François Perrin est l'ailier droit de l'équipe réserve du club de Trincamp, petite ville passionnée par le football et les exploits de ses joueurs en Coupe de France. Lors d'un entraînement, il bouscule sans le faire exprès Berthier, la vedette de l'équipe, qui exige son renvoi. Licencié de l'usine, dont le patron est Sivardière, également propriétaire du club, Perrin survit de petits boulots mais il est devenu indésirable jusque dans le bar "Le Penalty", où il a ses habitudes.
Alors qu'il s'apprête à quitter Trincamp, il est arrêté par la police qui l'accuse du viol d'une jeune femme, Stéphanie, en réalité agressée par Berthier. Identifié à tort par Brochard et Lozenard, deux commerçants et supporters, il est incarcéré. Mais au cours du déplacement de l'équipe pour les 16èmes de finale de la Coupe de France, le car qui transporte les joueurs finit dans un ravin. Sivardière fait le compte des blessés et il manque un attaquant valide pour pouvoir disputer le match.
Le vieux Jeanjean, qui fait partie de l'encadrement sportif, suggère alors de faire appel à Perrin. Sivardière fait jouer ses relations pour qu'il obtienne une permission. Mais à peine dehors, Perrin fausse compagnie à son escorte et va chez Stéphanie pour se venger. Pourtant face à elle, il ne peut passer à l'acte et, devant un café, il lui raconte toutes les vicissitudes de son existence. Des gendarmes le retrouvent et le conduisent au stade. Perrin va inscrire les deux buts qui assurent la victoire à Trincamp et passer en un éclair de paria à héros local...
Je ne parle pas souvent de films français parce que le cinéma hexagonal ne m'inspire plus. Je trouve que la majorité des cinéastes et des acteurs actuels sont sans intérêt, et le financement des films par la télévision a conduit à une aseptisation déprimante de la production. Aussi, la plupart du temps, quand j'ai envie de voir un film "de chez nous", je revois des films que j'ai aimés il y a longtemps.
Coup de Tête en fait partie. Il s'agit du deuxième long métrage réalisé par Jean-Jacques Annaud, avant La Guerre du Feu, Le Nom de la Rose, L'Ours et toutes les superproductions dont il s'est ensuite fait le spécialistes. Si bien qu'aujourd'hui certains doutent même qu'il ait pu signer une comédie populaire avec en toile de fond le football.
L'idée de Coup de Tête (d'abord intitulé Le Hareng, parce que l'action est censée se situer en Bretagne, puis Le Bourrin, surnom péjoratif qu'on attribue aux joueurs qui compense leur manque de technique par l'engagement physique) lui vient d'un discussion avec le journaliste Alain Godard. Annaud fait appel à Francis Veber, déjà réputé pour ses comédies, pour travailler ensemble sur le script.
Les deux hommes vont effectuer un véritable travail de documentaristes en allant pendant un an à la rencontre du milieu dont ils veulent parler : ils interrogent des joueurs, des entraîneurs, des patrons de club, des supporters, à Melun, Montargis, Concarneau, assistent aux troisièmes mi-temps, aux séances d'entraînement, aux échanges dans les vestiaires.
Fort de 250 pages d'informations, ils construisent l'histoire à laquelle Veber donne des dialogues. La Gaumont produit mais sans vraiment croire au projet et le budget est donc modeste. Qui plus est, Annaud va s'opposer à Alain Poiré, le patron du studio, quand il s'agira de caster Patrick Dewaere dans le rôle principal.
Poiré refuse de le signer parce que Dewaere a des soucis récurrents avec la drogue (conséquence d'un mal-être persistant depuis l'enfance où il a subi un viol et été soumis à la pression de sa famille pour qu'il devienne acteur) et aussi parce que l'acteur a refusé de tourner dans La Carapate de Gérad Oury alors qu'il avait pourtant signé son contrat.
Annaud ne lâche pourtant rien, même quand Poiré tente de lui imposer Gérard Depardieu, et il obtient gain de cause, même si les assurances rechignent à couvrir Dewaere qui, pour remercier le cinéaste, entame une cure de désintoxication puis s'entraîne comme un fou sous les ordres de... Guy Roux, mythique entraîneur de l'A.J. Auxerre, consultant sur le film.
Pourtant une fois sur le terrain, Roux constate que si Dewaere est en bonne condition physique, il est nul balle au pied et Annaud cédera à contrecoeur en le faisant doubler par Lucien Denis, un des joueurs de Roux à Auxerre. Le club et ses supporters n'en resteront pas là : plusieurs autres joueurs apparaissent dans l'équipe de Trincamp et les habitants feront de la figuration dans les gradins.
Le match auquel on assiste a d'ailleurs été filmé durant la mi-temps d'Auxerre-Troyes (0-0) durant un véritable 16èmes de Coupe de France et cette année-là, l'A.J.A. se hissera jusqu'en finale avant de monter en première division l'année suivante ! Ne cherchez pas Trincamp sur la carte de France, cette ville n'existe pas, son nom a été inspiré par Guingamp.
Le film, lui, ne fera pas d'étincelles au box office, l'affiche suggérait maladroitement un film sur le foot et les spectateurs ont été déçus. Pourtant, au fil des rediffusions télé, c'est devenu un long métrage très populaire. Son bide initial a aussi été causé par le refus de Dewaere de le promouvoir car il détestait ce que le petit écran et ses émissions disait des films, avec condescendance, comme si c'était un geste de politesse d'en parler.
Dewaere avait le sang chaud : sur le tournage, la dernière semaine, il s'est fâché contre un accessoiriste et refusé de s'excuser, provoquant une brève grève des techniciens. Ensuite, il a cassé la gueule à un photographe de "France Dimanche" qui avait pris des clichés de sa famille - ça plus ses propos contre la télé lui ont valu d'être ostracisés pendant quelque temps. Plus tard, il écrivit une lettre d'excuses à Annaud avant de mettre fin à ses jours en 1982.
Mais bon sang, il ne méritait pas ça ! Parce que Dewaere est exceptionnel dans Coup de Tête, comme il l'a toujours été dans tous ses films. Cet écorché vif incarnait à la perfection ce François Perrin mis au ban de la petite société bourgeoise de Trincamp avant de savourer une vengeance particulièrement savoureuse.
Annaud et Veber ont fait attention à ce sujet, sachant que si Perrin mettait ses menaces à exécution, le public n'aurait plus aucune sympathie pour lui. D'où le twist final, que je ne dévoilerai pas, mais qui est épatant. Comme l'a dit Annaud : "la vengeance n'est pas un plat qui se mange froid. C'est un plat qui ne se mange pas."
Et puis le film est aussi excellent par la qualité des seconds rôles : aujourd'hui, les noms de Jean Bouise, Michel Aumont, Paul Le Person, Maurice Barrier, Robert Dalban, Hubert Deschamps sonnent comme des vestiges d'une autre époque. Mais c'étaient tous des comédiens fabuleux, rendant leurs personnages veules à souhait, et valorisant celui de Dewaere en retour.
Et puis il y a France Dougnac, dont ce doit être le plus grand rôle, mais qui est superbe, à la fois celle qui provoque la chute de Perrin et l'aide ensuite à être réhabilité.
Enfin, Coup de Tête, c'est une merveilleuse bande originale qu'on doit à Pierre Bachelet, avant sa carrière de chanteur. Celui qui composa aussi le chanson d'Emmanuelle signe en particulier un thème magnifique qui faillit ne jamais voir le jour : en effet le siffleur professionnel engagé pour l'interpréter arriva en studio les lèvres gercées... Et fut remplacé au pied levé par Bachelet lui-même ! Hélas ! Cette BOF est introuvable et c'est un vrai scandale.
Ecoutez ça :
J'adore ce film et je le conseille à tout le monde. C'est drôle, cruel, jubilatoire, Dewaere est formidable. Pour un peu, je la jouerai vieux con en pensant qu'on ne fait plus de film pareil maintenant....







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