lundi 30 septembre 2024

COUPEZ ! (Michel Hazanavicius, 2022)


Dans un grand bâtiment désaffecté, un zombie s'en prend à une jeune femme terrifiée. Soudain, Higurachi interrompt la scène du film qu'il est en train de tourner et s'emporte contre ses deux comédiens, leur reprochant de ne pas donner le meilleur d'eux-mêmes. Il quitte le plateau et Natsumi, la maquilleuse, emmène Ken et Chinatsu, les deux acteurs, prendre un café au rez-de-chaussée, en leur racontant que ce à quoi ils viennent d'assister est dû au passé chargé de l'endroit.


En effet, les japonais auraient pratiqué là des expériences sur des humains et le lieu serait depuis maudit. L'assistant caméraman sort fumer une cigarette mais quand il revient, il est devenu un véritable zombie qui s'en prend à Natsumi, Ken et Chinatsu. La situation dégénère franchement quand d'autres membres de l'équipe sont touchés à leur tour. Higurachi tente d'en profiter pour filmer ses acteurs réellement paniqués mais ils se retournent contre lui pour fuir en voiture.
 

Natsumi remarque alors une écorchure sur une des jambes de Chinatsu et décide de la supprimer, croyant qu'elle aussi est contaminée. Ken tue Natsumi mais Chinatsu ne veut pas risquer de toucher Ken et l'élimine. Elle s'éloigne et s'immobilise au centre d'un pentagramme tracé sur le sol avec du sang. Mais comment en est-on arrivé là ?


Présenté en ouverture du Festival de Cannes (!) en 2022, Coupez ! est le remake d'un film japonais à petit budget mais qui avait connu un succès énorme là-bas. Michel Hazanavicius, doté d'un solide budget obtenu grâce à son casting quatre étoiles, a eu envie d'en réaliser un remake. Et quoi de plus normal quand on sait à quel point le cinéaste adore ce genre d'histoires méta.


Car, le twist de Coupez ! (oui, je vais spoiler, mais rassurez-vous, ça ne gâche rien au plaisir qu'on tire de la suite du film), c'est que, non, le tournage de ce plan-séquence d'une trentaine de minutes qui sert de prologue n'est pas l'histoire d'un film de faux zombies qui serait envahi par de vrais morts-vivants (contrairement à ce que la publicité voulait faire croire).


Passé donc ce morceau de bravoure, où Hazanavicius déroule un véritable plan-séquence de 30' (même s'il y a une coupure, mais elle est indétectable), le scénario remonte le temps de quelques semaines. Hgurachi est en vérité Rémi, un réalisateur fauché et raté, qui retrouve au Japon un ami producteur, Mounir. Celui-ci lui présente Mme Matsuda, qui veut lancer une nouvelle plateforme de streaming consacré aux films d'horreur.


Et pour frapper un grand coup, elle souhaite diffuser un court-métrage de 30' en plan-séquence, mais pour pas cher et rapidement. Conscient de la difficulté de l'exercice mais aussi de la nullité de l'histoire proposée, Rémi refuse d'abord avant de se raviser quand il apprend que le rôle principal sera tenu par Raphaël, un jeune acteur en pleine ascension que sa fille, Romy adore. 

Les répétitions commencent et déjà, on peut apprécier l'ambiance délétère dans l'équipe. Le preneur de son exige d'avoir de l'eau spéciale car il souffre de coliques à répétition. Un second rôle est porté sur la bouteille. Le fameux Raphaël exige qu'on réécrive le script pour lui donner du sens car il craint que sa carrière soit entachée par ce nanar. Etc. Mais Mme Matsuda refuse d'augmenter le budget et qu'on modifie quoi que ce soit au scénario, obligeant donc des comédiens français à interpréter des personnages avec des prénoms japonais !

Puis, enfin, c'est le jour J. Jusqu'à la dernière minute, Rémi doit faire face à des problèmes inattendus et fâcheux (comme de devoir remplacer avec sa femme les acteurs prévus pour jouer le cinéaste et la maquilleuse du faux film et qui viennent d'avoir un accident de la route)... On suit alors le tournage en découvrant comment tout le monde a agi dans l'urgence, avec les moyens du bord.

Si je disais que ce remake était évident dans la filmographie de Michel Hazanavicius, c'est parce qu'il n'est au fond qu'un film sur un film. Cette distance était déjà à l'oeuvre dans ses grands succès comme les deux premiers OSS 117 ou Le Redoutable (vrai faux biopic sur Godard)et même The Artist (hommage mélancolique et anachronique sur le cinéma muet). Ici, le cinéaste s'attaque au film de zombie fauché et raconte comment la solidarité à toute épreuve d'une équipe de tournage sauve ce projet de la catastrophe.

Si la première demi-heure épate par sa réalisation donc (avec une photographie qui imite à la perfection les tons criards d'un éclairage foireux et le grain épais d'une mauvaise pellicule), c'est bien dans son dernier tiers, c'est-à-dire quand le spectateur découvre les coulisses de l'exploit, que Coupez ! est le plus drôle et le plus touchant aussi.

En revanche, avec ses 110' au compteur, le film a un vrai problème de rythme au milieu. Hazanavicius, qui a aussi écrit le scénario, semble soudain en panne d'idées. Il hésite en montrer de manière vraiment acide cette équipe de bras cassés, avec des luttes d'égos, des compromissions, des rattrapages, et attendre de lâcher les chevaux pour le final. On a donc là une bonne vingtaine de minutes qui ne fonctionne pas et qui empêche Coupez ! d'être une vraie réussite, comme les meilleurs opus de son réalisateur.

L'exemple le plus frappant de ce passage à vide concerne le personnage de la fille de Rémi, elle-même étudiante en cinéma et qui méprise ouvertement ce genre de petite production mais qui, in fine, accepte d'intégrer l'équipe pour dépanner. Au début, elle est présentée comme une sorte de groupie de l'acteur principal avant que cet aspect-là disparaisse complètement et qu'elle se mette à aider ce père qui ne lui inspirait que de la pitié auparavant. 

Là où Coupez ! est à son meilleur, c'est quand à la fois il parvient à nous faire rire des péripéties du filmage et à nous toucher avec l'énergie du désespoir déployée par tous pour mettre en boîte ce plan-séquence pensée comme la seule chose valable dans le projet. Toutes les astuces, les contorsions, les efforts sont autant de gags, le plus souvent très efficaces (même si certains sont redondants, comme les nausées du comédien ou les coliques du preneur de son), que d'hommages aux petites mains d'une équipe de tournage, toutes derrière leur réalisateur.

Le casting est d'ailleurs formidable. Ils jouent tous affreusement mal quand ils jouent le film, puis merveilleusement bien quand on découvre dans quelles circonstances ils l'ont finalisé. Romain Duris est complètement possédé. Bérénice Béjo est irrésistible en comédienne qui a un sérieux problème de self-control. Finnegan Oldfield est magistral en acteur affreusement pédant. Grégory Gadebois, Matilda Lutz, Raphaël Quenard, Jean-Pascal Zadi (particulièrement drôle en musicien qui doit composer en direct), Lyes Salem (en producteur désinvolte), Sébastien Chassagne, tous sont impeccables.

Le résultat est donc inégal, un peu gâché par un ventre mou dommageable, mais dans ses meilleurs moments, Coupez ! est très drôle et malin.

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