dimanche 6 avril 2025

GRIM, VOLUME 4 : EVE OF DESTRUCTION (Stephanie Phillips / Flaviano)


GRIM, VOLUME 4 : EVE OF DESTRUCTION
(Grim #16-20)


Dans le bar où il s'est retranché avec les trois Moires, Jessica Harrow, Eddie et Marcel, le prêtre raconte son expérience de la guerre lorsqu'il était stationné en Afghanistan en 2003. Un afghan et sa femme l'avaient véhiculé, blessé, jusqu'à sa base avant qu'un tireur américain n'abatte le conducteur.


Eddie, lui, se souvient de la violence de son père qui désapprouvait ses fréquentations et sa passion pour la musique, mais qui, plus tard, quand sa carrière décolla, alla lui réclamer de l'argent parce qu'il avait fait de mauvais investissements... Au XIXème siècle, la Vie narguait la Mort en ayant offert le salut à un criminel qui voulait se racheter...


Ce même homme aujourd'hui rejoint Jessica Harrow dans le bar pour le conduire jusqu'à l'île de la Vie où se trouve, captive, Lilah, la mère de la jeune faucheuse, qui pourrait peut-être faire cesser le chaos causé par Annabel devenue l'hôtesse du Péché Originel...
 

Voilà ce qui se passe quand on achète trop de comics : il arrive un jour où vous découvrez dans votre pile à lire un album que vous avez acheté il y a plusieurs mois (en Novembre dernier !) sans l'avoir lu. C'est de cette façon que j'ai fini par rattraper mon retard conséquent sur la série Grim, dont la critique du précédent volume remonte à plus d'un an sur ce blog.


J'avoue que j'avais fini par complétement oublier ce titre. Il faut dire, pour ma défense, que la série a connu plusieurs hiatus en vo, puisque sa scénariste, Stephanie Phillips, est devenue un auteur très demandé. Elle signe actuellement les scripts de Phoenix dans le cadre de la relance X-Men et anime toujours Red Before Black (bien que ce projet soit bimestriel - j'ai abandonné sa lecture en floppies et j'écrirai dessus quand ce sera fini, au n°6).

Pourtant, j'ai bien aimé Grim, cette saga sur une faucheuse qui découvre être la fille d'une humaine et de la Mort et qui, à la suite de multiples mésaventures, comprend que quelque chose cloche chez elle mais aussi dans l'au-delà. La situation a atteint un seuil critique quand une de ses collègues, Annabel, l'a trahie en échange de la possession du Péché Originel.

Depuis, l'enfer s'est carrément déplacé sur Terre. Et Jessica Harrow, l'héroïne, ne peut plus compter sur son père, qui s'est sacrifié une première fois pour la sauver. L'incarnation de la Vie tient en otage Lilah, la mère de Jessica, qui possède une amulette magique, la clé pour sortir de cette crise. Mais n'est-ce pas déjà déjà trop tard ?

On retrouve donc les protagonistes là où on les avait laissés au terme d'un tome 3 déjà frustrant car il ne faisait pas beaucoup avancer le schmilblick. Et, disons-le tout de suite, ce tome 4 poursuit dans la même veine. Stephanie Phillips livre cinq nouveaux épisodes sans que les choses évoluent beaucoup, même si le #20 laisse espérer une suite plus décisive.

On a donc Jessica, ses deux collègues Eddie et Marcel, les trois Moires et un prêtre dans un bar assiégé par les humains infectés par le Péché Originel. Ailleurs, Annabel, qui a déclenché cette fin du monde, se repaît des âmes de criminels en compagnie d'Adira, son ancienne patronne, qui se rend compte de l'irréversibilité de cette infection. Enfin, on a la Vie qui tient en otage Lilah, la mère de Jessica.

Plutôt que de faire progresser son récit en montrant ses personnages à la recherche d'une solution face au désastre, Stephanie Phillips revient dans des flashbacks très longs sur les passés du prêtre, d'Eddie, d'Harold (un laquais de la Vie), de la Mort et Lilah. A chaque fois, la scénariste leur consacre un épisode quasiment entier.

Le souci, c'est que, même s'il n'est pas inintéressant de savoir d'où viennent et ce qu'ont vécu les uns et les autres, ce n'est pas écrit avec beaucoup de subtilité et surtout, donc, la crise stagne. On se confie dans un bar pendant qu'à l'extérieur les humains sont infectés et que le chaos règne. On ne voit pas où Phillips veut en venir ou, pire, à quand elle va passer à la vitesse supérieure.

Car le rythme fait cruellement défaut et contredit même ce qui se joue. Comment croire qu'une bande de survivants résolus à résister et à renverser la table restent ainsi planqués ? Et surtout comment croire que les portes de ce bar ne soient pas déjà forcés depuis un moment par ces espèces de zombies dehors ? On essaie de comprendre en quoi ce que Phillips raconte fait écho au présent, en vain.

Ses démonstrations pour signifier à quel point le passé des uns et des autres éclaire le présent n'aboutissent à rien. Entre ce prêtre qui fut soldat, Eddie qui fut maltraité par son père, un outlaw du far-west sauvé par la Vie, la corruption totale d'Annabel, ou les atermoiements de la Mort quand il veut avoir un enfant, rien ne fait sens. Tout ça tourne en rond, tourne à vide, sonne creux.

Il faut tout le talent de Flaviano pour qu'on ne pique pas du nez ou qu'on ne lâche pas l'affaire. Soutenus par les couleurs magnifiques de Rico Renzi, ses dessins réussissent là où le scénario échoue, c'est-à-dire en donnant vie, chair, sensibilité, émotion aux personnages, à ce qu'ils ont traversé. Flaviano nous régale de pleines pages à chaque numéro mais aussi d'un découpage toujours juste, avec des compositions élégantes, dynamiques.

Quand, enfin, Phillips se résout à avancer, dans le dernier épisode de cet album, qui se termine sur un cliffhanger très intrigant et qui pourrait signifier que la série approche de sa fin, on est partagé entre le sentiment que quelque chose de consistant, de substantiel se passe, et le fait que ça arrive, sans doute, trop tard, en tout cas pour sauver ce recueil.

En vérité, c'est comme si Grim ne savait pas/plus où aller, alors même qu'on est au coeur du réacteur. Stephanie Phillips a produit deux premiers tomes sensationnels, avec une montée en puissance grisante, mais les deux tomes suivants font du surplace au pire moment. Il faut d'urgence qu'elle se ressaisisse et, certainement, qu'elle conclut. Sans quoi Grim va sombrer à force de tirer sur la corde. Ce serait déplorable.

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