Benjamin est un jeune professeur de mathématiques qui remplace un enseignant dans un collège-lycée. Il a abandonné des études scientifiques alors qu'il se préparait à soutenir une thèse pour gagner sa vie et, espère-t-il, trouver sa voie. Face à une classe chahuteuse, il reçoit l'aide d'un vétéran de l'établissement, Pierre, qui le prend d'abord pour un surveillant. Puis il sympathise avec ses collègues, notamment Meriem, qui elle aussi enseigne les maths et Fouad, l'anglais.
Sophie débute elle aussi alors que Sandrine, prof de S.V.T., lui conseille, pour se faire respecter, de ne pas chercher à être amie avec les élèves. Quelque temps après, Sandrine est sévèrement jugée par l'inspection académique en raison de son absence totale d'empathie avec sa classe. Lors du déclenchement d'une alarme, la panique domine car tout le monde ignore s'il s'agit d'un exercice, d'un incendie ou d'une attaque armée dans l'enceinte du bâtiment.
Les rencontres parents-professeurs sont encore une autre occasion pour Benjamin et Sophie d'apprendre les rudiments du métier. Mais lorsqu'un élève à qui il a infligé un zéro pour un contrôle cherche à l'intimider devant son domicile, Benjamin n'a d'autre choix que de le signaler à la direction. Pourtant il rechigne à convoquer un conseil de discipline, craignant que cela n'aboutisse à l'exclusion définitive du garçon...
Médecin de formation, Thomas Lilti s'est fait connaître dès son premier long métrage, Hippocrate, il y a dix ans, qu'il a ensuite décliné en série pour Canal +. Par la suite, il a continué à écrire et réaliser des films sur son ancien métier (Médecin de campagne en 2016 ; Première Année en 2018) avant de se pencher sur l'autre parent pauvre de la République : l'Education nationale.
Comme dans Hippocrate, il nous invite à suivre un personnage de débutant : ici, Benjamin, un contractuel qui remplace un enseignant dans un collège-lycée sans histoire particulière. Mais on découvre rapidement que le cinéaste veut rompre avec ses habitudes pour signer un film choral en examinant cinq autres membres du corps professoral de cet établissement.
Et c'est l'erreur qu'il commet car il est clair qu'il a fait son choix, peut-être dès le début, lors de l'écriture, ou à la fin, en salle de montage, entre ceux qui l'inspiraient vraiment et les autres sur lesquels il est évident qu'il ne sait pas trop quoi dire. L'exemple le plus frappant est qu'on trouve dans ce groupe deux profs de maths alors qu'il aurait été bienvenu de diversifier les spécialités.
En somme, Un Métier Sérieux est un cas d'école (si je puis dire) sur un film qu'on aurait aimé davantage que ça n'est le cas ici. Lilti est plein de bonnes intentions, mais, on le sait, ça suffit rarement à faire de bonnes histoires, quand ça ne joue pas contre l'histoire elle-même. Et autant le réalisateur connaissait son affaire quand il parlait de l'hôpital et des praticiens de la médecine, autant en ce qui concerne l'éducation nationale, ce n'est visiblement pas le cas.
Pourquoi ? Parce que son film n'aborde pas ce qui est pourtant capital avec un tel sujet, à savoir la notion de vocation. La crise des vocations est sans doute le pire des maux qui touche le corps enseignant mais il n'est pas du tout (ou si peu) exploré ici. Un comble ! A la place, on a droit davantage à une succession de saynètes, dont certaines sont parfaitement insignifiantes ou d'autres déjà vues par ailleurs. Une illustration parfaite de l'expression "qui trop embrasse, mal étreint".
Tout n'est cependant pas à jeter dans Un Métier Sérieux, mais le souci, c'est qu'on ne voit rien d'inédit. Lilti pointe des défauts que n'importe quel reportage de JT nous serine à longueur de temps, entre la difficulté de concilier vie professionnelle et vie privée, incompréhensions entre parents et profs, problèmes de discipline, communication compliquée entre enseignants et direction. Mais, comme le cinéaste ne veut pas non plus plomber l'ambiance...
... Il glisse dans son récit des parenthèses optimistes, exaltant l'esprit de groupe, la solidarité entre profs, un peu de romance (franchement tartignole), et quelques sentences caricaturales comme quand le vétéran Pierre explique au débutant Benjamin qu'il saura qu'il est prof de façon évidente avec le temps...
Lilti veut tout raconter et finalement il ne fait qu'effleurer son sujet. Par exemple il tient à montrer ses enseignants hors de l'école, mais leurs situations se ressemblent trop : on a des femmes divorcées, avec parfois un enfant difficile, ou un vieux prof qui a le sentiment de s'ennuyer et d'ennuyer ses élèves. Toutes ces scènes ne servent à rien, elles diluent le propos sans apporter un éclairage pertinent ni rendre la caractérisation plus subtile. Il aurait mieux fait de rester entre les murs de l'école.
Mais, même là, son script souffre de lacunes impardonnables. Les élèves sont réduits à de la figuration, ce qui est quand même accablant car parler des profs sans parler de ceux à qui ils font cours, c'est amputer l'histoire de moitié. Le personnage de Sophie, qui effectue sa première année comme enseignante, est complètement transparent à force d'être relégué au deuxième puis troisième plan. Quant à celui de Sandrine, qui finit par s'enfermer avec ses élèves dans sa classe après avoir voulu en sanctionner un, c'est un copier-coller miniature de La Journée de la Jupe (de Jean-Paul Lilienfeld, 2008).
Il se produit donc un drôle de phénomène en regardant puis en critiquant Un Métier Sérieux : c'est sympa, mais superficiel. C'est tout de même embêtant, mais ça semble surtout expliquer que Thomas Lilti n'a pas suffisamment travaillé sa copie ou s'est contenté de reproduire des on-dit, des anecdotes en n'en retenant que ce qui était le plus accesoire.
Dommage donc, d'autant plus que, fort du crédit gagné par ses précédents opus, il avait réuni un chouette casting, avec des habitués de son oeuvre comme Vincent Lacoste (très bien), Louise Bourgoin (impeccable), William Lebghil (bon) et François Cluzet (lassant car toujours dans son numéro de vieux sage bougon qu'il radote depuis maintenant des années). Adèle Exarchopoulos apporte du tonus, mais elle est bien seule, et Lucie Zhang (la révélation super sensuelle des Olympiades de Jacques Audiard) est honteusement sacrifiée.
C'est ce qui s'appelle passer à côté de son projet. Lilti s'est depuis replongé dans une nouvelle saison d'Hippocrate, et devrait songer à mieux bosser son prochain long métrage s'il s'aventure une nouvelle fois hors de son milieu naturel.
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