ambiguë où Loki tient à l'amitié et la confiance que lui témoigne la jeune femme, et où Verity veut aider Loki à se racheter une bonne conduite, à être sincère. La présence du vieux Loki qu'ignore le jeune Loki devient une sorte de nuage noir, d'épée de Damoclès au-dessus de sa tête, rappelant en permanence ce qu'il risque de (re)devenir. En fait, ce sont comme deux petits diable et ange sur les épaules de Loki : Verity incarne la vertu, le vieux Loki le vice.

Tout au long de ces cinq épisodes (précédé par les pages de All-New Marvel Now ! Point One), au rythme trépidant et au ton piquant, Ewing sème des cailloux pour la suite tout en développant déjà une intrigue efficace, avec en son centre Lorelei et Sigurd, dans laquelle l'épée de la vérité Gram tient un rôle essentiel. C'est un vrai petit jeu de poupées russes où chacun a un secret à défendre, où chacun a une partition à interpréter, avant un final épique et malin (l'épisode 5 est une vraie pépite, pastichant les caper movies).

Ces cinq numéros et demi sont tous dessinés par Lee Garbett qui tenait là sa première série régulière. C'est une excellente pioche pour cet artiste qui s'inspirait beaucoup d'Olivier Coipel à ses débuts puis a dépouillé son style pour atteindre une qualité narrative personnelle et très maîtrisée.

Le point fort de Garbett, c'est, pourrait-on dire, de n'être excellent sur rien en particulier. Vous trouverez des dessinateurs plus doués pour les décors, l'expressivité des personnages, le découpage, etc. Mais Garbett a cette polyvalence qui renvoie aux artisans du genre super-héroïque capable de se fondre dans n'importe quel récit et de le servir proprement. C'est un peu l'héritier des Sal Buscema, John Romita Sr., Don Heck : pas un génie à la Kirby, Buscema, Ditko, de ces stylistes incomparables, indépassables, mais un raconteur visuel imparable, qui va droit au but, sans chichi.

Pour ces épisodes, il est soutenu par le coloriste Nolan Woodard, qui soigne les ambiances, sans lui non plus en faire plus qu'il est nécessaire. Loki : Agent of Asgard est ainsi l'archétype de la série facile à lire, qui priorise la lisibilité sur tout autre aspect, le parfait contrepoint à un récit complexe.

Le titre de ce volume est Trust me, soit "faîtes-moi confiance". C'est parfaitement trouvé car vous pouvez effectivement faire confiance à ces auteurs pour faire de Loki le héros que vous allez aimer sans même que vous vous en doutiez. A suivre donc...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire