vendredi 6 septembre 2024

TWISTERS (Lee Isaac Chung, 2024)


Fascinée par les tornades depuis l'enfance, Kate Carter cherche aussi un moyen de maîtriser leur puissance destructrice et embarque avec elle son petit ami, Jeb, et ses camarades, Praveen, Addy et Javi à la poursuite de l'une d'entre elles pour une expérience consistant à lancer des perles de polyacrylite dans l'oeil du monstre pour en diminuer l'intensité. Mais l'expérience tourne mal : ses amis sont tués, à l'exception de Javi.


5 ans plus tard, Kate vit toujours avec cette culpabilité et travaille désormais au bureau de l'agence de prévision météoroligique de New York. Javi reprend contact avec elle : il est devenu patron de la société Storm Par et souhaite qu'elle intègre son équipe pour tester un système de radars phasés qui permettrait d'analyser les tornades et de prévoir ses trajectoires et les dégâts. Elle refuse d'abord puis se ravise. Ils partent pour l'Oklahoma où les attendent les employés de Storm Par mais aussi Tyler Owens et sa bande de chasseurs de tornades qu'ils filment en direct sur YouTube.


Les deux équipes poursuivent une tornade qui a touché un parc éolien voisin mais Kate, en proie à une crise de panique, ne peut déployer le radar de Javi. Tout le monde rejoint Crystal Springs, bourgade traversée et dévastée par la tornade, et Kate découvre alors que l'argent que gagne Tyler avec ses produits dérivés sert à aider les civils qui ont tout perdu tandis que Javi collabore avec Marshall Riggs, qui rachète les terrains des sinistrés à bas prix pour reconstruire des maisons au prix fort...
  

En 1996, Jan de Bont, le réalisateur de Speed, signait un nouveau succès au box office avec Twister, dont le regretté Bill Paxton et Helen Hunt étaient les vedettes. Logiquement, une suite fut envisagée mais le projet ne vit jamais le jour malgré la persévérance de Hunt. Puis en 2020, Steven Spielberg commandait un scénario au réalisateur Joseph Kosinski qui n'intégrait pas les héros originaux.


Kosinski, pourtant, déclina la réalisation de ce reboot, fort du triomphe commefrcial de Top Gun 2 : Maverick pour se consacrer au projet F1 (sur les courses automobiles, avec Brad Pitt). C'est à Lee Isaac Chung, venu du cinéma indépendant, qu'échut la responsabilité de mettre le script finalisé par Mark L. Smith en images.


Twisters (en un "s") est l'archétype du popcorn movie, ces blockbusters qui sortent durant la période estivale avec l'objectif de distraire les spectateurs en vacances. Et de ce strict point de vue, le film remplit parfaitement sa mission : c'est efficace, rythmé (2h. qui passe sans qu'on regarde sa montre), spectaculaire. Le film n'a vraiment pas à rougir de la comparaison avec Twister de 1996.


Par ailleurs, on remerciera les auteurs de nous épargner le refrain sur la crise climatique qui aurait entraîné le projet vers une sorte de commentaire politique forcément expéditif et déplacé. Je ne suis pas climato-sceptique et je sais bien que l'abondance des tornades est liée aux crises météorologiques, mais je crois que c'est une erreur de se servir des longs métrages pour passer des messages à ce sujet - comme disait Jacques Prévert : "pour les messages, j'utilise la Poste.".

Néanmoins, ce qui fait la réussite de Twisters, outre donc le savoir-faire du cinéaste et du scénariste pour raconter leur histoire de tornades et de chasseurs de tornades, c'est que ce long métrage n'a pas renoncé à avoir du fond. Et en vérité, ici, le coeur du sujet, ce n'est pas tant pourquoi il y a tant de tornades, ni même s'il y a une parade crédible contre elles, mais plutôt les conséquences de ces calamités et le fait que certains en profitent.

Dans le prologue de l'intrigue, on fait connaissance avec une bande de jeunes gens passionnés par ces phénomènes, à la tête de laquelle il y a Kate, une scientifique fascinée par les tempêtes et déterminée à les comprendre et à les dresser. Elle part à l'aventure avec son petit ami, et trois autres comparses, dont Javi qui est secrètement épris d'elle. Mais leur périple s'achève en tragédie.

Après une ellipse de cinq ans, on retrouve Kate, encore profondément affectée par ce qu'elle a vécu, mais Javi a, lui, su rebondir en devenant le patron d'une petite société qui a conçu un système de radars capables d'analyser les tornades et donc de prévenir leurs dégâts. Il convainc Kate d'intégrer son équipe de chercheurs et ensemble ils repartent chasser les monstres. Sur leur route se trouve un drôle de cowboy, vaniteux et séduisant, Tyler, qui, lui, s'adonne aussi à ces traques mais juste pour combler des amateurs de sensations forts par procuration sur Internet.

Twisters emprunte sans se cacher au Magicien d'Oz, avec Kate dans le rôle de Dorothy. Mais c'est aussi une sorte de western qui exalte les grands espaces de l'Ouest américain que la caméra de Chung saisit avec un sens du cadre éblouissant. Tout comme Kate, nous sommes époustouflés et terrifiés par les nuages qui s'amoncellent, les rouleaux qui se forment, les vents qui se lèvent, les éclairs qui zèbrent le ciel, et les villes rasées de la carte.

C'est précisément sur ce dernier point que le film bascule en révélant que Javi collabore avec Marshall Briggs qui profite du désastre pour racheter des terrains pour un prix dérisoire à des gens qui ont tout perdu afin de reconstruire et de vendre au prix fort. Le commentaire social est suffisamment fort, éloquent et étonnant dans une production de ce genre pour ne pas passer inaperçu. Et le plus fort, c'est que ce n'est pas qu'un élément du scénario pour donner bonne conscience à la production : Kate abandonne Javi et Tyler la convainc de reprendre ses travaux pour dresser les tornades et peut-être empêcher de futures catastrophes en barrant la route à des affairistes sans scrupules au passage.

Ce mélange de divertissement épique et de critique sur les profiteurs donne tout son relief à Twisters, qui ose même dans sa dernière ligne droite une scène méta, dans un cinéma où se réfugient des civils et dont l'écran est emporté par la tornade - comme si, littéralement, le film était lui aussi balayé par la tempête.

Le casting est parfait : on a Kathy O'Brian, la révélation de Love Lies Bleeding, dans un rôle certes modeste ; Maura Tierney, dans celui de la mère de l'héroïne ; Anthony Ramos dans celui de Javi, le garçon qui a bond fond mais qui n'a pas su résister à l'appât du gain. Et puis au coeur du film, un couple qui affiche une alchimie idéale (comme Hunt et Paxton jadis) : Daisy Edgar-Jones est un choix surprenant mais celle qui illumina Normal People ou Là où chantent les écrevisses s'avère très convaincante dans la peau de Kate à laquelle elle donne de la sensibilité au milieu d'une production qui aurait pu être noyée dans les effets spéciaux ; et Glen Powell poursuit, lui, son ascension, toujours impeccable en macho plus fin qu'on ne le pense, le mec vantard et insupportable qui devient un vrai héros attachant sans perdre son côté canaille (ah, et j'en profite pour rappeler que Hit Man, dans lequel il est fabuleux, est désormais dispo sur Canal + avant d'être visible sur Netflix France).

Twisters vaut donc le détour : si vous avez envie d'un moment de détente, c'est imparable. Si vous espérez un peu plus de profondeur, vous en aurez aussi. Et cette fois-ci, je parie qu'il y aura une suite rapide...

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