jeudi 3 octobre 2024

ABSOLUTE POWER #4 (Mark Waid / Dan Mora)


Les héros attaquent l'île de Gamorra où se situe la base d'Amanda Waller et ses complices. Face à eux, Sarge Steel, des soldats surarmés, une horde d'Amazos et même des recrues en provenance du Multivers. Qui va gagner ? Quelles seront les conséquences ? Et quel avenir pour le DCU ?


Comme on pouvait raisonnablement s'y attendre, c'est par un épisode double, de 40 pages, que se termine l'event Absolute Power. Il fallait bien ça et le procédé fait immédiatement penser aux fins des mini-séries de Mark Millar qui, lui aussi, a pris la l'habitude conclure par une chapitre à la pagination augmentée plutôt que de couper son final en deux parties.
 

Oui, je sais, comparer Mark Waid et Mark Millar est audacieux, mais c'est pourtant quelque chose qui le paraît ici évident. Waid a voulu casser la baraque et proposer un terme à cette histoire en offrant un maximum d'action, de grand spectacle et ménager quelques surprises à même de bouleverser le destin de quelques personnages tout en préparant, ce n'est pas un spoiler, la prochaine série Justice League Unlimited.


En vérité, ce n'est pas tout à fait la fin de Absolute Power : celle-ci se trouve dans le numéro spécial DC All-In qui est également sorti ce mercredi 2 Octobre 2024 et qui est une sorte de maxi épisode encore plus gros que celui-ci (50 pages), découpé en deux parties qui se répondent (Alpha et Oméga). Mais ça, je vous en parlerai demain.


Pour l'heure donc, Absolute Power #4 matérialise la lutte finale entre les super-héros, majoritairement privés de leurs super-pouvoirs, et Amanda Waller et ses acolytes, qui ont frappé fort pour à la fois les discréditer auprès de l'opinion publique et les affaiblir comme jamais par une attaque d'ampleur longuement mûrie.


Est-ce que je vous gâche vraiment la fin si je vous révèle que Waller est vaincue et que les héros gagnent, sur le plan médiatique et collectivement. Il faudrait être bien naïf pour croire que DC (comme Marvel) est prêt à faire perdurer la situation qui a conduit à cette histoire, à en faire une sorte de Crisis sur le long terme. 

Quelque part on peut le regretter : il n'y aura certainement plus jamais d'event aux répercussions aussi profondes et durables que ce fut le cas avec Civil War, qui avait non seulement conduit à un schisme entre super-héros, mais mené à Secret Invasion puis au Dark Reign puis à l'Heroic Age. Les events se sont normalisés, banalisés par leur répétition, leur fréquence de plus en plus rapprochées et donc les éditeurs n'osent plus aujourd'hui ne serait-ce que considérer la possibilité d'une saga dont les effets dépasseraient la durée dudit event.

Mais il faut reconnaître à Mark Waid d'avoir quand même pu et su glisser quelques conséquences notables. Certes avec l'accord du staff éditorial et en tenant compte des projets de Joshua Williamson et du retour aux affaires de Scott Snyder, qui endossent donc en le partageant le statut d'architectes du DCU - ce qui nous ramène à l'époque de Dark Knights : Metal / Death Metal et tout ce que ça véhicule (multivers, omnivers, terres parallèles, menaces cosmiques, etc.).

Bon, pour que cette critique ne fasse pas que tourner autour du pot, je vais m'autoriser quelques spoilers, mais seulement parce que, comme je l'ai écrit plus haut, la vraie conclusion de tout ça est à lire dans DC All-In.  Donc, oui, les héros gagnent, Waller perd, mais c'est loin d'être tout. Waller est diaboliquement punie par une revenante et je dois saluer la cruauté du châtiment dont elle écope, qui est à la fois terrible tout en ne fermant pas définitivement pas la porte à cette formidable méchante qui aura patiemment organisé un assaut à deux doigts de réussir.

Au passage, on comprend que, non, Green Arrow n'a pas trahi ses amis et qu'il avait même imaginé son plan avec le Limier Martien. Ce qui déplaît à Batman, aussitôt renvoyé dans les cordes par J'onn J'onzz qui lui rappelle qu'en matière de cachotteries, il n'a de leçons à donner à personne - c'est assez savoureux.

Toutefois, l'impact le plus sérieux et, il faut l'admettre, le plus inattendu, le plus imprévisible, de cette histoire concerne la récupération de leurs pouvoirs par les super-héros au terme d'une manoeuvre très acrobatique. Et là il faut espérer que cela a été décidé en concertation avec certains scénaristes parce que ça change beaucoup de choses pour certains personnages. En effet, tous ne recouvrent pas leurs moyens, certains perdent leurs capacités surhumaines, d'autres héritent de pouvoirs ayant appartenu à d'autres, d'autres encore se voient pourvus de dons inédits (au hasard : Supergirl peut désormais hypnotiser autrui, Black Canary a une vision thermique et des rayons optiques, Barry Allen n'est plus un speedster, Fire a les pouvoirs de Ice et vice-versa...).

Pourtant, cette idée est à la fois étonnante et frustrante car on sent que DC et Waid n'ont pas osé tout chambouler. Superman et Wonder Woman par exemple sont épargnés, Batman évidemment aussi tout comme Green Lantern et le Limier Martien ou Aquaman (en tout cas dans ce qu'on peut voir ici) : bref le noyau dur de la Justice League est intact (Wally West garde l'accès à la Force Véloce, donc demeure Flash). La Justice Society ne semble pas non plus affectée (alors que Jeff Lemire et Diego Olortegui s'apprêtent à reprendre la série). Pour les Titans non plus, il n'y a pas l'air d'avoir de "victime".

Sans dire que ce sont seulement les seconds couteaux qui sont affectés, on n'en est quand même pas loin. Dans quelle mesure par exemple les changements subis par Black Canary seront-ils exploités dans la série Birds of Prey et à quand Kelly Thompson jouera-t-elle avec ? Cela aurait pu être plus amusant et surtout plus ambitieux, or en l'état ça ressemble plutôt à une péripétie qui n'embarrassera pas grand-monde.

L'autre grande nouvelle donc, c'est que la Justice League va se reformer. On en reparlera demain avec DC All-In, mais la manière dont c'est amené ici mérite qu'on s'y arrête un instant car c'est assez intelligent. Green Arrow justifie d'avoir agi comme "traître" au service de Waller pour deux raisons : la première, c'est que l'équipe étant dissoute il n'y avait plus moyen de communiquer (bon, cet argument est un peu grossier : un coup de téléphone ou un message télépathique et c'était plié) ; et le second, c'est que, malgré leur mérite, les Titans ne peuvent remplacer une force comme la Justice League qui s'est finalement arrêtée sans raison nette, précise (autre qu'une usure éditoriale).

C'est Mark Waid qui écrira le retour de la Ligue des Justiciers dans une série intitulée Justice League Unlimited, qui fait fortement penser au cartoon et qui contient dans son nom tout son programme (à savoir que tout le monde sera membre). Il sera aux commandes avec Dan Mora (qui, pour ne pas s'ennuyer, dessinera aussi le prochain arc de la série Superman de Joshua Williamson).

La prestation de Mora sur cet épisode est à l'image de ce qu'il a produit sur les trois précédents numéros. En bref, on l'a connu plus inspiré. Les décors sont majoritairement et notoirement absents de ses planches. Il a fort à faire avec la multitude personnages et de situations à illustrer, mais je trouve encore que cette fois-ci ses scènes de baston, impliquant un tel volume de belligérants souffre d'un manque de lisibilité. Ses compositions sont souvent brouillonnes et l'énergie qu'il y déploie aurait bien eu besoin d'être canalisée par un script avec des indications plus fermes.

Il existe très peu de dessinateurs à l'aise dans cet exercice à sa décharge, mais si quelqu'un pouvait lui faire du Stuart Immonen, du Mark Bagley, du Chris Samnee ou du Pepe Larraz, je suis certain que Mora verrait où ça cloche et qu'il s'améliorerait rapidement. Il a trop tendance à vouloir en mettre plein la vue et à oublier que tout ce doit pas forcément rentrer dans une planche, qu'il faut accepter de sacrifier des éléments de découpage pour dynamiser de façon lisible l'action.

Il faudra aussi m'expliquer pourquoi on lui a collé Alejandro Sanchez aux couleurs alors qu'il a l'habitude de collaborer avec Tamra Bonvillain dont la palette a l'avantage inestimable d'être plus nuancée et lumineuse que celle de son confrère. Là aussi, ça n'aide pas Mora.

Est-ce que, enfin, Absolute Power a été un bon event ? Je pense qu'il aurait gagné à être un plus long (six épisodes) tout en étant distribué plus vite (deux épisodes par mois ?) pour compenser. Pour cela, il aurait suffi à DC de laisser Mora travailler plus longtemps en amont afin qu'il tienne les délais sans que la qualité de sa prestation en souffre. Et surtout avec quelques numéros supplémentaires, Waid aurait eu le loisir de développer des aspects trop survolés (comme la manipulation des médias par Waller ou les captures de héros). En l'état, c'est un peu trop "Bim ! Bam ! Boum !" et on range tout pour DC All-In. Une stratégie curieuse pour une histoire qui ambitionnait d'être le climax d'une longue opération.

Mais bon, à côté de Blood Hunt chez Marvel, Absolute Power affiche des qualités bien supérieures, surtout au niveau de l'écriture et des enjeux et de la résolution. Dommage que Urban Comics propose ça en 2025 avec des albums collectant à la fois l'intrigue centrale et les tie-in, une fâcheuse manie de l'éditeur français de DC qui force le lecteur à débourser une grosse somme et à lire des récits annexes souvent dispensables. Si vous le pouvez, donc, préférez le TPB en vo quand il sera dispo (en Février prochain) et qui ne contiendra que la mini-série principale, largement suffisante, et pour moins cher.

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