jeudi 26 septembre 2024

HELEN OF WYNDHORN #5 (Tom King / Bilquis Evely)


Son grand-père refusant qu'elle le suive encore dans l'Autre Monde, Helen se remet à boire. Puis elle décide de se passer de la permission de Barnabas. Suivie par Lilith, elle paie la passeuse pour retourner sur les lieux de ses aventures mais essuie un refus. Qu'elle n'accepte pas et qui la pousse à commettre un geste lourd de conséquences...


Par quoi je commence ? La mauvaise nouvelle d'abord : il va falloir attendre Novembre pour lire le sixième et dernier épisode de Helen of Wyndhorn. C'est sans doute le prix à payer en contrepartie de la parution de deux épisodes en deux semaines d'affilée.


Mais c'est le seul, et maigre, reproche qu'on adressera à la série de Tom King et Bilquis Evely. On a attendu trois mois entre les n° 3 et 4 et là, de manière totalement inattendue (au point que je peinais à croire aux dates de sortie des n° 4 et 5), on a droit à deux épisodes de suite. Voilà sans doute la raison pour laquelle de Juin à Septembre on n'avait rien eu à lire.


Pour tout vous dire, je suis presque désarmé par la proximité temporelle entre ces deux derniers épisodes. Les comics jouent sur la frustration, les fans ont rendez-vous une fois par mois pour avoir leur dose, et quand la lecture est bonne, il faut bien ça pour digérer ce qui a été raconté, le savourer, et recevoir, sereinement, la suite.
 

Alors, évidemment, quand une merveilleuse bande dessinée comme Helen of Wyndhorn enchaîne les chapitres aussi vite, on est désarçonné. On a à peine eu le temps d'assimiler le n°4 que déjà le n°5 est là. Mais je ne me plains pas, hein. C'est super.

Non, c'est bien plus que ça. Parce que ce pénultième épisode annonce un dénouement prometteur. Au fond, que raconte Helen of Wyndhorn ? C'est d'abord une mini-série sur la réalité qui rattrape la fiction, avec cette histoire d'une jeune fille qui découvre que les romans fantastiques de son père s'inspiraient des aventures bien réelles de son père à lui dans des contrés extraordinaires, peuplées de créatures ahurissantes, de décors surnaturels.

C'est ensuite et surtout une histoire de passage et de passation. En vérité, c'est assez évident arrivé à ce point du récit, tout se passe dans un entre-deux. Helen Cole est une jeune fille qui va devenir une jeune femme, parce que les circonstances l'y obligent - avec le suicide de son père, son arrivée chez son grand-père. Puis elle apprend la vérité sur les histoires de son père, ses romans, et par-là même sur son grand-père, un aventurier, un guerrier.

Ce motif qui se dévoile au fil des épisodes, celui qui voit le passage de l'adolescence à l'âge adulte, d'un monde à un autre, de la réalité à la fantaisie, c'est le thème même de la série. Quel que soit l'angle sous lequel vous abordez et appréciez cette série, il est partout question de passage. Et quand on passe d'un stade à un autre, d'un état à l'autre, d'un monde à un autre, il y a forcément ce qu'on laisse derrière soi.

On ne grandit pas en gardant toute son enfance et son adolescence en soi : on mûrit, on oublie aussi parfois, on abandonne certaines choses - en premier lieu une forme d'innocence, de candeur. Dans le cas de Helen, cet apprentissage est rude : son père, C.K. Cole,, se suicide et la laisse seule, elle arrive chez un grand-père qu'elle ne connaît pas et qui ne la ménage jamais, puis elle s'entraîne pour devenir sa compagne d'aventures, puis il refuse subitement qu'elle le suive encore.

La frustration, la colère submerge Helen. Alors elle décide de forcer la décision et commet un acte terrible, puis affronte le courroux de Barnabas. C'est un moment de vérité entre le grand-père et sa petite-fille qui lui lance au visage des mots terribles. Infondés ? Peut-être pas. Mais elle ne retient pas ses coups, et ce n'est pas seulement parce qu'elle est contrariée.

Tom King décide alors de mettre en avant la narratrice de sa série, Lilith Appleton, la gouvernante. Elle aussi va avoir un échange intense avec Barnabas Cole, dans une scène épique où le spectaculaire se mêle à l'intime. Là encore, c'est un passage : Lilith, si passive, si réservée, agit, tandis que Barnabas, par deux fois dans cet épisode, est mis dos au mur. 

Tous ces passages sont encore mis en images somptueusement par Bilquis Evely. Voilà une artiste admirable. Sa constance dans l'excellence ne cesse d'émerveiller. On sent le travail sur cet ouvrage comme c'était déjà le cas sur Supergirl : Woman of Tomorrow. Ce n'est seulement le soin apporté aux détails qui frappe même si c'est indéniablement impressionnant et qu'on peut relire chaque épisode deux fois d'affilée pour contempler chaque case.

Non, ce qui frappe davantage, c'est que, même si son dessin est incroyablement ouvragé, il respire quand même. Bilquis Evely a cette qualité qu'ont peut de dessinateurs avec un style aussi riche, aussi foisonnant : elle ne sombre jamais dans la surcharge, la surenchère. Son imagination visuelle est très dense, mais le lecteur n'est jamais étouffé : il ressent la fluidité dans l'effort, le lecteur n'est jamais stoppé par le besoin de décrypter ce que son regard lit. C'est un équilibre qui permet aussi à la colorisation d'exister non pas simplement comme un accompagnement mais avec assez d'espace pour valoriser le dessin. Et Matheus Lopes réussit lui aussi le prodige de ne pas en rajouter inutilement : le trait d'Evely et sa palette à lui combinent avec une harmonie enchanteresse.

Selon toute vraisemblance, Helen of Wyndhorn devrait être traduit chez Delcourt en 2025 (même se cet éditeur n'a pas encore communiqué là-dessus, mais étant donné que c'est là qu'on trouve beaucoup de séries Dark Horse, ça me paraît le plus évident). Si vous ne voulez pas attendre, je vous rappelle que le trade paperback sera lui disponible dès Décembre, juste à temps pour Noël (de quoi vous faire une beau cadeau ou en faire à quelqu'un que vous appréciez).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire