lundi 23 septembre 2024

THE MOON IS FOLLOWING US #1 (Daniel Warren Johnson / Riley Rossmo & Daniel Warren Johnson)


Duncan, Samantha et leur acolyte Brio approchent d'une forteresse où les deux premiers s'introduiseent pendant que le troisième leur donne rendez-vous plus tard et plus loin. Une fois dans la place, ils retrouvent Tash, un sorcier, qui les présente à Pigface, un marchant d'armes. Mais les gardes les surprennent et les obligent à battre en retraite...


Daniel Warren Johnson jouit, un peu comme Sean Gordon Murphy, d'un tel crédit auprès des lecteurs de comics, notamment indés, que chacun de ses projets suscite un intérêt immédiat. Mais cette fois, il se "contente" seulement d'écrire (ne signant le dessin que de quelques planches à la fin de cet épisode - et sans doute cela se répètera-t-il par la suite).


Dans la postface de cet épisode, Johnson explique que l'idée d'une histoire lui vient souvent comment un riff de guitare vient à un musicien. Ensuite, vient la partie la plus difficile : donner un corps à cette idée, la développer pour en faire un scénario. Mais avec The Moon is following us, il le  reconnaît, rien n'aurait été possible sans l'aide de son dessinateur et ami Riley Rossmo, car le sujet résonnait intimement pour chacun d'eux.


Il n'en dit pas plus, mais Johnson a l'habitude de mêler étroitement le plaisir pur du divertissement à des thèmes profonds, des expériences vécues. Dans son chef d'oeuvre, Murder Falcon, il évoquait la maladie. Dans Do a Powerbomb, il évoquait la mort et le deuil. Ici, il s'agit de la parentalité. Et comme à chaque fois, on est embarqué par cette façon très particulière d'emballer ça dans une fiction épique et sentimentale.


Soit donc deux aventuriers, un couple formé de Duncan et Samantha. Lui porte une sorte de combinaison d'astronaute, elle une tenue de barbare avec un casque cornu. Ils font équipe avec un "fixer", qui a l'apparence d'un batracien, et d'un sorcier, qui est un vieil homme. Ils pénètrent dans une forteresse noire et s'en échapperont à bord d'un hélicoptère... C'est joyeux fourre-tout.


Si vous sentez que ça ne ressemble à rien et que ça ne mérite pas davantage votre attention, j'ai envie de vous prévenir que vous allez passer à côté de quelque chose d'unique. Mais je peux aussi comprendre votre réticence car effectivement ça ne ressemble à rien et c'est pour ça que ça peut ne pas vous parler du tout mais aussi vous plaire infiniment.

Comme dans ses propres comics, où il fait tout avec son coloriste Mike Spicer (qui est aussi ici à l'oeuvre), Daniel Warren Johnson ne perd pas de temps pour exposer la situation ni ses personnages. Il pousse le lecteur dans un flot d'action ininterrompu, qui va à toute vitesse, en croisant des créatures bizarres, et même les personnages humains ont de drôles de tronches. C'est encore plus vrai ci avec le dessin particulier de Rossmo, qui déforme les faciès, exagère les morphologies, casse les codes.

Mais si vous avez le goût de l'aventure, alors c'est un régal. De toute façon, les lecteurs familiers de Johnson savent que c'est toujours ainsi avec lui : il appuie sur le champignon, vous laisse sans dessus-dessous, puis après ça se calme un peu, et là il fera les présentations en bonne et due forme. Donc pas d'inquiétude : les prochains épisodes vont se charger de tout poser à plat et on comprendra tout. D'ailleurs les ultimes pages qu'il dessine lui-même en disent déjà beaucoup - je n'ai pas posté d'extrait de ces planches car elles spoilent trop le twist du récit. 

Car, oui, The Moon is following us a un twist - et il est aussi génial que poignant. Qui sont les héros de cette série ? Plus qu'un couple d'aventuriers avec leurs acolytes. Ce sont les parents d'une fillette, Penny, qu'ils cherchent après l'avoir perdu. Mais d'une manière très particulière. Et quand on découvre le comment du pourquoi, on est vraiment retournés, à la fois par la puissance émotionnelle du dispositif mais aussi par sa virtuosité, car rien ne nous y prépare, c'est une surprise magistrale, une de ces idées comment tous les scénaristes rêvent d'en avoir.

Parfois Johnson réussit à exploiter ce genre de twist magnifiquement (Murder Falcon), parfois moins (Do a powerbomb), mais ce n'est jamais ni gratuit ni facile. Donc on peut fonder de grands espoirs pour cette série qui, sans garantie de tutoyer les sommets de son oeuvre, va certainement dépoter.

Et ce, d'autant plus qu'avec donc Riley Rossmo, on évolue dans quelque chose de spécial. Habitué des productions comics, et particulièrement des héros les plus bordeline (Harley Quinn, Martian Manhunter, Wesley Dodds : Sandman), Rossmo s'impose comme le complément parfait de Johnson. Il a la même folie que son ami et scénariste, il a l'imagination visuelle pour être à la hauteur de cette histoire. C'est très... Comment dire ?... Dépaysant graphiquement. Certians n'aimeront pas du tout, et je dois reconnaître que pendant longtemps son style m'a refroidi, je trouvais ça intéressant mais un peu extrême. Mais ces derniers temps, Rossmo semble vouloir aller vers plus de lisibilité et en fait, c'est un peu comme Chris Bachalo, il faut un moment pour s'y faire mais ensuite on perçoit toute la beauté bizarre de ce dessin.

Gros coup de coeur donc, au milieu d'une semaine pourtant chargée en belles BD.

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