mercredi 7 août 2024

ABSOLUTE POWER #2 (Mark Waid / Dan Mora)


L'attaque éclair d'Amanda Waller contre les méta-humains a porté ses fruits : 80% d'entre eux sont neutralisés et détenus sur l'île de Gamora dans une prison sépciale. Les héros ont trouvé refuge dans la forteresse de solitude de Superman et tentent d'élaborer un plan pour riposter...


Après un premier épisode en boulet de canon, Absolute Power ne relâche pas la pression. Mark Waid a quatre épisodes pour son event, il n'a donc pas de temps à perdre et il en tire parti. Amanda Waller a déclaré la guerre aux méta-humains qu'elle a patiemment fait passer pour des dangers publics, attirant sur Terre des menaces pour des civils innocents.


Tout cela, comme je le résumais le mois dernier dans ma critique du premier chapitre, est l'aboutissement d'une intrigue que DC Comics a mise en place à la fois à travers de précédents events (Dark Crisis, Knights Terror, Beast World) mais aussi dans des séries régulières bien exposées (comme Batman, Superman, Titans). Un modèle de politique éditoriale qui renvoie Marvel à ses chères études, surtout après l'affligeant Blood Hunt.
 

Mais ce n'est pas parce qu'une histoire est bien préparée que son aboutissement est garanti d'être réussi. Toutefois en confiant cette tâche à un scénariste aussi expérimenté et fin connaisseur de leur univers que Waid, l'éditeur n'a pas pris trop de risque. Et on peut mesurer là aussi à quel point c'est bien joué.


Ce deuxième épisode se concentre sur la retraite obligée des héros, qui se sont réfugiés dans la forteresse de solitude de Superman. Il s'agit donc d'un quasi huis-clos mais ça ne signifie pas que l'action est absente. Au contraire.

Dans un premier temps, Waid appuie là où ça fait mal : les héros n'ont rien vu venir et pire, ils se déchirent pour savoir qui va proposer le meilleur plan de contre-attaque et mener les troupes au combat. Batman et Mr. Terrific doivent toutefois s'incliner devant Nightwing qui, après tout, s'est vu remettre les clés de l'ordre mondial quand la Justice League a décidé de faire une pause à durée indéterminée.

Waid fait preuve d'un peu de malice bienvenue quand il montre Batman, non pas jaloux de voir son ex-Robin prendre les affaires en main, mais au contraire fier que ce soit son "fils" qui se montre digne des enseignements qu'il lui a prodigués.

Et puis, quasiment sans prévenir, comme il l'avait fait dans le premier chapitre, Waid fait tout sauteur avec l'arrivée de la Reine Brainiac qui contrôle Jon Kent et de Amazo (nouvelle version). La bataille qui s'ensuit est dantesque et dramatique à souhait : à eux trois, les visiteurs flanquent une correction à tous les héros pris au dépourvu face à la technologie des New Gods dont s'est emparée Waller et aux mesures de neutralisation stockées par la Reine Brainiac face aux pouvoirs des résistants.

Le lecteur éprouve à la fois le désespoir de la situation et en même temps ne peut s'empêcher d'admirer l'efficacité des manoeuvres de Waller. Elle a tout préparé, tout appris de ses ennemis, ses complices sont implacables, les héros dépassés, écrasés. Voilà une méchante qui fait vraiment le job, qui est vraiment terrifiante, qui donne vraiment du fil à retordre aux champions de DC. C'est autre chose que Blade possédé par Varnae. C'est un blockbuster intelligent et redoutable.

Toutefois, j'exprimerai un ou deux bémols dans ce concert de louanges. Le premier concerne un allié de Waller dont je trouve que Waid révèle la trahison trop tôt, avec trop d'évidence. Le lecteur se doutait que ce personnage ne pouvait pas avoir agi comme il l'a fait de manière aussi radicale, et de ce point de vue, le format ramassé de Absolute Power joue contre toute forme de suspense à son sujet.

Ensuite, et ça vous étonnera peut-être plus, j'ai trouvé que Dan Mora n'était pas au pic de sa forme. Bien entendu, il nous gratifie de planches très énergiques et il n'éprouve aucune difficulté à s'emparer de quelque personnage que ce soit, même pour une case. Mais, dans l'ensemble, le résultat est parfois brouillon.

C'est comme si cet artiste qu'on sait très prolifique, voire hyperactif, avait été obligé, je ne dirais pas de bâcler, mais en tout cas de se presser et donc de moins soigner son ouvrage. En témoigne l'absence quasi-totale de décors - et là, je sais ce que vous allez penser : "ouais, mais les décors pendant une bagarre, c'est pas le plus important, et même que la forteresse de solitude, c'est pas hyper sophistiqué comme décor !".

Et, sur ce point, je vous donne à moitié raison. Mais à moitié seulement parce que, justement, le découpage trahit ce côté précipité. Les enchaînements, la disposition des cases, la valeur des plans ne rend pas la lecture toujours fluide et donc agréable. Oui, ça pète de partout, ça se bastonne sévère, mais ce n'est pas bien dessiné à ce niveau. Et s'il y a une chose sur laquelle Blood Hunt était irréprochable, c'était le dessin de Pepe Larraz.

Dan Mora se fiche du beau mais il se fiche aussi ici, souvent, de la clarté des images. C'est confus, plus confus qu'épique en définitive. Et surtout on le sent à l'étroit, ce qui est curieux pour quelqu'un comme lui qui maîtrise la composition. Larraz sur Blood Hunt composait toujours des plans efficaces et lisibles, avec une vraie envergure. Mora, sur cet épisode en tout cas, n'y arrive pas.

Ces réserves ne suffisent pas à entamer le crédit de Absolute Power, parce que, encore une fois, c'est superbement exécuté, avec une préparation en amont exemplaire. Waid est magistral. A Mora de l'être aussi.

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