vendredi 12 décembre 2025

ADIEU POULET (Pierre Granier-Deferre, 1975)


Alors que la campagne électorale pour la mairie bat son plein à Rouen, le commissaire Verjeat et ses adjoints, Lefèvre et Moitrier, enquêtent dans une maison close où un client est mort en pleine épectase. La tenancière de l'établissement fait comprendre à Verjeat qu'elle a des amis haut placés qui veilleront à ce que sa réputation ne soit pas entachée. Après avoir déposé Verjeat puis Lefèvre, Moitrier reçoit un appel du Central l'avertissant d'une agression en cours : des colleurs d'affiche sont pris à parti violemment par plusieurs hommes armés de barre de fer. Il intervient mais un des agresseurs lui tire dessus.


Admis à l'hôpital en urgence absolue, Moitrier a le temps avant de succomber à ses blessures de dénoncer son assassin à Lefèvre : Antoine Portor, un des hommes de main de Pierre Lardatte, candidat à sa réélection. Verjeat l'apprend et fait une descente à sa permanence où se trouve Roger Portor qu'il charge de prévenir son frère de se rendre sans délai. Puis direction un meeting de Lardatte qui assure ne pas connaître Portor. De retour au Central, le contrôleur général Ledoux avise Verjeat de se concentrer sur Portor pendant qu'il s'occupe de Lardatte.


Le lendemain Mercier, le père du colleur d'affiche tué, se rend à la mairie pour s'expliquer avec Lardatte mais comme il est absent, il prend deux employés en otage. Verjeat tente de calmer Mercier en lui permettant de s'adresser par haut-parleur à Lardatte qu'il accuse d'être responsable de la mort de son fils. L'édile réclame réparation et obtient que Verjeat soit muté la semaine suivante à Montpellier.. Toutefois le commissaire a bien l'intention de s'amuser encore un peu avant de partir comme il l'explique à Lefèvre...


Aujourd'hui, le genre policier en France a été confisqué et par la télé, à coup de séries ineptes (Capitaine Marleau en tête), et par des films dans la veine de ceux d'Olivier Marchal qui, se vantant de sa courte carrière de flic, prétend en raconter les histoires les plus réalistes. Mais en vérité, ni l'un ni l'autre de ces courants ne soucient de produire des oeuvres à la fois divertissantes et crédibles.
 

Il y a juste cinquante ans sortait Adieu Poulet et le revoir aujourd'hui permet de mesurer ce que le cinéma français a abandonné avec ce genre autrefois si populaire. Il y a bien sûr l'absence d'acteurs vedettes pour porter ces longs métrages, mais aussi le manque de cinéastes passionnés par ces histoires, et évidemment, encore, toujours, l'aseptisation engendrée par le financement des films par la télé (avec donc l'obligation de fournir quelque chose de diffusable en prime time).
 

Pierre Granier-Deferre n'était pas un très bon réalisateur, ses meilleurs opus ont été adaptés de Simenon (Le Chat et La Veuve Couderc en 1971, Le Train en 1973) ou de Christopher Frank (Une étrange affaire en 1981), mais c'était un de ces faiseurs très consciencieux qui savait emballer un scénario et diriger des stars, à défaut d'avoir un sens esthétique prononcé.
 

C'est Lino Ventura qui lui demanda de mettre en scène Adieu Poulet : l'acteur sortait d'un échec commercial et voulait se refaire. Granier-Deferre, qui n'avait jamais tourné de polars, accepta d'adapter pour le grand écran le script de Francis Veber, adapté de l'affaire de la fusillade de Puteaux en 1971 (et qui inspira aussi Il n'y a pas de fumée sans feu d'André Cayatte en 73).

Ce faits divers concernait la mort d'un colleur d'affiche, Salah Kaced, 31 ans, tué par des partisans du maire Charles Ceccaldi-Raynaud. Le procès qui s'ensuivit deux ans plus tard valut à l'édile d'être condamné au civil à verser 200 000 Francs à la partie civile, même si le mobile raciste ne fut pas retenu contre les assassins.

Le scénario de Veber, d'après le roman de Raf Vallet, transpose l'action à Rouen mais plus que l'intrigue, ce qui est devenu aujourd'hui le plus intéressant, c'est la mécanique du film. En effet l'histoire est traitée comme un buddy movie avant l'heure, figure de style dont le scénariste se fera ensuite un spécialiste (avec sa trilogie La Chèvre-Les Compères-Les Fugitifs).

Il y a donc un aspect quasi documentaire avec Adieu Poulet : Verjeat est un vieux de la vieille, commissaire taiseux et intègre, puni pour avoir humilié un politicien véreux mais préférant les remontrances à la corruption. Son principal adjoint est Lefèvre, un jeune loup aussi volubile que son supérieur est taciturne, intrépide et insolent, entré dans la police faute de mieux.

Ce type de tandem en précède bien d'autres qui feront des cartons au box office dans la décennie suivante. Si on découvre le film en 2025, on pourrait croire que les français ont copié les américains alors que Adieu Poulet est sorti 12 ans avec L'Arme Fatale par exemple, qui reproduit le même schéma du vieux sage et le chien fou.

Le reste est tout de même moins fameux, il faut bien l'avouer, manquant cruellement de subtilité. Tourné durant le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, le film sent le tabac froid, a un look grisâtre, et un air de "tous pourris" un peu rance. Même nos deux héros usent de méthodes limite, tabassant les indics et les prévenus, rusant avec la complicité d'une mère maquerelle.

En outre la photo est très laide et même la musique de Philippe Sarde déçoit. Granier-Deferre se montre très maladroit quand il s'agit de filmer l'action la plus mouvementée, glissant même un gag inutile (avec Dominique Zardi, un fidèle des films de Claude Chabrol). Mais quand il se concentre sur son duo d'inspecteurs, pas de souci : on leur pardonne tout.

Lino Ventura reprend un rôle qui lui va comme un gant : il a 56 ans à l'époque et toujours ce style de jeu très mesuré qui a fait sa gloire, avec quelques moments où il peut se permettre d'en rajouter dans le registre du vieux briscard revanchard et désabusé. Patrick Dewaere lui donne pour la première et dernière fois la réplique et son interprétation est un parfait contrepoint : le succès du film, un an après celui des Valseuses, en fera une vedette.

Les seconds rôles sont impeccablement tenus aussi bien par Julien Guiomar en supérieur à la botte de Victor Lanoux en politicard veule. Claude Rich campe un magistrat inflexible qui va aider, à son insu, Verjeat. Et Pierre Tornade incarne le pauvre Pignol, rôle ingrat du remplaçant désigné de Ventura au Central. On n'oubliera pas non plus Claude Brosset, parfait en tueur en cavale.

Adieu Poulet n'est pas un grand film, encore moins un grand polar, mais il montre comment il y a 50 ans tout pile le cinéma français, qui n'était pas encore tenu par les bourses par la télé, savait proposer ce genre de longs métrages, manichéen certes mais très efficace.

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