Sylvie, la soixantaine, donne des cours de comédie dans une prison où elle rencontre Michel, un détenu qui y participe, et qui purge une peine de cinq ans pour un cambriolage. Lorsqu'elle annonce à son fils, Abel, qu'elle va épouser cet homme avant sa libération, il s'inquiète de ce projet puisqu'elle a déjà divorcé trois fois et parce que l'élu de son coeur n'est pas franchement le beau-père idéal.
Abel, lui-même, a traversé une épreuve sentimentale puisque sa femme est morte dans un accident. Il travaille comme guide dans un musée océanographique en compagnie de Clémence, la soeur de sa défunte épouse, à qui il fait part de son appréhension. La jeune femme désapprouve sa méfiance, estimant que tout le monde a droit à une seconde chance et que Sylvie semble très heureuse.
Mais cela ne suffit pas à apaiser Abel, surtout quand sa mère lui annonce qu'elle va ouvrir une boutique de fleuriste avec Michel qui a obtenu un bail à des conditions très (trop) avantageuses. Abel se met à espionner son beau-père qui, en attendant l'ouverture, est intérimaire dans un magasin de mobilier. Ses soupçons se confirment quand il découvre que Michel doit participer à un braquage pour financer la boutique. Alors Abel et Clémence décident de devenir complices de Michel...
Le hasard a fait que j'ai découvert Louis Garrel dans le film de Bernardo Bertolucci intitulé... Innocents - ça ne s'invente pas - sorti en 2003, où il donnait la réplique à Eva Green. Depuis, sa filmographie ne m'a pas intéressé et j'ai zappé ses trois premiers longs métrages en tant que réalisateur (Les Deux Amis en 2015, L'Homme Fidèle en 2018 et La Croisade en 2021).
Fils de (Philippe Garrel, cinéaste) et petit-fils de (Maurice Garrel, acteur), Louis Garrel m'a longtemps semblé se résumer à un "nepo baby" qui se cantonnait à un seul rôle, celui du jeune homme taciturne, ombrageux, dans le cinéma d'auteur. Quelle divine surprise de le (re)découvrir devant et derrière la caméra pour une comédie, fort réussie par-dessus le marché !
L'entame est très bonne avec cette mère insouciante qui épouse un homme qu'elle a rencontré en prison, ce qui affole son fils. On ne sait pas trop sur quel pied danser dans la mesure où le scénario n'abat pas ses cartes d'un seul coup, ne donne pas dans l'humour évident, et tempère même avec le personne de Abel, jeune veuf.
Très vite, donc, le fameux Abel soupçonne Michel, le nouveau mari de sa mère, de dissimuler quelque chose. Sa méfiance est légitime quand il apprend les conditions très avantageuses du bail qu'il a obtenu pour ouvrir une boutique de fleuriste alors qu'il travaille seulement comme intérimaire dans un magasin "Conforama". Il se met à le suivre, pas très discrètement, avec le concours de Clémence, la soeur de sa défunte femme. Et évidemment, tout va très vite déraper.
Les bonnes comédies sont rares, mais les bonnes comédies avec un zeste de polar, ça tient du miracle, de l'exercice d'équilibriste. Pour accomplir cet exploit, Garrel s'est entouré de Tanguy Viel, auteur de de romans policiers, et de Naïla Guiguet et ensemble, ils ont su développer une intrigue à la fois farfelue et solide avec des personnages merveilleusement caractérisés, ne sombrant jamais dans la caricature.
Parfois, le film joue avec nos nerfs, notamment avec sa bande originale truffée de chansons ringardes des années 80 (Herbert Léonard), mais sans jamais en abuser. En vérité, Louis Garrel semble s'amuser d'évoluer en permanence sur la corde raide : il refuse ostensiblement les gags, les situations trop franches, de favoriser le rire au suspense, le loufoque au sérieux.
Mais ces non-choix vont dans le sens de l'histoire qui voit son personnage en particulier ne jamais savoir où s'arrêter, que faire, à moins d'être dos au mur. Ainsi, alors qu'il file Michel en compagnie de Clémence, celle-ci décide d'aller voir de plus près tandis que lui reste planqué dans sa voiture. Sauf que Michel remarque Clémence et devine qu'Abel n'est pas loin et le dénouement de cette séquence tourne ce dernier en ridicule.
A contrario, quand Abel découvre par hasard un pistolet automatique dans la poche de la veste de Michel, lui comme le spectateur redoutent que tout ça va très mal finir et qu'en définitive les éléments comiques du film étaient une fausse piste. Enfin, il y a même de la place pour la vraie romance quand Clémence et Abel s'avouent leurs sentiments dans un moment tout à fait décalé mais qui, alors qu'ils jouent un rôle, libèrent leurs paroles.
A la fin, Garrel est toutefois légèrement dépassé par toutes les directions prises et ceux qui en font les frais sont ceux par qui tout a commencé, à savoir Michel et Sylvie, dont le couple est négligé par le scénario alors que Clémence et Abel ont pris toute la place au premier plan. Dommage. Mais pas suffisant pour gâcher la fête.
Il faut dire que Louis Garrel est formidable dans le rôle de ce fils qui veut le bonheur de sa mère presque contre elle et contre lui-même : il fait preuve d'un vrai sens comique dans son interprétation, jouant très sérieusement tout du long, sans jamais chercher à faire rire - ce qui provoque l'effet contraire : il est très drôle. Roschdy Zem est comme d'habitude impeccable, il sait décidément tout jouer, avec cette aisance qu'ont les acteurs les plus intelligents. Anouk Grinberg en fait un chouia trop dans la peau de la mère écervelée à mon goût mais c'est logique par rapport au déroulement du récit. Et puis il y a l'épatante Noémie Merlant, récompensée du César du meilleur second rôle féminin pour ce film, merveilleuse de malice, de sensibilité, d'excentricité (il faut la voir répéter sa partition de complice d'un braquage, c'est irrésistible).
L'innocent est surtout coupable d'être si divertissant et imprévisible. Un régal.
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