Gotham, la nuit de Noël. Les Cobblepot, un horrifiés par la difformité de leur nouveau-né, l'abandonnent en le jetant dans son berceau dans les égouts de la ville. Le bébé est recueilli par des manchots, pensionnaires d'un aile du zoo. 33 ans plus tard, Oswald, devenu adulte, est à la tête du gang du Triangle Rouge, composé de forains impliqués dans des disparitions d'enfants à travers le pays, et il kidnappe le riche industriel véreux Max Shreck qu'il fait chanter avec des preuves sur le pollution de ses usines.
Shreck accepte d'aider Oswald à réintégrer la haute société et, pour que le public ne soit pas épouvantés par son apparence, il en fait un héros qui sauve le nourrisson du maire, capturé par un membre du gang. Pour service rendu, Oswald accède au registre d'Etat-Civil en affirmant chercher qui étaient ses parents alors qu'il dresse une liste des enfants des notables de Gotham. Pendant ce temps, Selina Kyle, la secrétaire de Shreck, découvre ses malversations et son patron la tue par défenestration.
Elle survit miraculeusement mais perd la raison et endosse l'identité de Catwoman. Le lendemain elle se présente au bureau de Shrek en présence de Bruce Wayne qui refuse d'investir dans ses affaires. Déguisé en Batman, Wayne enquête sur Oswald dont il soupçonne la complicité avec le Triangle Rouge tandis que Shreck convainc Cobblepot de se présenter aux élections municipales pour barrer la route du maire sortant, réfractaire à ses projets. Pour ce faire, les deux hommes organisent une vague d'attentats que Oswald promet de réprimer...
Deux ans après le triomphe de Batman, le studio Warner demande à Tim Burton d'en réaliser une suite. Le cinéaste se montre réticent par principe et parce qu'il devine que la pression va être trop forte. Sam Hamm, le scénariste du premier opus, livre un premier jet du script qui reprend les choses où elles en étaient restées en introduisant le Sphinx (Riddler) comme nouveau méchant et Robin.
Si l'idée de présenter le sidekick de Batman plait assez à Burton, le reste ne le convainc pas et il demande à Daniel Waters, dont il a aimé le script de Fatal Games (Michael Lehmann,1989), de retravailler cette copie. Exit le Sphinx, place au Pingouin et Catwoman. Burton veut mettre les méchants au premier plan pour expliquer comment ils sont devenus ce qu'ils sont.
Au bout du compte, le nouveau scénario s'avère trop long et trop coûteux et Wesley Strick joue les script doctors, même si sa contribution ne sera pas créditée. Robin sort du jeu au profit de Max Shreck (dont le nom est inspiré de l'acteur Max Schreck, qui incarna Nosferatu dans le film de F.W. Murnau en 1922). La Warner donne son feu vert pour lancer la production.
Burton avait le nez creux en pensant que la suite serait éprouvante. D'abord le casting sera une succession de concessions : il avait rêvé de Brando pour jouer le Pingouin, puis à Dustin Hoffman, Christopher Lloyd et Robert de Niro. Idem pour Catwoman : Annette Bening doit renoncer car elle tombe enceinte, Ellen Barkin, Cher, Bridget Fonda, Susan Sarandon, Jennifer Jason Leigh, Madonna, Lena Olin sont pressenties. Sean Young tient la corde, mais la Warner n'en veut pas.
Le tournage, sous haute surveillance des producteurs exécutifs Peter Guber et Jon Peters, met les nerfs de Burton à rude épreuve alors que ses intentions concernant la mise en avant des vilains avaient été approuvées. Batman n'apparaît en effet qu'au bout de 13' et sa première réplique au bout de 17'. Avant cela, le film ne montre que le Pingouin, Shreck et Selina Kyle.
Par ailleurs, quand il découvre que son texte a été révisé, Waters exprime son mécontentement : il souhaitait que Batman puisse tuer, mais Burton préférait que le justicier se distingue de ses ennemis. Il subsistera quand même une scène où le chevalier noir élimine définitivement un adversaire mais filmée d'une manière qui évoque un cartoon.
Si Burton s'entend parfaitement avec ses acteurs, il marche quand même sur des oeufs car Michael Keaton et Michelle Pfeiffer ont été amants et Keaton redoute que sa femme ne le soupçonne de draguer à nouveau sa partenaire. Néanmoins l'acteur sera le premier soutien du réalisateur quand les producteurs discuteront ses choix (comme le fait que Batman soit plus taciturne et sombre) ou que les dialogues de Catwoman regorgent de sous-entendus sexuels.
A sa sortie, Batman Returns (en vo) est un énorme carton mais Burton est essoré et il sera remplacé pour le troisième volet par Joel Schumacher, tandis que Keaton préférera ne pas poursuivre sans Burton (Val Kilmer enfilera le costume du chevalier noir). 33 ans après (hé oui, il s'est écoulé autant d'années entre la sortie du film et cette critique qu'entre la naissance d'Oswald et son alliance avec Shreck), que reste-t-il de Batman, le Défi (en vf) ?
Pour moi, c'est toujours la meilleure adaptation des aventures du caped crusader. Meilleure que la trilogie de Christopher Nolan ou que The Batman de Matt Reeves. Peut-être tout simplement parce que Tim Burton a imposé son style si particulier à l'oeuvre, notamment en plaçant le Pingouin et Catwoman au premier plan.
Hitchcock disait que "meilleur est le méchant, meilleur est le film" et cette formule s'applique parfaitement à Batman Returns. Mais, on le sait si on aime le cinéma de Burton, les méchants, ou du moins ceux qu'on définit comme tels, sont moins des vilains que des parias, moins des malfrats que des bannis, moins des monstres que des êtres différents.
C'est ce qui fait tout la beauté de ce film : Batman est au même titre que le Pingouin et Catwoman moins un être humain qu'un être trouble, troublant, troublé. Ce sont trois âmes égarés qui tentent, à travers leurs alias, à se reconstruire. Comme Bruce Wayne, Oswald Cobblepot est un orphelin. Et Selina Kyle la victime d'une crapule.
La seule différence, c'est que le Pingouin et, plus encore, Catwoman se révèlent véritablement en assumant leur transformation. Selina Kyle était une secrétaire coincée qui renaît en femme fatale. Oswald Cobblepot embrasse sa nature animale quand la haute société de Gotham le rejette une fois de trop. Bruce Wayne en revanche résiste à n'être que Batman pour ne pas perdre tout contact avec le réel.
Ce qui aboutit à un sentiment de compassion, d'empathie. Le Pingouin a beau être violent, cruel, pathétique, on ne peut s'empêcher d'éprouver de la sympathie pour lui, ou du moins de comprendre ce pourquoi il a un tel ressentiment envers Gotham et ses habitants (surtout ses notables). idem pour Catwoman, qui, bien avant #MeToo, est la proie d'un homme sans scrupules et ne peut ensuite abandonner sa vengeance auprès de Bruce Wayne.
Le vrai vilain de l'histoire, c'est Max Shreck. La légende veut que Waters se soit inspiré de Donald Trump qui, à l'époque, était un affairiste réputé pour son ambition carnassière et dont la première femme, Ivana, dénonça les manières brutales dans leur couple. Shreck, lui, est célibataire, mais a un fils complètement idiot, et un comportement méprisable envers les femmes.
Cinéaste des marginaux, des laissés pour compte, des êtres à part, Burton fait autant un The Penguin begins ou un Catwoman begins qu'un Batman returns. Batman est presque un second rôle dans cette histoire, affrontant certes Oswald Cobblepot et nouant une relation tumultueuse (quoique lubitschienne, quand chacun découvre le double de l'autre) avec Catwoman, mais surtout les observant avec un mélange de curiosité et d'affection.
C'est l'autre réussite de Burton : faire de Batman notre intermédiaire. On vit cette aventure à travers ses yeux, et on se fiche en vérité pas mal de savoir s'il va gagner car il n'est plus question de victoire. Batman n'a rien à gagner en arrêtant Oswald ou Selina. Le seul qui en vaille la peine est Shreck, mais Catwoman se le gardera pour elle.
Visuellement, le film est superbe. Tourné en studios dans des décors monumentaux, volontairement visibles dans leur artificialité, Burton n'a pas cherché à créer Gotham d'après une ou plusieurs villes existantes, il a exploité ce qui avait été mis en place sur le premier film. Cela donne à l'ensemble un cachet rétro et on se prend même à rêver à une version cachée en noir et blanc (c'est devenu une nouvelle mode avec Mad Max : Fury Road ou Nightmare Alley).
Le cinéaste dirige un casting de très haute volée, qui est là aussi le meilleur qu'on puisse avoir pour un film Batman. Michael Keaton n'a pas la carrure de Christian Bale ni le côté hanté de Robert Pattinson, mais quelle classe et quelle nuance dans le jeu. Danny de Vito est extraordinaire en Pingouin, le maquillage, l'interprétation, la démesure, tout y est, impossible d'imaginer quelqu'un d'autre que lui (surtout pas Colin Farrell et ses prothèses).
Christopher Walken s'amuse comme un fou en campant cette crapule de Shreck. Mais évidemment, celle qui vole le show, c'est Michelle Pfeiffer, LA Catwoman définitive. Elle est d'une beauté, d'une sensualité explosives, son costume de latex noir est fabuleux, et c'est bien elle qui exécute toutes ses scènes avec le fouet (la preuve). Même les critiques les plus dures contre le film ont salué sa performance.
Enfin, il y a la bande originale de Danny Elfman, certes moins démente que celle de Prince sur le premier, mais juste sublime.
Batman, le Défi ne vieillira jamais pour moi. Il est moins hallucinant visuellement que les films de super-héros produits depuis le début du XXIème siècle, mais qu'importe : il a plus de singularité, d'originalité, de personnalité, d'excentricité. Il est ce que devrait être les films de super héros : à la fois proche de l'esprit des comics et unique.







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