jeudi 15 août 2024

X-FACTOR #1 (Mark Russell / Bob Quinn)


Rodger Broderick, un producteur de télé-réalité, convainc l'armée américaine de former un régiment de mutants. Il recrute Angel pour diriger Feral, Firesfist, Xyber, et Caméo. Havok a aussi été approché mais Polaris lui suggère ce qu'il sait déjà : qu'il s'agit d'une manipulation. Sauf qu'il a aussi été contacté par Darkstar et son équipe, X-Term, pour infiltrer X-Factor...
 

Comme j'ai eu l'occasion de l'expliquer dans ma critique d'Uncanny X-Men #1, ce nouveau départ sur les cendres de Krakoa suscite en moi plus de méfiance que de confiance. La faute principalement à un fil conducteur entre les séries puisque Tom Brevoort a axé son projet éditorial sur deux axes.


Le premier, c'est d'inonder le marché avec le plus de séries et mini-séries mutantes possibles, en comptant sur la hype générée par les succès de l'ère Krakoa, du revival cartoon X-Men'97 et la dispersion des X-Men. Le second, c'est de justement ne plus bâtir la franchise sur un concept (Krakoa) mais différentes tonalités afin de ratisser le plus large possible. Les auteurs se chargent de communiquer là-dessus en assurant que rien de l'ère Krakoa n'est oublié, effacé, tout en promettant une lecture reader-friendly, accessible pour tous ceux qui avaient lâché les mutants depuis au moins cinq ans.


Le seul auteur qui semble tenir à un concept dans tous les titres déjà sortis semble être Mark Russell qui s'occupe de relancer X-Factor, une série marquée par un auteur, Peter David. Pourtant ce n'est pas à lui qu'il fait penser, mais plutôt à Peter Milligan quand il s'en empara avant de la rebaptiser X-Statix.


Le plus étonnant, en fait, c'est que Brevoort ait engagé Russell qui est plutôt un franc-tireur qu'un suiveur, un yes-man docile. A chaque fois qu'il travaille pour les Big Two, il écrit des histoires qui sont caustiques, irrévérencieuses, absurdes, comme en témoigne sa dernière production chez DC, l'irrésistible et acide One-Star SquadronX-Factor semble en être la continuation chez Marvel.


En effet, Russell, come tous les autres auteurs de la franchise, a eu la liberté de choisir ses personnages, mais après que les mutants les plus populaires aient été choisis par Gail Simone ou Jed MacKay. Qu'à cela ne tienne, lui, ce qui lui plait, ce sont les seconds couteaux, ceux sur lesquels personne ne mise, dont personne ne veut, et qui permettent de surprendre le lecteur car ils sont sacrifiables.

Les deux losers en chef sont donc ici Angel et Havok, dont le premier dit du second qu'il croyait qu'il était devenu un zombie (référence féroce à sa condition dans la mini-série Dark X-Men publiée durant la fin de l'ère Krakoa, alors qu'il officiait une énième fois aux côtés de Madelyne Prior/Goblin Queen). Le ton est donné. Mais ce n'est qu'un aperçu, un échantillon de ce qui vous attend à la lecture de cet épisode.

Le concept, revenons-y, c'est qu'un producteur de télé-réalité convainc l'armée américaine de recruter des mutants qui n'ont plus d'attaches depuis la fin de Krakoa, qui n'appartiennent plus à aucune équipe, et d'en faire des emblèmes patriotiques, les symboles d'une Amérique tolérante envers ceux qu'elle a si longtemps conspués, persécutés, honnis. Evidemment, c'est un attrape-nigauds qui dissimule autre chose : appréhender des mutants dissidents qui voudraient se venger du traitement reçu par les autorités ou des mutants mercenaires qui veulent aussi grossir leurs rangs.

Angel, qui a fait partie de la première génération de X-Men, se laisse avoir tout en comprenant qu'il aura sous ses ordres des mutants ingérables (Feral) ou novices (Xyber et Caméo - deux créations originales de Russell) ou en manque de temps de jeu (Firefist - un ancien membre des X-Terminators). Quand il interroge Rodger Broderick, le manager, sur d'autres recrues et qu'il entend les noms de Frenzy (ex-Acolyte de Magneto) ou Pyro (ex-membre de la Confrérie des Mauvais Mutants de Mystique), il saisit que les remplaçants ne valent pas mieux.

En parallèle, Havok explique à Polaris qu'il a été approché à la fois par X-Factor et X-Term, la bande de mercenaires de la mutante russe Darkstar qui veut un espion au sein de X-Factor. Il ne sait pas que le choix va s'imposer à lui suite à un drame...

C'est absolument brillant. Russell dispose d'un épisode inaugural de 40 pages, de quoi lui permettre de poser tous les enjeux qu'il souhaite et de proposer un projet ambitieux derrière la rigolade de façade. C'est effectivement drôle mais aussi machiavélique. Les dialogues sont particulièrement inspirés et la fin de l'épisode est très audacieuse. sans vouloir être méchant, c'est donc tout le contraire d'Uncanny X-Men, qui joue la carte du classicisme total - pour X-Men, de MacKay et Stegman, je n'ai pas d'avis puisque je ne l'ai pas lu. Mais reste que, à elle seule, cette série donne quelque chose d'inespéré dans cette refonte/relance : du culot, de l'impertinence, de l'envergure, et même peut-être l'envie d'aller voir ce qui se passe dans d'autres titres moins attendus (X-Force ?).

Au dessin, Bob Quinn affiche de belles dispositions. Celui qui avait signé les planches de Knights of X durant l'ère Krakoa livre une copie bien meilleure que tout ce qu'il a produit jusque-là. C'est-à-dire qu'il était un artiste sympa, plein d'énergie, mais à qui il manquait de la maîtrise, du contrôle, un style plus affirmé.

Et là, c'est tout à fait frappant : ses pages témoignent d'une maturité insoupçonnée, avec un trait plus affirmé, un découpage plus efficace, des personnages très expressifs, des décors soignés, le tout souligné par les couleurs du très bon Jesus Arbutov. Quinn affiche un potentiel épatant, correspondant à ce réclame le script de Russell, soit une manière de valoriser la comédie tout en rendant l'action dynamique. C'est vraiment excellent.

Vous l'aurez compris, c'est un gros coup de coeur. X-Factor, c'est certainement la série à suivre. Espérons que les lecteurs lui donneront sa chance, quitte à être bousculés.

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