samedi 13 décembre 2025

RUNNING MAN (Edgar Wright, 2025)


Dans un avenir proche, les Etats-Unis sont dirigés par un réseau médiatique autoritaire, Network. La plupart des téléspectateurs vivent dans la pauvreté avec peu d'accès aux soins de santé et pour calmer les masses, on leur diffuse des jeux violents et vulgaires. Le programme le plus populaire est The Running Man où pendant 30 jours trois candidats doivent échapper à des chasseurs menés par le mystérieux et redoutable Evan McCone qui les traquent au moyen de drones et de dénonciations des citoyens. Les coureurs eux partent avec 1000 $ et 12 heures d'avance mais avec l'obligation de se filmer pendant 1/4 d'h. chaque jour sinon ils perdent leur gain.


Ben Richards, un ouvrier qui vit dans les bidonvilles de Co-Op City, ne peut acheter les médicaments nécessaires pour soigner Cathy, sa petite fille atteinte de la grippe, et il ne trouve plus de travail depuis qu'il a dénoncé les conditions de travail aux syndicats. Sa femme, Sheila, le supplie de ne pas s'inscrire à The Running Man même si cela leur assurait une nouvelle vie. Mais Ben candidate et est retenu avec Jenni Laughlin et Tim Jansky après que le producteur du show, Damon Killian, ait couvert les frais médicaux de Cathy et mis sa famille à l'abri.


Lorsque le jeu commence, Ben se cache à New York mais s'enfuit après l'exécution de Tim. Il gagne Boston où il réussit à échapper à des chasseurs après une fusillade qui provoque une explosion de gaz qui en tue plusieurs. Tandis qu'il est hébergé par l'activiste anti-Network Bradley Throckmorton, il découvre qu'on le fait passer pour un meurtrier. Jenni est tuée à son tour. Les ouvriers et les plus pauvres le soutiennent pendant que Bradley l'envoie à Derry dans le Maine pour qu'il y rencontre un autre résistant au système qui pourra le cacher...


Qu'est-ce qui peut pousser un cinéaste à réaliser un remake quand il est déjà l'auteur d'une oeuvre personnelle et remarquable et qu'il pourrait employer son énergie dans des longs métrages inédits ? C'est la question, légitime, qu'on peut se poser quand Scorsese refait Les Infiltrés (d'après Infernal Affairs) ou Edgar Wright quand il refait The Running Man (en vo).


Stephen King, l'auteur du roman dont est adapté le scénario de Wright et Michael Bacall, n'était pas satisfait du premier film qui en avait tiré par Paul Michael Glaser avec Arnold Schwarzenegger en 1987, et quand Wright a annoncé qu'il allait en filmer une nouvelle version, plus fidèle au livre original, King a dû se sentir flatté.


Pourtant Running Man (en "vf") a des coulisses pour le moins douteuses : en effet, quand le film de Glaser sort, Yves Boisset découvre avec stupéfaction des ressemblances flagrantes avec son long métrage Le Prix du Danger, de 1983, adapté du roman de Robert Schekley. Le cinéaste français assigne les producteurs en justice pour plagiat et obtient gain de cause en 1998.


Alors remettre ça en 2025 relève quand même un peu du mauvais goût. Pas plus que Glaser et King, Wright ne peut prétendre livrer une histoire originale puisqu'elle imite celle de Sheckley et son adaptation par Boisset. Etrangement depuis le verdict, les télés françaises ne diffusent plus Le Prix du Danger et la Paramount n'est pas gêné de financer un nouveau plagiat.

Mais est-ce que, au moins, le film est bon ? Hé bien... Pas vraiment. Ou en tout cas pas autant qu'on aurait aimé. Comme je le questionnais en ouverture de cette critique, on peut vraiment se demander pourquoi, au lieu de consacrer plusieurs années à un remake, Wright n'a pas plutôt investi son temps et son talent dans quelque chose d'original (et subséquemment, pourquoi il semble persister dans cette direction puisqu'il devrait réaliser le remake de Barbarella, produit et joué par Sydney Sweeney ?).

Wright a passé 8 ans à développer Ant-Man pour Marvel avant de lâcher l'affaire, comprenant que Kevin Feige ne lui laisserait pas tourner le film qu'il voulait. Il s'est ressaisi avec Baby Driver (2017) et surtout avec le formidable Last Night in Soho (2021). Mais ici, il se rate assez franchement avec un opus sur lequel il n'apporte rien.

Le texte de King, écrit en 82, ne figure déjà pas parmi ses meilleurs. Cette dystopie sur les Etats-Unis sous la coupe d'un empire médiatique qui donne aux masses de nouvelles versions des jeux du cirque de la Rome antique ne brillait pas par sa subtilité. Le film de 87 non plus. Et celui de 2025 toujours pas. Sous ses airs de blockbuster en colère, il fait même peine à voir.

La faute à quoi ? Principalement à la caractérisation de ses personnages, affreusement manichéens. D'un côté le méchant producteur du show et son présentateur vedette. De l'autre le héros furibard après le système. Les seconds rôles sont sommaires, jamais assez développés pour qu'on s'y attache, et aux méthodes anti-Network assez pathétiques (sérieux, des brochures pseudo-révolutionnaires pour faire tomber une major du divertissement corrompant les hautes sphères du pouvoir !).

La course proprement dite n'est pas davantage palpitante. Le film dure 130' et il est bien trop long pour générer la tension qu'il promet en dehors de deux ou trois scènes spectaculaires durant lesquelles Ben Richards court un vrai danger mais dont il sort miraculeusement intact - trop miraculeusement. Car on peut dire qu'il a quand même énormément de chance.

Alors que le jeu l'oppose à des chasseurs armés jusqu'aux dents, hyper entraînés, secondés par des drones omniprésents, des détecteurs d'ADN, et qui sont aidés par d'aimables délateurs, notre coureur réussit à passer entre les mailles du filet avec une facilité qui frise le ridicule. Il quitte Co-Op City et ses milliers de caméra de surveillance, gagne Boston, le Maine, arrive presque au Canada, sans embûches véritables !

Et tout ça avec seulement quatre aillés véritables - un ami du bidonville qui lui fournit de faux papiers, des déguisements ; deux activistes clandestins ; et une automobiliste en otage ! En fait, le film joue contre lui-même : en voulant souligner l'ampleur de la compétition, les moyens innombrables du Network, la distance parcourue par le héros, le temps gagné, il rend les victoires de ce dernier trop improbables.

Plus ramassé, moins voyageur, le film aurait gagné en intensité et en réalisme, avec un protagoniste obligé de se débrouiller avec de petits moyens. Mais son gigantisme rend ses prétentions risibles. Ben Richards n'est défini que par sa colère, jamais il ne se décourage, et quand on le manipule pour relancer la partie, il se montre d'une naïveté confondante.

Quant au dénouement... Je ne vais pas le spoiler, mais c'est le pompon. La fin est littéralement interminable et la dernière scène est pitoyable. Comment Edgar Wright a pu croire que c'était là aussi une bonne idée ? Je suis sévère, je sais que le film a plu, son box office en témoigne, mais moi, je suis passé à côté. C'est du gâchis. 

Je pense qu'il est préférable de remaker de mauvais films mais qui ont quand même des histoires avec du potentiel (c'est en tout cas mieux que de refaire de bons films). Running Man n'était pas un bon film. Le refaire était donc prometteur. Mais le vrai souci, c'est que ce n'était ni un bon film à refaire, ni une bonne histoire de toute façon. Alors, à quoi bon ? Laissons les navets aux oubliettes !

Glen Powell était très bon dans Hit Man, Tout Sauf Toi et Twisters, et il a là un rôle que Bruce Willis par exemple aurait pu tenir. Mais Willis y aurait glissé de l'ironie, alors que Powell ne joue que sur un seul accord, comme écrit dans le script. Au début, il imite Tom Cruise, mêmes mimiques, même démarche, même pas de course. Mais il lui reste encore du chemin avant d'être aussi bon que Cruise.

Colman Domingo manque de vice dans son rôle de présentateur clinquant. Josh Brolin perd son temps en campant un méchant mogul comme ici. Le personnage de Lee Pace mise sur la surprise du moment où il se démasque et ça tombe complètement à plat. Michael Cera en fait des caisses en révolutionnaire. Katy O'Brian s'égare. Seule Emilia Jones sort son épingle du jeu en otage qui découvre la grande manipulation.

C'est vraiment dommage. Mais je pense que Wright s'est de toute façon trompé. Il ne pouvait rien apporter de plus, de meilleur. Running Man n'est pas une bonne histoire, ou en tout cas pas bien traité (ni en roman ni en film). C'est même pire, puisque c'est un plagiat avéré. Et ce remake est finalement aussi raté qu'indigne à cause de tout ça.

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