mercredi 11 septembre 2024

PLASTIC MAN NO MORE ! #1 (Christopher Cantwell / Alex Lins & Jacob Edgar)


Patrick "Eel" O'Brian a été un voleur minable et récidiviste jusqu'à ce que, lors d'une arrestation, il chute dans une cuve de produits toxiques. L'expérience l'a complètement changé, physiquement (en le dotant de super-pouvoirs élastiques) et moralement (en en faisant une super-héros). Aujourd'hui, pourtant, il se meurt et craint que son fils, Luke, ne connaisse le même sort...


Voilà une nouvelle mini-série publiée sous le DC Black Label qui ne peut qu'intriguer. Le scénariste Christopher Cantwell (qu'on connait aussi bien pour son run sur Iron Man que pour ses creator-owned comme The Blue Flame ou Everything) s'empare du personnage de Plastic Man sous l'angle du body horror !
 

Créé en 1941 par Jack Cole, Plastic Man a toujours été un super-héros fantasque, ses super-pouvoirs ont inspiré Elongated Man (chez DC) et Mr. Fantastic (chez Marvel), mais ses aventures ont toujours été farfelues et traitées sous l'angle de la comédie. Même quand il est devenu un membre de la Justice League (notamment quand Joe Kelly écrivait la série), c'était le bouffon de la bande.
 

Et d'ailleurs, Cantwell reprend cet aspect dans les flashbacks qui ponctuent son récit, où Superman, Wonder Woman et les autres le trouvent "too much", même quand il leur sauve la vie en interceptant le rayon de la mort du vilain Solaris et qu'il vient ensuite leur demander de l'aide parce qu'il voit sa santé se détériorer rapidement (ce que tout le monde prend pour une nouvelle blague).


Mais Cantwell a en fait raison d'aborder son histoire sous l'angle du body horror, comme dans les films de David Cronenberg notamment (le cinéaste s'est fait une spécialité de montrer les corps mutilés, charcutés, modifiés). Car tout est là dans les origines du personnage.

Comme le Joker, Patrick "Eel" O'Brian voit sa vie changer après avoir chuté dans une cuve remplie d'un liquide dangereux. Mais le Joker, si on s'en tient à Killing Smile d'Alan Moore, était au départ un brave type embarqué dans un mauvais coup et qui a joué de malchance avant de devenir le clown du crime, tandis que Plastic Man état un malfrat récidiviste qui a eu son accident et est devenu un héros, d'abord pour faire arrêter ses complices qui l'avaient laissé pour mort puis pour se racheter une conduite.

De fait, Plastic Man est une sorte de monstre : davantage que Reed Richards ou Ralph Dibny qui peut étendre leurs membres, lui peut prendre n'importe quelle forme, et si, la plupart du temps, il se transforme en quelque chose de marrant, il ne peut recouvrir un aspect humain normal - son costume et les lunettes qu'ils portent sont littéralement une part de lui-même, ses pieds n'ont plus d'orteils. C'est un personnage "cartoonesque" mais tragique.

Cantwell souligne encore cela en rappelant qu'il est aussi le mari de Angel et le père de Luke, mais que sa carrière au sein de la Justice League a obnubilé. Il a plus que négligé sa famille, il l'a laissée tomber pour ses aventures super-héroïques. Il a été un époux lamentable et un père absent. Et cela lui revient en pleine figure au moment où il voit sa fin approcher.

La raison de sa déliquescence (littérale) trouve sa source dans une de ses interventions avec la Justice League contre un super-vilain minable (comme il fut lui-même un bandit de seconde zone) qui lui tire dessus avec un rayon. L'altération de son métabolisme par les produits chimiques dans lesquels il est tombé plus ce rayon provoquent sa lente déchéance. Un experte en biochimie, recommandée par Batman et le Détective Chimp, lui confirme que c'est inéluctable. A moins qu'il ait recours à une autre expérience encore plus dangereuse et au résultat incertain...

Le scénario  de cette mini-série, qui comptera quatre épisodes, est à la fois original, dramatique, mais pas non plus complètement sinistre car Plastic Man ne se résigne pas à la fatalité. Toutefois, l'angle adopté par l'auteur est étonnant et apporte un éclairage inédit et passionnant sur le héros.

Pour l'illustrer, Cantwell a pu s'appuyer sur deux artistes. Jacob Edgar s'occupe des flashbacks : il a peu de pages pour s'exprimer mais son style, qui s'inspire volontiers de celui de Bruce Timm et des dessins animés de Cartoon Network (comme La Ligue des Justiciers, Batman, Ben 10) convient idéalement à la période de gloire de Plastic Man. Les couleurs sont vives, le trait simple et le découpage élémentaire, tout en suggérant déjà un malaise prégnant (quand Plastic Man est frappé par le rayon de Solaris et que cela provoque l'hilarité de ses partenaires de la Justice League). Très bon choix donc pour cet artiste qui avait auparavant collaboré avec Brian Michael Bendis sur The Ones (chez Dark Horse).

Les scènes au présent sont assurées par Alex Lins. Il dessine également en ce moment le nouveau volume de Briar, écrit aussi par Cantwell (pour Boom ! Studios), après la défection de German Garcia. Il a un trait plus épais, comme s'il s'encrait directement au pinceau (mais je pense que c'est une imitation numérique), avec une influence du côté de Becky Cloonan, en plus brut. Cela traduit parfaitement l'état de Plastic Man confronté à son déclin physique, avec un découpage plus nerveux et qui alterne plans larges et serrés dans une construction plus audacieuse.

Les couleurs de Marcelo Maiolo conviennent terriblement bien à l'ambiance du récit, avec une palette privilégiant souvent une tonalité par scène.

Je n'avais, pour être honnête, pas prévu de lire cette mini-série, on m'a prêté le premier numéro, et je l'ai dévoré, accroché par l'approche et le graphisme. J'ai pu me procurer un exemplaire ensuite et j'ai hâte de connaître la suite de ce qui s'annonce comme une nouvelle très bonne surprise du DC Black Label.

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