dimanche 25 août 2024

BLACKHAND & IRONHEAD (David Lopez)


Alexia Ros est la fille de Carlos Ros alias IronHead, un des plus grands super-héros, qui est désormais retiré. Après un massacre survenu lors d'une bataille contre des super-vilains, il a créé la Fondation Lesseps qui permet aux super-héros, désormais sur la touche après la victoire de leur camp, de se battre pour des shows télévisés. L'endroit sert aussi de musée où sont entreposés des armes, véhicules et tenues ayant appartenu aux justiciers et à leurs ennemis.


Mais si Alexia rêve de prendre le relais de IronHead, son père a d'autres projets pour elle : il veut qu'elle devienne l'administratrice de la Fondation Lesseps. Alors qu'il remplit les papiers à cette fin, la télé retransmet le combat qui oppose Titan, l'ancien partenaire d'IronHead, à la dernière des méchantes, Dakini Klesha. Carlos est alors victime d'une crise cardiaque.


Des funérailles en grandes pompes sont organisées en sa mémoire. Mais la cérémonie va être troublée par l'intervention d'une jeune femme, Amy Camus, qui affirme que IronHead était son père et les a abandonnées, elle et sa mère. Elle se réjouit que Carlos soit mort et réclame son héritage. Et ce n'est que le début des emmerdes pour Alexia...


David Lopez est un dessinateur de comics qui a travaillé aussi bien pour DC (Catwoman quand la série été écrite par Will Pfeifer) que Marvel (Captain Marvel, lors du run de Kelly Sue DeConnick - qui singe une préface très louangeuse). Issu de la vague espagnole, c'est un artiste apprécié mais qui n'a jamais véritablement eu la reconnaissance qu'il mérite, malgré son talent et le fait que les scénaristes avec qui il a collaborait ont loué son travail.


Bonne nouvelle : DeConnick et Lopez vont à nouveau faire équipe dès le mois de Novembre pour une mini-série en huit numéros chez Dark Horse, FML, et j'ai hâte de lire ça. Mais revenons à BlackHand & IronHead, le projet le plus personnel de Lopez qui a eu une histoire éditoriale spéciale. En effet, si l'album a été traduit en France chez Urban Comics (dans leur collection Urban Strips), aucune version physique n'existe aux Etats-Unis.


Initialement, en effet, cette mini-série était un webcomic paru sur la plateforme PanelSyndicate créé par Brian K. Vaughan et Marcos Martin quand ils ont produit The Private Eye (également dispo chez Urban dans la même collection). Le concept était simple : sortir des formats traditionnels (avec des BD au format "à l'italienne", du moins au début), sans deadlines, et pour lesquels le lecteur payait ce qu'il souhaitait (y compris que dalle pour les plus radins ou les moins respectueux du travail fourni).

Le succès de The Private Eye, puis de Barrier (par les mêmes auteurs), a motivé David Lopez à se lancer dans l'aventure avec cette histoire qu'il murissait depuis longtemps. En surface, on reste dans le domaine super-héroïque puisque IronHead est le pseudo d'un ancien justicier qui a réussi à fédérer des surhommes dans sa Ligue de Combat pour mettre fin au super-banditisme. L'objectif a été rempli puisqu'il n'existe plus de super-vilain en activité et le seul super-héros qui veille au grain est Titan, une sorte de Superman dans cet univers.

Que faire quand il n'y a plus personne à combattre et à mettre derrière les barreaux ? Créer une fondation pour que les anciens super-héros se défoulent dans des affrontements télévisés, entreposer les armes et véhicules du passé glorieux, et financer des projets caritatifs. C'est ce qui attend Alexia, la fille de IronHead, qui pourtant rêvait de reprendre le flambeau. Mais lorsque Titan doit stopper la dernière super-vilaine en liberté, le père d'Alexia a une crise cardiaque et, lors de ses obsèques, une inconnue vient prétendre qu'elle est sa fille en se réjouissant de sa mort mais en réclamant sa part d'héritage !

Ce que je viens de raconter, c'est seulement le premier épisode (sur les cinq que compte la série). Et partant de là, David Lopez nous entraîne dans une intrigue qui sort des sentiers battus : certes il y a de l'action, des super-pouvoirs (Alexia est super-forte, Amy sa demi-soeur a des capacités psioniques), mais ne vous attendez pas à de la bagarre non-stop, même si les deux filles ont beaucoup de mal à s'entendre et à accepter leur histoire.

Non, tout l'intérêt de BlackHand & IronHead réside dans l'exploration du thème de la filiation. Vous connaissez la chanson qui dit : "on ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille" (Né quelque part, de Maxime Le Forestier). Elle va comme un gant à ce récit où Alexia va découvrir que son papa n'était pas le héros qu'elle croit, et où Amy n'est pas juste une fille illégitime. Et ce qu'elles vont traverser, ensemble, bon gré mal gré, va leur apprendre à mieux se connaître l'une l'autre mais aussi elle-même.

Amy dissimule derrière son insolence des blessures jamais cicatrisées, Alexia doit composer avec la légende à laquelle on lui a fait croire. Dans les deux cas, on a attendu d'elles quelque chose de précis (pour Alexia d'accepter une tâche qu'elle ne désirait pas, pour Amy de rester dans l'ombre). Elles n'ont pas tué le père, au sens freudien du terme, mais la mort de leur père et ce à quoi elles sont confrontées suite à cela les oblige à collaborer, à grandir, à mûrir. La fin, sans vous la dévoiler, a ce goût amer qui la rend plus sensible et profonde qu'un simple divertissement - et d'ailleurs David Lopez a depuis achevé un second volume de BlackHand & IronHead qu'Urban serait adorable de traduire (même si ce tome 1 est présenté comme un "récit complet" et qu'il n'a pas dû beaucoup se vendre).

Le scénario réserve donc bien des surprises, à commencer par sa fluidité, son rythme et son intelligence. C'est quelque chose qui s'inscrit dans le mouvement de comics tels que Black Hammer ou Minor Treats, avec des réinterprétations de figures connues, même si Lopez n'utilise que ces motifs de façon périphérique et privilégie ses deux héroïnes originales, elles.

Ensuite, le format "à l'italienne" (c'est-à-dire tout en largeur) ne présente aucune difficulté pour ce dessinateur pourtant rompu aux pages traditionnelles. Il découpe majoritairement l'action en deux bandes mais le nombre de cases varie énormément. Parfois il réussit à intégrer trois bandes, parfois encore il se donne de l'air et produit une pleine page (mais jamais de doubles pages). C'est très simple à lire, très dynamique, et le trait rond, expressif de Lopez participe beaucoup au plaisir qu'on retire du livre.

Enfin, l'album se conclut par une section bonus bien garnie : on y trouve d'abondantes recherches graphiques pour les personnages (l'occasion de découvrir toute l'évolution qu'ont connu les héroïnes dans leur représentations, surtout Amy), des tests de couleurs (avant que Nayoung Kim ne se charge des planches), le soin apporté aux looks des personnages. Si, comme moi, vous raffolez des coulisses, ce sont des documents passionnants.

Bref, donnez sa chance à cet album, il vous plaira sans problème, et cela donnera peut-être de la motivation à Urban Comics pour proposer le volume 2.

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