C'est l'heure de vérité pour Zatanna, accompagnée par Stranger, l'agent des lanceurs de sorts. Ensemble, elles atterrissent dans la chambre d'enfant de Zatanna qui comprend qu'elle doit retourner là où tout a commencé entre elle et son père pour le vaincre...
Clap de fin pour Zatanna : Bring down the house, qui sera, à coup sûr, dans mon top 5 des meilleurs comics de 2024, certainement une des meilleures séries DC estampillées Black Label de l'année. Mariko Tamaki a su trouver le ton juste pour raconter cette histoire dont on pouvait craindre qu'elle rabâche les origines de la maîtresse de la magie mais qui a su éviter cet écueil.
Evidemment, l'exercice de la critique pour un dernier numéro est périlleux : il ne faut pas trop en dire pour ne pas spoiler le lecteur qui découvrira l'histoire lors de sa parution en recueil en vo (Mars 2025) ou en vf (un peu plus tard chez Urban Comics). Mais je vais tâcher de quand même bien vous "vendre" ce dénouement.
Les mini-séries du DC Black Label ont un statut spécial : la plupart se déroulent en dehors de la continuité (comme c'est le cas pour celles qu'écrit Tom King le plus souvent), mais il arrive aussi que DC les intègre ensuite à l'univers partagé classique. C'est le cas ici puisqu'on découvre dans toutes les dernières pages à quelle période se situe le récit (sans rien gâcher, c'est avant le recrutement de Zatanna par la Justice League).
Mariko Tamaki a fait un pari audacieux : solder le compte d'une intrigue qui a longtemps nourri le personnage de Zatanna, un peu à la manière du meurtre des parents Wayne pour Batman, la fin de Krypton pour Superman (ou le décès de l'oncle Ben pour Spider-Man chez la concurrence). La question était : Zatanna a-t-elle tué son père, même accidentellement ?
On a pu découvrir dans le scénario de Zatanna : Bring down the House que Tamaki ne voulait pas accabler son héroïne, mais bien la libérer de cette culpabilité. En contrepartie, la personnalité de Giovanni Zatara en ressort assombrie, c'est la figure du père qui a dépossédé sa fille, lui a menti, est devenu un monstre.
Tamaki a eu l'intelligence de ne pas surjouer la carte du mélodrame ni des guest-stars (John Constantine n'est apparu que dans un épisode, mais de manière à justifier la façon dont Zatanna a pu échapper à la vigilance de son père si longtemps). Ainsi, aussi, au début de la mini-série, on a (re)fait connaissance avec Zatanna, se produisant dans des salles de spectacle, donc pas encore super-héroïne - d'ailleurs elle refuse d'être définie comme magicienne.
J'ai eu par le passé à l'intéresser à l'histoire de la magie, c'est un sujet passionnant, en premier lieu parce que ceux qu'on désigne comme des magiciens refusent souvent ce terme qui, pour eux, s'apparente à quelque chose de fantaisiste. Le magicien, c'est Harry Potter, celui qui brandit une baguette magique pour créer des phénomènes totalement fantastiques, irréalistes.
Il vaut mieux parler d'illusionniste ou de prestidigitateur quand on parle des magiciens, c'est-à-dire littéralement de gens capables de tromper leur public avec leurs tours, mais dont les tours n'ont justement rien de fantastique, d'irréaliste. L'illusionniste, le prestidigitateur s'appuient sur sa dextérité, de la machinerie, sa capacité à déjouer l'attention du spectateur. Dans le cas des escapists, comme Harry Houdini, spécialisés dans les numéros d'évasion, tout repose sur une préparation méticuleuse pour se sortir de pièges qu'ils ont conçus pour méduser l'assistance.
Donc, au début de cette histoire, Zatanna n'est qu'une illusionniste. L'élément fantaisiste de l'histoire intervient quand Stranger l'aborde et un démon les attaque. A partir de là, Mariko Tamaki revient à la source des comics, avec deux ordres magiques concurrents (les lanceurs de sorts, les "casters", et les lapins, les "bunnies") avec entre eux Giovanni Zatara, devenu ivre de pouvoir en contrevenant à une loi commune qui est de ne pas voler la magie d'autrui.
Zatanna devient donc la sauveuse providentielle, mais Tamaki articule son récit sur le refus de Zatanna d'endosser ce rôle. Elle est écrasée par la culpabilité d'avoir tué son père et ne se sent de toute manière pas en mesure de l'affronter s'il a survécu. Jusqu'à ce qu'elle n'ait plus d'autre choix, ce qui aboutit au dénouement.
Dénouement qui ne manque pas d'humour, de malice même, astucieux mélange de gravité et de légèreté, magnifiquement dosé par Tamaki à qui ce format compact (cinq épisodes) convient décidément mieux que l'écriture d'une ongoing (où elle ne convainc jamais). Ici, comme dans les quatre précédents chapitres, elle fait preuve d'une densité narrative contrebalancée par une fluidité dans le déroulement de l'action, la finesse de la caractérisation.
Elle est aussi bien aidée, comme elle le fut par Joelle Jones (sur Supergirl : Being Super) ou Steve Pugh (Harley Quinn : Breaking Glass), par un artiste de haut vol. Javier Rodriguez est si bon qu'on ne peut simplement pas imaginer quelqu'un d'autre pour illustrer cette histoire. Il a su s'approprier les personnages, cet univers, cette ambiance pour sublimer visuellement le récit.
Rodriguez met tellement de lui-même dans ses planches qu'on comprend pourquoi lui aussi n'est pas fait pour une série régulière, mais davantage pour un format plus ramassé. Si tant est qu'il a disposé d'assez de temps pour que chaque épisode sorte en temps et en heure, vous avez l'assurance qu'il va produire chaque numéro avec un soin et une virtuosité dans failles.
Il a ainsi su conserver le charme à la fois espiègle, particulièrement mis en avant dans la première partie de ce dernier chapitre qui voit Zatanna redevenir une toute jeune fille, et tragique de l'héroïne, jamais aussi résolue que dos au mur. L'invention du découpage, la générosité des détails, la luxuriance des couleurs (que Rodriguez assume) font de chaque page un festin.
Surtout il n'y a pas de perte entre chaque épisode : le niveau est égal, régulier. Vous avez cinq numéros d'une facture impeccable, où rien n'est sacrifié pour tenir les délais. C'est aussi pour cela que j'aime tant ces mini séries car elles permettent d'apprécier le talent des artistes sans qu'on sente sur eux une pression insupportable. Cinq épisodes, c'est certes peu, mais avec cette qualité, c'est préférable au double avec des hauts et des bas. Editorialement, c'est parfait, et visiblement, avec le retour l'an prochain du label Vertigo, DC a décidé de continuer dans cette direction (sans avoir à sacrifier ses titres les plus porteurs).
Guettez en tout cas le recueil en vo ou en vf parce que Zatanna : Bring Down the House, c'est vraiment magique.
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