mardi 15 octobre 2024

DUKE : LE NERF DE LA GUERRE (Joshua Williamson / Tom Reilly)


Conrad "Duke" Hauser est un soldat de l'armée américaine plusieurs fois décoré pour ses actes de bravoure. Mais depuis peu, son comportement inquiète sa hiérarchie. Le colonel Hawk, son supérieur direct, le convoque pour tenter de la raisonner au sujet de la mort en opération de son ami Tyler Frost que Duke jure avoir vu être tué par un robot géant s'étant ensuite transformé en avion.


Mis au repos, Duke rencontre le Dr. Adele Buckhart qui lui révèle travailler sur une technologie révolutionnaire qui serait semblable à celle du robot géant qu'il a vu. Pour en avoir le coeur net, Duke accepte d'infiltrer les locaux de MA.R.S. Industries, une entreprise d'armements top secret qui exploiterait le même type de matériel. Duke est intercepté mais contre toute attente, on le laisse filer.


Lorsqu'il revient chez le Dr. Buckhart, il a trouve agonisante et elle lui remet un appareil de son invention avant que des hommes en armes viennent arrêter Duke. Il réussit à s'échapper et trouve refuge chez son ami Lance "Clutch" Steinberg à qui il montre ce que lui a remis Buckhart. Ce qu'ils ignorent, c'est que cet engin est le moyen de localiser une base mais que ceux à qui elle appartient peuvent aussi les situer...
 

Robert Kirkman est non seulement un scénariste à succès (The Walking Dead, Invincible...) mais également un des dirigeants d'Image Comics au sein duquel il a son propre label, Skybound. Il a conclu en 2023 un deal avec la firme Hasbro pour exploiter en comics les licences Transformers et G.I. Joe (précédemment édités par Dark Horse Comics).


Avec sa propre série Void Rivals, Kirkman imagine l'Energon Univers, où cohabitent donc ces trois titres. Avant de relancer une série régulière G.I. Joe, il lance la production de plusieurs minis mettant en scène les protagonistes que sont Duke, Destro, Scarlett et Commander Cobra, tandis que Daniel Warren Johnson écrit Transformers.


Toutefois, déjà bien occupé par ailleurs, Kirkman confie l'écriture des minis à d'autres auteurs. Joshua Williamson, un des architectes actuels de DC Comics (pour qui il écrit Superman, Batman and Robin entre autres), signe Duke et Cobra Commando ; Kelly Thompson (Birds of Prey) se charge de Scarlett et Dan Watters (The Six Fingers) s'occupe de Destro. G.I. Joe débutera le mois prochain, avec Williamson aux commandes.

Si, comme moi, vous n'êtes pas familier avec ces héros (et vilains), rassurez-vous, tout a été fait pour que cela soit à nouveau abordable, "reader's friendly". Et de ce strict point de vue, Duke est remarquable, au point que ces cinq épisodes introduisent quasiment tout ce qu'il faut savoir pour la suite (même si Cobra Commander n'y apparaît pas).

On suit donc Duke, un militaire traumatisé par la mort de son partenaire Tyler Frost qu'il a vu périr des mains d'un robot géant qui s'est ensuite transformé en avion de chasse. Le colonel Hawk à qui il a tout raconté ne le croit pas et le met au repos forcé. Duke rencontre une scientifique qui croit à son histoire et qui pense qu'une multinationale a peut-être créé cette technologie. Duke veut savoir et il il s'introduit dans les locaux de cette entreprise, déclenchant un effet domino dont il va subir les terribles conséquences, mais sans jamais cesser sa quête...

Le robot géant, c'est un Transformer, ou plus exactement un Decepticon, un des méchants Transformers, et c'est un géant mécanique venu de l'espace que MARS Industries cherche effectivement à copier pour en faire une arme. La scène qui apparaît ici en flashback a été représenté également dans la série écrite et dessinée par Daniel Warren Johnson. Un autre Transformer a été aperçu dans le premier épisode de Void Rivals.

Mais Joshua Williamson préfère jouer sur l'absence à l'image du robot, dont il fait surtout une sorte d'équivalent de Moby Dick pour Duke/Achab. Duke, c'est d'abord et avant tout la quête de ce soldat pour trouver ce (et ceux) qui a (ont) tué son ami. Il ignore complètement qu'il s'engage dans une mission quasiment suicidaire où il va entraîner son autre ami, Clutch, et croiser des personnages troubles, qui seront ses alliés occasionnels ou ses ennemis jurés.

Quel que soit la manière dont on aborde ce récit, il faut saluer les efforts et la maîtrise avec lesquels le scénariste le présente au lecteur profane. Le rythme est très intenses, les péripéties se multiplient sans laisser le temps de réfléchir, les décors sont variés, l'action est omniprésente. D'ailleurs, le colonel Hawk définit Duke comme "a man of action" et effectivement, il fonce dans le tas, sans hésiter, fort de sa détermination implacable et de son expérience de combattant sur le terrain.

Ainsi, son endurance et ses talents de bagarreur sont crédibilisés par ses coups de force sur divers théâtres de guerre. Ce n'est pas un super-soldat comme Captain America, mais pas loin : blessé, il se relève et serre les dents. La série joue beaucoup, non sans malice, sur la volonté presque surhumaine qui alimente les investigations de Conrad Hauser, qui n'est pas forcément très malin mais persévérant et par-dessus tout qui apprend vite.

Williamson a beaucoup de monde à introduire en cinq épisodes et on craint que la place lui manque. En ce sens, lire toutes les mini-séries apportent peut-être un avantage non négligeable pour apprécier chacun des protagonistes. Mais encore une fois, l'essentiel est là et à la fin, on sait qui est qui, dans quel camp chacun opère, l'envergure de la menace, les moyens mis à la disposition des organisations opposées. C'est vraiment épatant.

L'histoire emprunte au registre guerrier, mais aussi à l'espionnage, au récit d'action pure, à la revenge story. Si Marvel ou DC osaient, c'est ainsi qu'il faudrait proposer une série consacrée au S.H.I.E.L.D. ou à Checkmate par exemple. En tout cas, ça donne furieusement envie de poursuivre l'aventure avec G.I. Joe le mois prochain.

D'autant que ce sera dessiné par le même artiste que Duke. Et c'est peu dire qu'on retrouve Tom Reilly ici transfiguré. J'ai toujours suivi avec intérêt ce jeune graphiste sur les réseaux sociaux, conscient de son potentiel. Pourtant, entre ce qu'il postait et ce qu'il produisait, notamment pour Marvel (comme la mini-série Ant-Man, écrite par Al Ewing), il y avait manifestement encore des progrès à faire sur sa narration.

Que s'est-il passé entre temps ? La réponse la plus évidente, c'est que Reilly a beaucoup bossé son art séquentiel. Le changement est tel qu'on a l'impression qu'il a d'un coup fait un bond prodigieux et changer de catégorie. Son trait, qui a toujours évoqué celui de Chris Samnee sans en avoir la virtuosité, est devenu plus affirmé mais c'est donc surtout dans le découpage que son évolution est la plus impressionnante.

A moins que Williamson lui ait fourni un script hyper détaillé (ce qui me semble improbable vu le nombre de scénarios qu'il rédige, il doit plutôt laisser de la marge à ses collaborateurs), Reilly varie les angles de vue, les valeurs de plans, soigne les compositions d'une façon tellement dynamique et intelligente que Duke se mue en redoutable page-turner, avec une efficacité jamais prise en défaut.

Par ailleurs, il prend soin à donner à chacun des personnages un physique et une expressivité propres qui les rendent immédiatement mémorables. Duke, le premier, fait penser à Clint Barton par exemple, une tête brûlée qui prend beaucoup de coups sans jamais capituler, à la physionomie athlétique mais pas non plus exagérément musclé, juste ce qui convient à un soldat très entraîné de son espèce. La Baronne (Anastasia Cisarovna) est une femme fatale aussi sexy que glaçante. Destro en impose sans forcer avec son visage métallique flippant. Le seconds rôles sont aussi bien exécutés (mentions à Clutch, Stalker et Rock'n'Roll, Scarp Iron). Pour Scarlett, il faut attendre les ultimes pages pour la voir aux côtés du colonel Hawk.

Les couleurs de Jordie Bellaire (quel comic-book ne colorise-t-elle pas ?!) sont sobres et nuancées, parfaites pour valoriser le travail de Reilly et respecter l'ambiance de l'histoire (ce qui est plus reposant que ce qu'elle fait sur Birds of Prey ou surtout The Nice House by the Sea).

Vous l'aurez compris : je n'attendais rien de spécial de Duke et j'en suis sorti emballé. Comme tout l'Energon Univers (Transformers, Void Rivals), Duke, les autres minis (et ensuite G.I. Joe) sont dispos chez Urban Comics pour la VF à un prix raisonnable (18 E pour 144 pages). Je ne pense pas par contre craquer pour Scarlett, Destro et Cobra Commander car j'ai le sentiment d'en savoir assez après avoir lu Duke. Que je vous recommande chaudement.

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