Maxime Saccard rend visite à son père, le riche industriel Alexandre Saccard, et à sa nouvelle épouse, la jeune et très belle Renée. Maxime est le fils d'un premier lit et il rentre d'Angleterre où il a terminé ses études universitaires sans savoir encore à quelle profession il se destine, même s'il ne se sépare jamais de sa caméra super-8, et qu'il apprend le chinois auprès d'un professeur particulier, M. Chu. Il retrouve à Paris sa petite amie, Anne Seret, fille d'une bonne famille.
Renée et Maxime deviennent vite complices et lui confie avoir épousé Alexandre alors qu'elle était enceinte d'un autre homme qui l'avait quittée. Le bébé est mort-né et, après s'être aimés, elle et Alexandre ont vu leur passion s'estomper car il est souvent absent pour ses affaires. De fait, elle est seule dans cette grande maison au coeur de Paris, sans connaître personne.
Maxime tente de distraire sa belle-mère et, un jour, lui déguisé en chinois, elle se relaxant après s'être appliquée un masque de beauté sur le visage, le trouble les gagne. Elle m'embrasse, il ne la repousse pas, puis ils s'étreignent et font l'amour. Renée tombe amoureuse de Maxime qui, lui, semble considérer cela comme une passade, soucieux que son père ne se doute de rien. Mais, lors d'un week-end chez les Sernet, Renée, jalouse de Anne, déclare à Alexandre son intention de divorcer...
La Curée (ou The Game is over en anglais) est le deuxième film où Roger Vadim dirige Jane Fonda, qu'il a épousée un an auparavant. Cette libre adaptation du roman d'Emile Zola a fait beaucoup parler d'elle à l'époque pour diverses raisons, mais la critique, qui n'appréciait guère le cinéaste, lui tomba dessus et, même si aujourd'hui, les avis sont moins sévères, cela reste une affaire épineuse.
Vadim restera à jamais plus célèbre pour ses conquêtes féminines que pour son oeuvre. Il a eu pour lui certaines des plus belles femmes comme Brigitte Bardot qu'il révéla, Catherine Deneuve, et Jane Fonda (les deux dernières avec qui il eût aussi des enfants). Mais était-ce un bon cinéaste ? Ou un pygmalion particulièrement séduisant et perspicace ?
Il est vrai que nombre des films que j'ai vus qu'il a réalisés souffrent soit d'une écriture défaillante, soit d'une mise en scène pompeuse. Je me souviens avoir découvert son cinéma avec Le Repos du guerrier (1962) et m'être retenu de rire à plusieurs reprises devant les efforts de Vadim pour être lyrique alors que je le trouvais surtout piteusement ampoulé.
Mais Vadim, c'est aussi pour moi l'homme de Barbarella (le film, pas la BD) et j'ai eu l'occasion ici de dire tout le bien que j'en pensais, même si, à présent, évidemment, le charme du long métrage est auréolé d'un kitsch indéniable. Plus généralement, je juge que c'est avec Jane Fonda qu'il a été le plus inspiré, c'était sa vraie muse, et elle l'a autant porté qu'il l'a transformée.
A cet égard, La Curée est une réussite. D'abord et avant tout parce que le film est étonnamment sobre, élégant et poignant. Vadim avec ses scénaristes Jean Cau et Claude Choublier ont considérablement taillé dans le texte de Zola pour ne conserver que l'histoire d'amour quasi incestueuse qui se noue entre Renée Saccard et son beau-fils Maxime.
Tout l'arrière-plan du roman originel est sacrifié : on sait juste qu'Alexandre Saccard est un riche affairiste qui a épousé Renée pour mieux détourner la fortune de cette dernière afin de conclure des affaires juteuses. On le comprend quand elle demande le divorce et qu'il le lui révèle alors qu'elle pensait pouvoir le quitter sans se soucier de son train de vie.
Alexandre a ni plus ni moins que dépouillé sa femme et il consent à ce qu'elle parte si elle se contente de recevoir une "pension alimentaire raisonnable". Elle s'y résout parce qu'elle sait que pour récupérer son bien, il lui faudrait attendre des années avant qu'il ne la rembourse intégralement - et encore, sans certitude sur l'intégralité en question - or, elle veut partir sans délai.
Saccard est dépeint comme un homme antipathique et même menaçant : il est entouré de trois bergers allemands qu'il dresse avec autorité mais qu'il n'hésite pas à lâcher contre son fils pour s'amuser à le voir détaler. Lorsqu'il devine l'infidélité de sa femme, sans encore savoir avec qui elle le trompe, il la "cuisine" avec un plaisir sadique, jouant avec elle comme un chat avec une souris.
Il répète cela avec son propre fils à qui il fait croire que les affaires vont mal et que, pour se refaire, il aurait besoin de l'argent d'un investisseur fortuné comme le père d'Anne Sernet. Si Maxime épousait la jeune femme, ce serait à la fois un moyen d'aider son père et d'assurer leur avenir à tous. A ce moment-là, évidemment, Alexandre a compris que son fils couchait avec sa belle-mère et il se venge cruellement.
Renée est un personnage très attachant pour laquelle on éprouve de l'empathie. Bien entendu, au départ, on peut être choqué par son attitude, elle se donne à Maxime et se montre jalouse d'Anne. Mais elle est in fine la victime d'hommes insouciants ou perfides. Alexandre l'a dépouillée, Maxime n'hésitera pas longtemps avant d'accepter la proposition de son père.
Cette jeune femme, frappée par le malheur d'avoir perdu un enfant, d'avoir épousé un homme sans l'aimer, d'avoir aimé un jeune homme sans que cela soit réciproque, nous bouleverse quand le sort se referme sur elle et la laisse, hagarde, seule dans une pièce, les vêtements trempées après qu'elle a tenté de se noyer, sa chevelure sacrifiée pour ressembler à Anne (un geste pathétique pour garder Maxime, qui aime les filles aux cheveux courts).
Vadim filme cela avec sobriété et élégance, la photographie de Claude Renoir est mangifique, presque ouatée, ce qui rend l'image douce et par contraste le destin de Renée si ingrat, si dur. On peut juste déplorer que la musique mélange sitar indienne et classique, une faute de goût.
L'interprétation est magistrale. Michel Piccoli est égal à lui-même, parfait en mari vengeur, tout en retenue. Peter McEnery est également impeccable en fils séduisant mais inconséquent. Et Jane Fonda, sidérante de beauté, sublimée dans l'objectif de son mari fou d'elle, est tout simplement renversante d'émotion.
Il faut noter encore deux choses : le film a été tourné en anglais et en français. McEnery, qui ne parlait pas du tout français, a alors appris son texte phonétiquement. Et puis, raison pour laquelle le film fit jaser, en dehors de son sujet, c'est que des photos de Jane Fonda, nue sur le plateau, lors des scènes d'amour, ont fuité et furent publiées dans Playboy, au grand dam de l'actrice.
Mais c'est aussi grâce (ou à cause de) cet incident qu'Outre-Atlantique, l'image de Fonda changea littéralement : soudain, la fille de l'honorable Henry Fonda commença à devenir une icone sexy, avant, avec Barbarella, d'être le symbole de la libération de la femme. Et, en France, la plus américaine des stars hexagonales.
La Curée mérite vraiment d'être réévalué : c'est un très beau film, peut-être le plus beau du couple Vadim-Fonda.







Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire