vendredi 2 août 2024

ULTIMATE SPIDER-MAN #7 (Jonathan Hickman / Marco Checchetto)


Mary Jane a acheté un building entier avec l'argent des Osborn. A quelle fin ? J. Jonah Jameson et Ben Parker ont rendez-vous avec un informateur. Qui ? Wilson Fisk a un plan pour éliminer Spider-Man et le Bouffon Vert. Lequel ? Spider-Man et le Bouffon Vert s'entraînent ensemble avant de recevoir une visite. De qui ?


On ne va pas se mentir : oui, Ultimate Spider-Man est une série lente. Il faut être patient. Jonathan Hickman tire une cartouche à la fois, parfois deux, rarement trois. Il fait durer le plaisir - ou le supplice. Selon votre humeur, vous préférerez lire la série en recueil ou mensuellement, mais dans ce dernier cas, vous êtes prévenus : c'est lent et il faut être parient.
 

On pourrait presque dire que Ultimate Spider-Man 2024 est une sorte de contresens. Hickman contrôle visiblement assez sa série pour obliger Marvel à ne distiller que très peu d'informations à chaque épisode qui sort ou même dans les annonces des sollicitations. Donc, on ne sait jamais où on va, sinon qu'on risque d'y aller tranquillement.


Si je dis que c'est un contresens, ce n'est pas parce que la narration décompressée n'existe plus, mais bien parce que, pour une série Marvel, Ultimate Spider-Man refuse de s'aligner sur la politique de son éditeur qui ne manque jamais une occasion de s'auto-spoiler, de survendre la moindre de ses camelotes, de surenchérir - comme si tout ça marchait encore, que le lecteur était dupe.


Et c'est fascinant de voir un auteur comme Hickman jouer avec les nerfs du lecteur comme il doit le faire avec les responsables marketing de Marvel qui aimeraient sans doute beaucoup plus en montrer et en dire. On va prendre un exemple :

la couverture de ce n°7 montre le Bouffon Vert et Spider-Man se partager littéralement l'affiche. Et ça se vérifie aussi à l'intérieur puisque Harry Osborn et Peter Parker franchissent un nouveau cap dans leur relation, qui, ici, n'est pas celle de deux adversaires mais de deux acolytes unis contre une ennemi commun.

Mais cette couverture suggère, par sa composition, une division entre les deux personnages. Et l'intérieur aussi : grâce à Otto Octavius, les tenues de combat de Peter et Harry sont optimisées, notamment par une sorte de logiciel répliquant un modèle de combattant pour chacun. Harry choisit son père, Peter préfère s'en tenir à lui-même. Hickman joue avec l'idée que Harry Osborn, comme sa version classique, va peut-être tourner casaque et se retourner contre Peter Parker, d'autant plus qu'il collabore avec Otto Octavius qu'on imagine mal tenir éternellement le rôle du mécano.

Pourtant, Hickman ne franchit pas (pas encore ?) ce pas : il tourne autour, comme quand les deux garçons s'entraînent ensemble et se balancent des gnons par la gueule en s'excusant ensuite d'y être aller fort. Donc, ils restent bons amis, partenaires. Jusqu'à ce qu'un personnage fasse une réapparition à la toute dernière page et n'annonce une bascule irréversible et incontournable pour les deux alliés...

Et c'est là que c'est malin parce qu'en vérité tout l'épisode est construit sur des tandems : MJ et Gwen, J. Jonah et Ben, Fisk et Captain Britain. Chaque scène s'articule autour d'un duo et renvoie au suivant : MJ et Gwen visitent les locaux du futur canard de Ben et Jonah. Ben et Jonah rencontrent un indic. Cet indic leur fournit des infos compromettantes contre Fisk? Fisk assure Captain Britain qu'il a de quoi battre Spider-Man et le Bouffon. Le Bouffon et Spidey s'entraînent avant de recevoir une visite qui va tout changer.

C'est simple et fluide. Et en fait on se rend compte en découpant l'épisode comme ça que la lenteur qu'on reprochera à la série est elle-même à double tranchant : côté pile, oui, ça prend son temps, ça pose des jalons (on constate que chaque épisode correspond à un mois et les sept épisodes parus se sont déroulés de Janvier à Juillet dans l'année où se situe l'histoire et comme elle a été publiée) ; côté face, chaque épisode est en fait très dense, rythmé, fluide. Donc, il y a cette dualité : le temps qui passe (dans l'histoire et sa publication) est lent, dilaté, mais chaque numéro est bien plein et fait tout sauf du surplace. Je pense même que Hickman invite le lecteur à se faire son propre film en imaginant ce qui se passe entre chaque épisode qui devient du coup une sorte de moment-clé, le moment le plus intéressant, le plus décisif.

Marco Checchetto ne déçoit pas : il est de toute façon fait pour dessiner Spider-Man, ça se sent qu'il adore le personnage, son univers, encore plus avec les distorsions que lui imprime Hickman. Chaque scène témoigne du plaisir manifeste de Checchetto, qu'il s'agisse de montrer MJ et Gwen ensemble, les deux papys en train de se la jouer Watergate, Fisk dangereux sans rien faire, Spider-Man et le Bouffon qui se testent.

Chaque scène a son propre tempo, et Checchetto rythme ça à la perfection avec à chaque fois un découpage qui valorise ça : des strips de trois puis deux cases en alternance, des cases occupant la largeur de la bande, des vignettes tangentes, tout y passe pour que le lecteur ne sache jamais quelle ambiance va succéder à la précédente et en même temps jubiler devant l'efficacité du procédé adopté par l'artiste. Franchement, comment en vouloir à Checchetto de devoir souffler parfois ? A chaque fois qu'il est là ou qu'il revient d'une pause, il nous enchante. C'est un putain de bon dessinateur, irrégulier avec ses deadlines, mais impeccable à chaque fois qu'il est présent. (Et puis bon, son fill-in, David Messina fait du très bon taf.) 

C'est ça, Ultimate Spider-Man : on râle d'abord et à la fin c'est Hickman-Checchetto qui gagnent parce que tout est parfaitement huilé et qu'on n'a qu'une envie - lire la suite. Vaut mieux ça que le contraire, non ?

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