Les Fabulous Baker Boys sont deux frères, Jack et Frank, qui jouent ensemble depuis quinze ans dans des clubs et des hôtels à Seattle et dans ses environs, jouant sur une paire de pianos à queue des standards de jazz et de variété. Frank est également le manager du duo, et Jack commence à se lasser d'interpréter toujours les mêmes morceaux - il collectionne les aventures d'un soir, s'occupe de son vieux labrador et passe du temps avec Nina, une fillette qui habite avec sa mère dans le même immeuble que lui.
Les contrats se faisant rare et donc les revenus en baisse, Frank a l'idée d'engager une chanteuse pour redynamiser leur numéro. Les deux frères auditionnent une trentaine de jeunes femmes, sans succès, jusqu'à l'arrivée, avec 1h. 30 de retard, de Susie Diamond qui les convainc de l'écouter. Elle les impressionne assez pour qu'ils l'engagent. Leur première représentation en trio est imparfaite mais leur vaut de nouveaux engagements mieux rémunérés.
Le trio s'établit dans un complexe hôtelier luxueux pour un mois pendant les fêtes de fin d'année. Voyant Jack flirter avec Susie, Frank s'en inquiète en expliquant à son frère que cela risque de perturber l'équilibre du groupe. Lorsque son fils se blesse légèrement, Frank est obligé de partir précipitamment et Jack se produit seul le soir du Nouvel An avec Susie. Au terme d'une prestation éblouissante, l'inévitable se produit...
Steve Kloves avait 29 ans quand il réalise The Fabulous Baker Boys (en vo) qu'il a commencé à écrire quatre ans auparavant. L'histoire lui a été inspiré par le duo de pianistes Ferrante & Teicher quand ils furent programmés au Ed Sullivan Show dans les années 60 et c'est après avoir rencontré d'autres musiciens qui se produisaient dans des bars, clubs, restaurants, hôtels qu'il a étoffé son script.
Curieusement personne ne veut de deux véritables frères pour camper Jack et Frank Baker. Bill Murray et Chevy Chase sont envisagés, sans suite. Alors on propose à Dennis et Randy Quaid les rôles, mais ils déclinent. Jeff Bridges manifeste son intérêt et va faire le forcing pour que son frère Beau lui donne la réplique. Le studio aimerait quelqu'un de plus connu que ce dernier avant de s'incliner.
Pour le rôle clé de Susie, c'est Whitney Houston qui est le plus désirée, mais à cette époque elle privilégie sa carrière de chanteuse et ne veut pas ajouter à son agenda un tournage de film. Le script passe dans les mains de Jodie Foster, Jennifer Jason Leigh, Debra Winger. Madonna refuse, estimant l'histoire "trop mièvre" (la star n'a décidément jamais eu de flair pour s'imposer sur grand écran).
Michelle Pfeiffer n'est encore qu'une actrice en devenir et la Fox accepte à contrecoeur de l'auditionner - un parallèle avec son personnage dans le film car elle aussi met finalement tout le monde d'accord. Durant le tournage, les frères Bridges jouent vraiment du piano et Pfeiffer en playback ce qu'elle a enregistré au préalable.
Pourtant, énième bizarrerie dans la production, Dave Grusin, compositeur de la bande originale, ne va pas garder les enregistrements de Jeff et Beau Bridges, préférant rejouer leurs parties avec son ami John Hammond. Pas très classe. Mais, enfin, on notera que les trois comédiens ont vraiment fait le taf quand on le leur a demandé.
36 ans après sa sortie et son score qui a juste remboursé son budget, que penser de Susie et les Baker Boys (en vf) ? Il y a des choses qui ont méchamment vieilli, au premier rang desquelles la bande son de Grusin, bien moins inspiré que d'habitude, et qui, à la moindre occasion, nous inflige des solos de saxo ténor sirupeux pour suggérer la tension érotique entre Jack et Susie ou l'ambiance mélancolique.
On se dit aussi que l'histoire aurait sûrement gagné à se situer dans le passé, quand des musiciens galéraient dans des clubs, parce que les années 80 collent moins à ce genre de récit (c'était quand même la décennie pathétique des yuppies, avec des coiffures au brushing affreuses, des coupes de vêtements moches). Mais Kloves n'aurait sûrement pas eu les moyens pour reconstituer les années 40-50 s'il l'avait voulu...
En vérité, The Fabulous Baker Boys ressemble à la version jazz de A Star is born. Les deux frangins n'ont jamais confirmé leurs brillants débuts et traînent dans des clubs indignes de leur talent depuis 15 ans jusqu'à ce qu'ils rencontrent Susie. Elle va être à la fois leur moyen de se relancer et l'instrument de leur chute.
Parce qu'elle est aussi ambitieuse que décomplexée, la jeune femme remobilise les troupes tout en menaçant gravement l'équilibre du duo. Frank s'en rend vite compte quand il voit avec quelle désinvolture mais aussi avec quel talent elle mène son affaire, et surtout quand Jack et elle se mettent à flirter. Il voit avant tout le monde que la chance se paie.
Jack et Susie deviennent amants, sans s'attacher vraiment - surtout Jack, qui est l'archétype du mec qui a renoncé et se fiche de tout. Frank en revanche tient autant au groupe pour ce qu'il représente que parce qu'il lui permet de faire vivre toute sa famille : il a des responsabilités, contrairement aux deux solitaires que sont Jack et Susie.
Le point de bascule du récit a lieu lors d'une scène devenue l'emblème du film quand Susie, assise puis allongée langoureusement sur le piano de Jack, chante d'une manière scandaleusement sensuelle Makin' whoppee. Elle exécute un numéro de charme auquel ne résistera pas son partenaire... Et encore moins le trio car cela lui vaut d'être remarquée par un producteur qui la décidera à plaquer les deux frères pour un emploi plus rémunérateur.
Susie sortie de la photo, les deux frères règlent leurs comptes. Mais surtout soldent leur histoire. Jack admet enfin qu'il n'en peut plus et Frank l'admet. Ils se réconcilient. Jack regagnera-t-il le coeur de Susie ? Le dénouement était sans doute trop flou, pas assez franchement positif pour plaire au grand public, mais Kloves a l'honnêteté de ne pas céder à un happy end trop explicite.
Sa réalisation est très maîtrisée et élégante, il faut dire qu'il a pu compter sur un directeur de la photo aussi renommé que Michael Ballhaus (Les Affranchis de Scorsese, Dracula de Coppola...), mais tout de même c'est bien dommage qu'après ça Kloves n'ait pas persévérer derrière la caméra, retournant écrire pour les autres (on lui doit les adaptations des romans Harry Potter).
Il n'y a pas de seconds rôles dans le film, le trio suffit - et quel trio ! Jeff Bridges est formidable en loser magnifique. Beau Bridges est épatant en grand frère clairvoyant. Et Michelle Pfeiffer est absolument éblouissante : même si donc le film n'a pas vraiment performé, elle, y a gagné ses galons de star. Elle chante en plus divinement !
Un très chouette film.







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