dimanche 4 août 2024

THE BIG BURN #1 (Joe Henderson / Lee Garbett)


Owen rencontre Carlie lorsqu'il va braquer sa première banque. Elle se trouve là pour la même raison et ils décident d'échapper à la police avec leur butin ensemble. Après ça, ils deviennent inséparables. Leur amour épanouit en même temps que leur ambition grandit. Jusqu'au casse de trop : il sons surpris en flagrant délit et arrêtés par les flics.


Alors qu'ils croupissent dans une cellule au poste, Owen prie pour trouver une solution et échapper miraculeusement à la justice. Mais si Dieu reste sourd à sa supplique, le Diable l'entend et apparaît devant le couple. Il leur propose le marché classique : leurs âmes contre la liberté. 
 

Estimant qu'ils ne perdront rien d'essentiel, Owen et Carlie acceptent. Mal leur en prend : leurs sentiments l'un pour l'autre s'étiolent. Ils font chambre à part jusqu'à ce que la jeune femme, craignant de se faire du mal et d'en fare à Owen, décide d'être internée dans une clinique psychiatrique. Owen croit avoir touché le fond lorsqu'il fait une découverte dans les affaires de Carlie.


Qui plus est, un prêteur sur gages à qui il doit de l'argent le menace de mort s'il ne lui rembourse dans la semaine...


Après la réussite magistrale de Somna (par Becky Cloonan et Tula Lotay), j'avais compté sur The Blood Brothers Mother pour trouver une nouvelle série publiée par DSTLRY à même de me combler. Mais le premier épisode du nouveau projet de Brian Azzarello et Eduardo Risso m'a laissé sur ma faim, bien que j'étais impatient de découvrir ce western.


Et ce mois-ci sort le premier épisode de The Big Burn, une mini-série par Joe Henderson et Lee Garbett, les créateurs de l'excellent Skyward puis de l'inachevé (faute de succès) Shadecraft. La présentation de l'éditeur évoquait Inception, Ocean's 11 et Lucifer (Henderson a été le showrunner de la série sur Netflix). Je me méfie toujours un peu de ces accroches qui convoquent tout un tas de références parce que ça ressemble à un cocktail avec beaucoup trop d'ingrédients.

Mais bon, ça n'allait pas non plus me décourager. Evacuons tout de suite l'autre élément qui pourra en refroidir certains : le prix de 8, 99 $. Je sais que ça peut sembler cher, mais réfléchissez-y un peu : combien vous coûte un album franco-belge à la pagination quasi-identique (l'épisode fait une cinquantaine de pages) ? Qui plus est DSTLRY publie des single issues comme aucun autre éditeur n'en fabrique : la couverture comme les pages ont un papier de qualité supérieure, le format est également plus grand. Dans ces conditions, j'estime que ça vaut son prix, qui plus est parce que The Big Burn est bimestriel (et ne devrait compter que 3 o 4 épisodes - je base mon calcul sur le fait que le recueil de la mini-série est prévu pour Février 2025).

Maintenant, venons-en au fond. Joe Henderson et Lee Garbett l'admettent eux-mêmes : l'originalité n'est pas la priorité de leur argument narratif. Des histoires de pacte faustien, il y en a eu des paquets avant, et ça n'a pas fini de donner des idées aux auteurs. Ce qui distingue The Big Burn, c'est la nature des personnages qui ont vendu leur âme au diable, des gangsters, d'où la référence à Ocean's 11.

Pour Inception, c'est tout aussi sibyllin : comme Cobb dans le film de Christopher Nolan, Owen se met en tête de forcer une chambre forte vraiment pas comme les autres puisqu'il s'agit de celle du diable lui-même qui y collecte les âmes de ceux à qui il a offerts ce qu'ils désiraient le plus.

Et quant à Lucifer, hé bien, c'est évident : le Diable, c'est Lucifer, même si ici il a furieux air de Jason Momoa en costard trois-pièces (mais pas de cornes ni de queue fourchue).

En fait, The Big Burn ressemble aux précédentes collaborations du duo Henderson-Garbett : un postulat très simple mais avec un twist accrocheur. Dans Skyward, la gravité n'existait plus sur Terre. Dans Shadecraft, les ombres étaient animées. Ici, on a affaire à des bandits qui ont tous vendu leurs âmes au diable mais qui, pour la récupérer, doivent s'associer pour braquer le diable lui-même. Seul problème : la seule capable de planifier ce coup s'est fait interner chez les dingues par crainte de se faire du mal ou d'en faire aux autres. Donc il faudra d'abord la libérer d'une cellule capitonnée dans un asile et, ensuite, la convaincre de reprendre du service.

Ah, et puis évidemment pour gagner l'enfer, il faudra que le gang meurt... Un détail.

On ne voit pas le temps passer : l'action se déploie à vive allure et le ton ressemble à celui d'une comédie policière et romantique. Mais Henderson sait nuancer les péripéties en donnant du temps pour montrer les conséquences des choux des héros. Dans les cas d'Owen et Carlie, c'est l'erreur commise en croyant que, même privés de leur âme, ils pourraient continuer à mener leur vie tranquillement et poursuivre leurs braquages; Dans le cas des bandits recrutés par Owen, c'est d'avoir pensé qu'ils pourraient profiter d'avoir échapper à la justice sans dommages : une voleuse de voitures qui prend des risques insensés, un perceur de coffres qui s'ennuie, un escroc qui est devenu prêtre pour se repentir...

Lee Garbett met tout cela en images en s'alignant sur le ton faussement léger de son scénariste. Le début est irrésistible : on suit Owen et Carlie pour leur panache, leur charme, leur insolence. Puis l'histoire prend un tour plus grave. Et quand le surnaturel bouscule tout, Garbett a l'intelligence de ne pas sombrer dans quelque chose de basiquement spectaculaire et sinistre : il déjoue nos attentes par l'aspect qu'il donne au maître de l'enfer, mais aussi à l'enfer lui-même (un casino géant, lieu où, par excellence, on croit pouvoir gagner tout mais où on perd toute illusion).

L'idée d'une chambre forte où sot enfermées les âmes a quelque chose d'épatant dans sa simplicité aussi, ce genre d'invention qu'on aimerait tous avoir eu quand on pense écrire un polar. Le fait aussi que les recrues d'Owen n'aient pas l'air d'un brelan d'as, mais de personnages a priori ordinaires. Ainsi, Henderson et Garbett suggèrent que rien ne sera facile parce que le lecteur n'a pas l'assurance qu'ils sont taillés pour une telle mission.

Mention enfin aux couleurs du toujours impeccable Lee Loughridge (après son remarquable boulot sur The One Hand / The Six Fingers récemment), un artiste dans son rayon qui n'en fait jamais trop mais avec un sens de la nuance très appréciable.

Il n'est pas difficile d'aimer The Big Burn : c'est un comic book séduisant, palpitant, accrocheur, écrit avec goût et dessiné avec aisance. Rendez-vous en Septembre pour la suite.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire