vendredi 16 août 2024

LOKI : AGENT OF ASGARD, VOLUME 2 : I CANNOT TELL A LIE (Al Ewing / Jorge Coelho & Lee Garbett)


Alors qu'il s'excuse auprès de Verity Willis pour l'avoir entraîner dans sa dernière aventure sans lui en avoir tout dit, Loki est kidnappé par le Dr. Fatalis et Valeria Richards qui l'enferment dans un cube hors de l'espace-temps où sa magie est inopérante. La raison ? 

Fatalis a voyagé dans le futur et vu que le vieux Loki avait dévasté la Terre. Pour empêcher cela, autant retenir prisonnier Loki tout de suite. Mais un événement imprévu va venir chambouler l'opération car, au même moment, Crâne Rouge investi des pouvoirs psychiques de Charles Xavier lance une attaque mondiale...


Pour contrer Crâne Rouge qui a réussi à exploiter les pouvoirs psy de Charles Xavier, Scarlet Witch et Fatalis s'unissent pour lancer une contre-attaque. Le sort d'inversion bouleverse la Terre : certains héros deviennent des vilains et des vilains, des héros. Parmi eux : Loki, aux côtés d'Amora l'Enchanteresse, qui décide de guérir son demi-frère Thor qui fait des siennes à Las Vegas !


Le sort d'inversion cesse de fonctionner brutalement. Conséquence immédiate : l'affrontement entre Thor et Loki va obliger ce dernier à avouer comment il s'est réincarné au détriment de Kid Loki...


Dans ce deuxième tome (sur trois) de Loki : Agent of Asgard, Al Ewing doit composer avec un event sur lequel il n'a aucun contrôle. Une situation qu'il a souvent dû affronter depuis mais dont il semble à chaque fois s'arranger sans se plaindre. Au contraire même.


En effet, Ewing profite souvent de cet exercice pour développer sa série avec un naturel confondant. Et pourtant, avec Axis, il avait fort à faire. Revenons un instant sur ce projet de Rick Remender.

A cette époque, en 2014, Rick Remender est un des scénaristes importants de Marvel. Il a écrit avec succès Venom, Uncanny X-Force, et sa "suite" Uncanny Avengers.. Pour cette dernière série, il a un plan intéressant qui consiste à corrompre des membres de l'équipe pour la détruire de l'intérieur. Mais Marvel voit plus grand et commande à Remender un event en le forçant donc à revoir sa copie pour impliquer un maximum de personnages.

De fait, Ce qui devient Axis ressemble à un fichier piraté dans le run de Remender sur Uncanny Avengers. L'event recevra des critiques assassines et un accueil commercial mitigé, comme si tout le monde s'était rendu compte de l'erreur commise par le staff éditorial (qui n'a même pas été fichu de trouver un dessinateur unique pour illustrer ça, rendant l'ensemble encore plus indigeste).

Ce qui subsiste de l'idée de départ est donc grossier : des héros deviennent des vilains et vice-versa, de manière totalement arbitraire, souvent absurde et grotesque. Al Ewing en tire pourtant des épisodes parmi les meilleurs de toutes les séries impactées. Et pour cause : le thème central de Loki : Agent of Asgard, c'est justement de questionner la moralité de Loki.

Les deux épisodes qui ouvrent le bal se situent juste avant le début d'Axis et voit Fatalis capturer Loki après que ce bon vieux Victor, avec la complicité de sa filleule Valeria Richards, a voyagé dans le futur pour découvrir les ravages du vieux Loki sur Terre. Ewing souligne à bon escient à quel point Fatalis est un adversaire redoutable car il utilise à la fois la magie et la technologie pour dominer Loki.

Le scénariste parasite tout aussi intelligemment ce qui se passe quand Crâne Rouge lance son attaque psi et provoque un élan de haine jusqu'en Latvérie. Fatalis doit calmer ses ouailles et pendant ce temps Verity Willis doit convaincre Valeria Richards de libérer Loki.

Pour permettre à Lee Garbett de souffler (car non seulement il a enchaîné cinq épisodes de la série mais aussi participé aux n° hors série en lien avec l'event Original Sin, qu'il a dessiné pour moitié avec Simone Bianchi), Jorge Coelho le suppléé. Son trait est plus rugueux, plus anguleux, et disons-le moins beau que celui de Garbett. La rupture stylistique n'est pas des plus agréables. Heureusement, ça ne dure que deux épisodes.

Garbett revient au #8 (et enchaînera jusqu'à la fin de la série, au #17 !). Axis a alors débuté et frappe de plein fouet Loki : Agent of Asgard comme une multitude d'autres séries. Ewing s'amuse visiblement beaucoup à faire de son héros un vrai héros, mais surtout à mettre en scène ses actions bénéfiques et leurs conséquences. Ainsi, Amora l'Enchanteresse est elle aussi touchée moralement et agit avec lui, et comme elle est la soeur de Lorelei qui est désormais en couple avec Sigurd, hé bien, Amora et Loki les arrêtent et les livrent à Odin.

Dans une courte scène, on voit que Odin est toujours aussi méfiant avec Loki : il ne croit ni en sa rédemption ni en son nouveau rôle de héros. Ewing résume ainsi tout le tragique de leur relation : Odin n'a jamais été un père adoptif exemplaire (n'oublions pas qu'il a élevé Loki parce qu'il a auparavant tué le père de celui-ci), préférant Thor (tout en le paternant très autoritairement). Loki, lui, est en quelque sorte devenu mauvais à cause d'Odin, qui l'a privé de son père biologique, qui l'a relégué au second plan (au profit de Thor), nourrissant une rancoeur tenace.

Thor a été affecté par Crâne Rouge : il joue dans un casino de Las Vegas, et rumine vulgairement sur le fait qu'il soit désormais indigne de soulever Mjolnir (qui plus est désormais brandi par une femme - cf. Thor Déesse du tonnerre, de Jason Aaron et Russell Dauterman). Le dénouement de l'affrontement inévitable entre un Loki qui veut remettre Thor dans le droit chemin et Thor qui est complètement abruti par l'attaque psi de Crâne Rouge trouve son point culminant lorsque le sort d'inversion lancé par Scarlet Witch et Dr. Fatalis purge Odinson.

Alors qu'il veut se libérer d'un poids devenu trop lourd, Loki explique à son demi-frère pourquoi Kid Loki a disparu et comment. Cette excès de sincérité et de franchise va lui coûter très cher et, même si ce qu'il a fait est effectivement terrible, le lecteur ne peut s'empêcher d'éprouver de la compassion pour Loki.

Garbett met en images des épisodes très forts et très denses. Sa prestation est remarquable : il sert le script avec beaucoup d'humilité et d'intelligence, certain d'avoir de l'or entre les mains (ce qui est le cas). Jamais il ne laisse griser cependant et on tourne les pages très vite pour savoir ce qui va se passer tout en devinant que ça va mal finir.

Surtout, Lee Garbett a compris Loki, ce Loki-là, précisément. Il lui donne du charme, de l'humanité, et c'est en le ramenant à ce niveau qu'il en fait un héros attachant, victime davantage de lui-même. Il subsiste, grâce au dessin de l'artiste, une part d'enfance tragique chez Loki, le fils maudit, mal-aimé, le demi-frère honni, l'ami fragile. Tout cela, toutes ces facettes sont rendues visibles par le dessin et c'est la qualité de Garbett.

Al Ewing n'en a pas fini avec les interférences éditoriales : le troisième volume devra composer avec l'opéra de Jonathan Hickman, Secret Wars, et conduire la série à son dénouement. Mais déjà s'impose une certitude : Loki est un personnage qui convient bien mieux à l'auteur que Thor et pour s'en assurer, il faut (re)lire Agent of Asgard. A suivre donc...

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