John apprend que sa nièce Gracy, toujours portée disparue, avait été voir son grand-père en prison et ce dernier a révélé à la mère de la jeune fille qu'elle était enceinte. Puis une amie de Gracy confirme que le père de l'enfant est Ian Woods, le fils du caïd local Harry Woods. Se pourrait-il que Gracy soit retenue dans l'hôtel de passe où Harry Woods fasse travailler les filles que lui a vendu le trafiquant albanais Adnan ? En voulant le vérifier, John va déclencher un effet domino dramatique...
Pour son pénultième épisode, la mini-série Mugshots de Jordan Thomas densifie encore davantage son propos. La situation devient très tendue, non seulement pour John, toujours occupé à chercher sa nièce, mais également pour son ennemi juré, Harry Woods, et son partenaire/concurrent albanais, Adnan.
Le scénario est magistralement construit car jamais le lecteur n'est perdu entre l'intrigue principale (l'enquête de John à la recherche de Gracy) et les sous-intrigues (la concurrence entre Harry Woods et Adnan, la corruption de la police locale).
Alors, certes, l'auteur profite du format particulier de son histoire, avec une pagination augmentée (50 pages) et une périodicité différente (bimestrielle) qui lui permettent de jongler avec tous ces éléments tout en ayant le temps et la place pour le faire. Néanmoins, c'est exemplaire dans la conduite du récit, la clarté de la narration.
A un numéro de la fin, Jordan Thomas met un coup de pression sur absolument tous ses protagonistes. Le lecteur le ressent de manière très efficace et, plus étonnant, souvent par la marge. Par exemple, dans cet épisode, un événement va se produire qui va sérieusement compliquer les relations déjà équivoques entre Harry Woods et Adnan.
La manière dont le scénariste le met en scène est très habile parce que, dans un premier temps, le lecteur n'en fait pas grand-cas, tout est traité comme un simple incident, impliquant des seconds rôles. Puis, progressivement, cela prend une ampleur inattendue, obligeant les deux parties à durcir leurs rapports. En l'occurrence, des sbires de Harry Woods draguent deux filles dans un bar lorsqu'ils sont interrompues par des hommes de main de Adnan.
Le ton monte rapidement entre les deux camps puis cela s'éteint aussi vite. On se dit alors que ce n'est qu'une péripétie. Sauf que, très vite, un des sbires de Woods est tué, poignardé, par un des hommes de Adnan. Le cadavre est découvert par une des filles qu'ils draguaient tous les deux qui avertit la police. La nouvelle remonte vite aux états-majors des malfrats et échauffe les esprits. Harry interprète ça comme une agression directe. Adnan comme une faute d'un de ses hommes.
L'autre situation, équivalente dans son montage et ses répercussions, concerne John qui pense que sa nièce est retenue dans la maison de passe des filles que Adnan a vendues à Harry. Il n'a aucune certitude à ce sujet mais pour en avoir le coeur net, il n'a pas d'autre choix que de frapper un grand coup. Il obtient de son amie Stevie, qui a un commissaire pour amant, qu'une descente de police ait lieu dans cette maison. Mais c'est un échec : Gracy n'est pas là - ou si elle y a été, elle a fui avec d'autres filles durant l'opération.
Seulement, John est vu par des albanais durant cette descente. Et dès lors ses amis deviennent des cibles. Tout est alors en place pour le final qui paraîtra en Novembre. Entre Woods et Adnan, avec John et Gracy au milieu, tout ça ressemble à un baril de poudre prêt à exploser. Jordan Thomas a réussi à faire monter la sauce de manière à la fois subtile et spectaculaire avec ce qui ressemblait initialement à un faits divers mais qui s'est complexifié grâce au contexte (les affaires louches de Woods avec les albanais, le vieux différend entre Woods et John...).
Le dessin de Chris Matthews joue, a contrario de l'intrigue, sur la simplicité. C'est le signe que le projet a été bien conçu parce que, ainsi, la mise en images a l'intelligence de ne pas en rajouter sur l'histoire. On pourrait presque dire que pour une histoire riche il faut un graphisme simple alors que des illustrations détaillées servent mieux un récit sobre. C'est une question d'équilibre dans la lecture : il faut toujours veiller à ce qui compose une bande dessinée (le texte et l'image) soient complémentaires et pas en concurrence.
Si un dessinateur surcharge d'informations visuelles une histoire déjà touffue, le lecteur éprouvera un sentiment de surcharge. Ce n'est pas agréable parce qu'il passera autant de temps à décrypter ce qui se raconte de comment c'est mis en scène. Par contre, si vous dessinez simplement une histoire touffue, c'est comme si l'artiste vous prenait par la main pour évoluer au milieu d'une abondante masse d'infos narratives.
C'est ce que fait ici Chris Matthews : il guide le lecteur par une ligne claire et une narration fluide à travers un nombre important de personnages, pris dans une toile dense, et subissant ou provoquant les événements. Les émotions des personnages sont plus facilement perceptibles car le dessin ne surenchérit pas sur l'intrigue : il la sert. Et la priorité d'un dessinateur, quel que soit son style, c'est toujours de servir l'intrigue. Il n'en est pas le vassal, mais l'éclaireur.
Vivement la suite et fin de ce excellent polar dont la qualité essentielle est sa subtilité et son imprévisibilité.
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