dimanche 27 octobre 2024

THE TIN CAN SOCIETY #2 (of 9) (Peter Warren / Francesco Mobili)


Un homme avec l'armure de Caliburn s'est introduit dans le building de la compagnie de Johnny Moore. Kasia se rend sur place pour y prendre des photos et remarque la présence de Greg. Elle le soupçonne, il lui conseille d'arrêter de se mêler de l'affaire entourant le meurtre de Johnny...


Il est souvent à craindre qu'après un premier épisode, le deuxième soit un cran en dessous. Mais ce n'est pas le cas de The Tin Can Society, qui confirme non seulement toutes ses qualités, mais s'affirme comme une des mini-séries de 2024 les plus impressionnantes. Rick Remender (qui a eu l'idée de ce projet avec Peter Warren) a encore frappé et surtout il a eu le nez creux en attirant Peter Warren et Francesco Mobili dans son Giant Generator (nom de son label chez Image Comics).


Le mois dernier, j'avais donc été vivement impressionné par le premier numéro de The Tin Can Society, qu'on pouvait interpréter comme une variation sur Iron Man si Tony Stark était un afro-américain handicapé ayant embrassé la carrière de super-héros avant de se faire violemment assassiné. Une de ses proches amies depuis l'enfance soupçonne alors ceux avec qui ils étaient liés.


Passée une scène d'ouverture située sept ans dans le passé et révélant que Kasia et Johnny Moore (le super-héros Caliburn) ont été amants, le scénario nous laisse croire que l'histoire va se dérouler selon un canevas classique : un épisode par suspect - en l'occurrence, ici, Greg, qui fut le sidekick de Caliburn. Le mobile est tout trouvé : il a toujours été le partenaire, le second rôle, dans l'ombre de Johnny.


Kasia ne cache pas ses soupçons à son encontre mais le lecteur sent un plus grand malaise encore. En vérité, il y a eu une bascule dans la vie de la bande d'amis de Johnny où chacun a pris une direction différente des autres et où la méfiance s'est installée. A quel moment ont-ils arrêté d'être des amis les uns pour les autres, des confidents, des gens à qui on pouvait se fier ?

Sept ans avant, la fameuse nuit où Kasia et Johnny sont devenus amants, elle avait compris que ce dernier n'était pas satisfait de lui. Riche, célèbre, admiré, Johnny Moore ne se voyait que comme une boîte de conserve et pas comme un super-héros ayant changé la vie des gens. La fortune, la renommée, l'idôlatrie ne le comblaient pas, il cherchait autre chose, un moyen de vraiment améliorer le monde, ce qu'un super-héros en armure ou un homme d'affaires ne faisaient pas visiblement.

Peut-être que la bascule s'est opérée quand Johnny a désigné Greg pour être son second, Pridwen : visiblement, les trois autres membres de la bande avaient candidaté mais Greg avait décroché le rôle. Aujourd'hui, Greg assure à Kasia qu'il n'a jamais été jaloux de Johnny, n'a jamais voulu être Caliburn, et qu'il n'a donc ni tué  son ami ou volé son armure (avec laquelle un inconnu a pénétré dans les locaux de la compagnie).

Peter Warren caractérise Kasia comme la fille en colère : c'est ce qui l'anime. La personnalité de Greg l'exaspère, pas parce qu'elle l'envie d'avoir été le sidekick de Johnny, mais par son attitude même, celui du mec sûr de lui, qui lui donne des ordres (celui surtout de ne pas se mêler de l'enquête sur la mort de Johnny et le vol de l'armure de Caliburn). Mais Kasia est une forte tête, qui n'apprécie pas qu'on lui dise quoi faire.

Le dénouement de l'épisode déjoue les attentes du lecteur en déconstruisant ce que le récit avait l'air de devenir (un suspect = un épisode), même si à l'évidence chaque personnage a son secret et que la suite de la série va le dévoiler. En tout cas, le récit est admirablement déployé, entre caractérisation forte et intrigue imprévisible.

Pour qu'une BD se distingue avec autant de puissance, il faut que le dessin suive le niveau du script, voire l'améliore. Et je vais répéter à quel point le travail de Francesco Mobili m'épate. Il est toujours exaltant de voir comment un artiste se révèle vraiment et, après avoir joué les doublures chez Marvel, Mobili montre vraiment quel grand dessinateur il est.

Dans ma critique du deuxième numéro de Exceptional X-Men, je louais la solidité technique de Carmen Carnero, son intelligence de narratrice, la beauté de son trait. Je pourrais reprendre ces mots pour parler de Mobili qui me semble appartenir à la même école. Celle d'un académisme qui tranche avec le côté autodidacte de beaucoup d'artistes de comics.

Moi-même, en tant que dessinateur, je suis passé des cours du soir à l'apprentissage en solitaire, et je sais quelles sont mes lacunes. C'est pour ça que j'apprécie quand un dessinateur connait vraiment son affaire : ça ne trompe pas, les artistes qui maîtrisent leur art ont quelque chose en plus que les autres. Ils savent évidemment camper des personnages, tracer des perspectives, le "solfège" des dessinateurs, mais appliqué à la BD, ça se traduit aussi par une manière mieux définie de raconter en images.

Quant on lit des planches telles que celles de Francesco Mobili (comme de Carmen Carnero), tout est là : la sûreté de la technique apprise dans une école, l'académisme donc, mais aussi cette science naturelle pour le récit graphique, l'art séquentiel. Vous n'avez pas besoin de connaître le vocabulaire du dessin ou de savoir dessiner pour voir ça : c'est évident, ça vous saute littéralement aux yeux.

J'ignore (c'est de toute façon trop tôt pour ça) qui traduira en vf The Tin Can Society (je miserai quand même volontiers sur Urban Comics ou Delcourt), mais ce sera un titre à surveiller quand il sera annoncé par chez nous. On tient là un futur classique.

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