Zatanna assiste à une fête qui semble se dérouler durant l'âge d'or de Hollywood et où elle retrouve Bruce Wayne, sans qu'il la reconnaisse. La star de cette soirée est Basil Karlo alias Gueule d'argile mais qui n'a pas connu la tragédie qui a fait de lui un monstre, grâce à la magie de Lady White. Zatanna tente de faire jaillir la vérité, à ses risques et périls...
C'est un épisode déroutant, que, je l'avoue, je n'ai sans doute pas apprécié à sa juste valeur après l'avoir lu. Il m'a fallu y réfléchir pour en saisir les qualités propres. Il faut dire que Jamal Campbell ne ménage ni Zatanna ni le lecteur en empruntant des chemins tortueux, en éprouvant très durement ses protagonistes dans une intrigue à tiroirs.
Par exemple, alors qu'on pouvait s'attendre après l'épisode précédent à ce que les seconds rôles viennent en renfort de Zatanna, spécialement Blue Devil et Madame Xanadu, on les voit à peine ici. Blue Devil se fait torturer par Brother Night (hors champ) et Xanadu est invisible. Brother Night apparaît comme l'orchestrateur (ou pièce d'un complot plus vaste ?) des malheurs de Zatanna et de ses alliés
.
Rappelons que Zatanna a été poignardée par une épée brandie par son assistant Adam, à la solde de Brother Night et de sa partenaire Lady White. Si elle peut encore invoquer des sorts, Zatanna le fait dans une douleur de plus en plus vive à cause de cette épée qui la transperce. Et pour ne rien arranger, elle va provoquer Gueule d'argile...
Par bien des aspects, cet épisode rappelle le cinéma de David Lynch, notamment Mulholland Drive : la réception chic, l'ambiance malsaine, la violence qui explose, tout cela fait partie de la grammaire du cinéaste récemment disparu. Jamal Campbell s'en inspire brillamment car le lecteur apprécie puissamment le malaise qui traverse le récit.
Cependant, on peut aussi se sentir naturellement désorienté par cette façon d'écrire. Je l'ai déjà évoqué plus haut mais on ignore toujours réellement qui tire les ficelles et pourquoi Zatanna en est la cible. On pouvait supposer une sorte de rivalité entre Lady White et Zatanna, mais avec l'importance prise au fil des pages par Brother Night, il est clair que ce n'est pas que cela.
Le traitement que Campbell inflige aus seconds rôles interroge aussi sur la place qu'il veut leur accorder dans cette aventure. Il est clair qu'il veut vraiment mettre Zatanna en avant (et c'est pour cela qu'il a refusé de faire intervenir des personnages plus connus qu'elle). Quant à la présence de Gueule d'argile, elle semble être motivée pour faire écho à celle de Zatanna elle-même.
En effet, et cela m'est apparu pertinent a posteriori, Basil Karlo et Zatanna ont en commun d'êtres des enfants de la balle durement éprouvés par le milieu du spectacle. Zatanna a perdu son père et vit dans on ombre en se croyant responsable de sa mort. Basil Karlo est un acteur à succès qui, défiguré, utilise un produit chimique qui, au lieu de le guérir, le transforme en monstre.
Campbell utilise les deux personnages en miroir l'un de l'autre : Zatanna veut lui faire comprendre que Lady White l'illusionne sur son état mais Karlo ne l'accepte pas et, furieux, se transforme en Gueule d'argile. Zatanna réussit donc, mais déchaîne la colère de Gueule d'argile, ce qui était le but recherché par Lady White pour éliminer la magicienne. C'est astucieux.
Visuellement, encore une fois, Campbell fait preuve de sa maestria. Sa représentation de la soirée chic, en noir et blanc comme un vieux film d'époque, est remarquablement évocatrice. Lorsque Gueule d'argile s'en prend à Zatanna, on a droit à plusieurs pages extraordinaires, dans des tons de bleus proprement cauchemardesques.
Mais Campbell sait aussi faire valoir son talent dans des scènes plus sobrement découpées mais pas moins intenses, lorsque Blue Devil est aux mains de Brother Night. En ne montrant quasiment rien, il suggère avec une force étonnante, prouvant sa capacité à aller à rebours de la mode actuelle où les comics horrifiques exploitent à foison le gore.
Bref, c'est un épisode qui n'est sans doute pas évident à apprécier du premier coup, mais qui se révèle comme une démonstration narrative de Jamal Campbell, lequel s'impose désormais à la fois comme un artiste impressionnant et un scénariste de grande valeur.
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