jeudi 1 août 2024

BLOOD HUNT #5 (Jed MacKay / Pepe Larraz)


C'est l'heure de la bagarre; Et des coups tordus. Avec respectivement, d'un côté, les Avengers contre Blade/Varnae et son couvent de sang ; et de l'autre, le Dr. Fatalis et le Dr. Strange. Au milieu, la fille de Blade et Dracula. Les jeux sont faits, rien ne va plus !


Alors, que dire ? Est-ce que vous connaissez le pendule de Newton ? C'est un mécanisme simple, un instrument scientifique composé de cinq billes métalliques de masse égale qui sont suspendues à une structure rigide par des fils. Il démontre le principe de la conservation de la quantité de mouvement qui stipule que avant et après leur collision la quantité de mouvement totale des objets reste égale (merci Wikipédia !).


Hé bien, Marvel applique ce système à ses events avec Blood Hunt puisque, c'est un spoiler mais trop prévisible pour vous gâcher la surprise, il n'y a pas de fin à cette histoire... Qui n'aura été qu'un prétexte pour un futur event à paraître en Novembre prochain et intitulé One World Under Doom. On ignore qui sera aux commandes mais je parie que ce sera encore Jed MacKay et, peut-être, Pepe Larraz.


Selon votre degré de tolérance au mercantilisme éhonté de Marvel (mais je ne jette pas spécialement la pierre sur la "maison des idées", DC fait pareil), vous goûterez ou nom au procédé. Mais ça me semble quand même marquer une sorte de tournant éditorial où, désormais, les séries régulières sont là pour passer le temps et les events deviennent les véritables marqueurs du calendrier de Marvel.
 

Il y a déjà eu des précédents, par exemple quand Bendis était l'architecte en chef des séries les plus populaires de l'éditeur : New Avengers préparait le terrain pour les events du scénariste (qui écrivait la série) et on pouvait tracer une espèce de frise qui matérialisait les liens entre les events qui ponctuait la série. Même quand Bendis n'était pas l'auteur d'un event (cf. Civil War première du nom), il intégrait ce qui l'arrangeait dans ses plans (cf. le schisme entre New Avengers pro-Iron Man et pro-Captain America-Luke Cage).


Mais Bendis et Marvel, à cette époque, qui commence gentiment à dater mine de rien, sortait un gros event par an (de quoi justifier la dimension événementiel du récit), donc on n'avait pas le sentiment qu'un event était uniquement conçu pour annoncer le suivant. Entre temps, les séries pouvaient développer un ou deux arcs entiers et le lecteur pouvait souffler.

Avec Blood Hunt, c'est nettement plus appuyé et direct : la conclusion, ou ce qui en tient lieu, n'est pas une fin, c'est un préliminaire. Un personnage se trouve investi d'un nouveau statut et se présente devant les Avengers en l'annonçant. C'est un changement notable pour ce personnage, mais en vérité c'est surtout l'annonce du prochain event dont il sera la vedette. (Bon, je crois qu'à ce stade, vous aurez compris qu'il s'agit de Fatalis/Doom, devenu le nouveau sorcier suprême).

Narrativement, Blood Hunt a enseigné au lecteur, fan ou moins fan, deux choses : la première, c'est que Marvel s'en fiche ouvertement de proposer une histoire qui soit intéressante. Cette fois, on a ressorti les vampires, introduit une bande de méchants d'une nullité crasse (le couvent de sang qui ne sert à rien et qui va certainement tomber dans les oubliettes, sauf si MacKay veut continuer à les exploiter), un peu de Darkforce pour pimenter la recette (du piment très léger), et le retour des Avengers en sauveurs du monde (les tie-in ont bien impliqué les Fantastic Four, des mutants et autres personnages, mais qui lit encore les tie-in avec l'espoir de tomber sur quelque chose de bon ?).

Le second enseignement, c'est que Marvel fait écrire désormais ses héros vedettes comme des crétins calamiteux, qui se prennent une dérouillée comme des bleus, qui passent des marchés avec des individus dont la parole ne vaut rien, qui doivent leur salut à des renforts providentiels. MacKay suggère fugacement au début de ce dernier épisode que Fatalis aurait très bien pu provoquer cette crise dans le seul but de gruger Stephen Strange (après tout, hormis Reed Richards, Strange est l'autre obsession de Fatalis). Mais ça ne va pas plus loin qu'une allusion. Dommage, ça aurait miraculeusement donné un peu d'ambiguïté à tout ça, mais, hé, faut pas rêver.

Que dit Blood Hunt de Marvel ? Sans doute que l'éditeur a renoncé. Il faut être lucide : quels sont les grands scénaristes actuels chez Marvel ? Hickman : il joue dans son coin. Ewing : ses collaborations à venir avec DC me font penser qu'il ne devrait pas s'engager dans les grands plans de Marvel, peut-être même est-il sur le départ. Gail Simone : il faudra vérifier sur pièce ce que vaut sa relance de Uncanny X-Men, mais je ne sens pas une inspiration géniale. MacKay : l'éditeur semble beaucoup l'apprécier, mais franchement je n'ai rien lu de transcendant de sa part, surtout pas Blood Hunt.

Rappelez-vous de l'époque des "architectes Marvel" : Hickman, Bendis, Brubaker, Aaron, Slott, Fraction, Millar. Oui, ça avait de la gueule, parfois ça n'avait que ça, mais c'était stylé. Et, que ce soit en bien ou en mal, on se souvient encore de Civil War, Secret Invasion, Avengers vs. X-Men, Infinity, Secret Wars. Qui se souviendra dans 10-15 ans de Blood Hunt ? Personne, car ce n'est pas fait pour rester, marquer les esprits : c'est fait pour teaser One World Under Doom et juste ça !

Ce qui fait peut-être encore plus mal au coeur dans tout ça, c'est que c'est dessiné par Pepe Larraz. Pour un peu, on serait tenté de dire qu'à lui seul, il justifie l'achat et la lecture. Mais c'est dégradant pour lui de lui confier une merde pareil. Quand on a Pepe Larraz, on lui écrit une bonne histoire, pas ça. Et le pire, c'est que ce n'est certainement que le début : comme je le dis plus haut, il se peut très bien qu'il rempile pour One world under Doom. Pourquoi ? Parce que Larraz n'est pas (n'est plus) capable d'enchaîner les épisodes (si tant est qu'il le fut jamais), mais surtout parce que depuis House of X, il a changé de dimension : Larraz, c'est le Steve McNiven, le Olivier Coipel, le Jerome Opena de 2024, soit l'artiste qu'on place sur les blockbusters pour attirer le chaland. On ne va pas le mettre sur Avengers, ou X-Men, ou FF, ou Spider-Man parce que le fan ne sera pas content quand il sera remplacé un mois ou deux par un fill-in ou partira après un arc.

Non, maintenant, Larraz est en quelque sorte condamné à des gros trucs bourrins et "fédérateurs", aux events, parce qu'il fait vendre sur son nom (plus que tous les scénaristes Marvel, hormis Hickma). C'est dommage. Mais bon, Millar aura certainement encore le droit de l'emprunter pour une mini-série chez Dark Horse (en se vantant de le piquer à Marvel) : Big Game n'était peut-être pas génial, mais il était cent fois mieux que Blood Hnnt. Et je suis sûr que Larraz s'y est cent fois plus amusé, sans compter qu'il a eu beaucoup plus de temps pour le dessiner.

Je n'ai donc pas aimé Blood Hunt. Mais, ultime question : qui défendra Blood Hunt en prétendant l'avoir aimé et trouvé bon ? (A part le responsable marketing de Panini, je vois pas...)

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