ALAN SCOTT : THE GREEN LANTERN
(#1-6)
1936. Alan Scott a une liaison secrète avec Johnny Ladd. Après avoir embarqué sur le navire militaire Crimson, les deux hommes se retrouvent à travailler ensemble sur un projet top secret : repérer et capturer une source d'énergie. Mais l'opération se passe mal et Johnny disparaît en mer, aspiré par cette énergie douée de conscience...
A son retour sur terre, Alan se fait interner à la clinique psychiatrique d'Arkham à Gotham pour y suivre une thérapie de conversion. Cependant les méthodes brutales de l'établissement le motivent à s'évader et à recommencer sa vie. Il devient entrepreneur dans le rail mais un rival provoque un accident ferroviaire au cours dont Alan réchappe miraculeusement.
Investi des pouvoirs que lui confère le Starheart, il devient le super-héros Green Lantern tout en s'établissant comme un chef d'entreprise. Mais J. Edgar Hoover, le patron du F.B.I., lui force la main pour qu'il intègre la Justice Society of America car il a des preuves photographiques de ses liaisons homosexuelles. Cependant, ses amants disparaissent dans des circonstances dramatiques et mystérieuses...
Après vous avoir parlé de la mini série Wesley Dodds : The Sandman, je vais aujourd'hui traiter de Alan Scott : The Green Lantern, publiée à la même période, en parallèle de la publication de la dernière série Justice Society of America de Goeff Johns. L'écriture en a été confiée à un protégé du scénariste star, Tim Sheridan, et le dessin à Cian Tormey.
Si Wesley Dodds : The Sandman pouvait se lire sans se préoccuper du cadre dans lequel elle a été conçue, Alan Scott : The Green Lantern doit composer avec un élément créé par Geoff Johns sur Justice Society of America : l'existence d'un super vilain, Red Lantern, que Scott a affronté en 1941. Celui-ci aura une fille, qui reprendra son alias et fera partie de l'intrigue de Johns lors de son run.
Tim Sheridan se sort plus que bien de cet exercice. Comme Robert Venditti, il découpe son récit en deux parties, avec des va-et-vient dans le temps. On fait la connaissance de Alan Scott avant qu'il ne devienne Green Lantern, alors qu'il est un scientifique brillant travaillant pour l'armée, s'apprêtant à partir en mission en mer.
Depuis 2011 et l'ère New 52 de DC Comics, Alan Scott est devenu le premier des super héros homosexuel. Et lors du passage à l'ère Rebirth, ce trait a été conservé. Cependant, à ma connaissance, cette mini-série est le première véritable occasion d'expliquer comment il est devenu le père d'Obsidan et Jade, enfants qu'il a eus avec Rose Canton (la super vilaine Rose and Thorn).
Dès la première scène du premier épisode, Green Lantern est dans le bureau du sinistre J. Edgar Hoover qui menace de révéler son homosexualité, à l'époque (1941) considérée comme un crime. Ce n'est qu'en 1962 que cela sera dépénalisé (et qu'en 2015 que le mariage pour tous sera autorisé) aux Etats-Unis. Autant dire que le héros n'a pas le choix : il intégrera la JSA, contraint et forcé.
En 1936, il fut l'amant de Johnny Ladd, qui cache un autre secret mais que je ne vais pas spoiler ici. Embarqués tous les deux sur un navire militaire, ils sont séparés dans des circonstances dramatiques. Et donc cinq après, le passé rattrape doublement Alan Scott : d'abord en étant forcé de coopérer avec Hoover et ensuite en constatant que ses amants sont tous tués les uns après les autres.
Le récit prend donc la forme d'une enquête qui, vous l'aurez compris, trouve ses racines dans ce qui s'est produit en 1936, lors de cette fameuse mission. Sheridan alterne les deux temporalités pour mettre aussi bien en valeur les actes super héroïques de Green Lantern, aidé à l'occasion par un autre justicier (le Spectre) que les tourments endurés par Alan Scott.
Avec un courage et une franchise rares, ce comic book aborde des aspects historiques comme les thérapies de conversion, la criminalisation de l'homosexualité, sans détour. On voit ainsi Alan Scott se faire volontairement interner pour devenir "normal" et on entrevoit une séance d'électrochocs, brève mais percutante.
L'origin story proprement dite est traité de manière habile et rapide, avec l'accident de train auquel à survécu Scott, sa "résurrection" par la flamme émeraude, l'acte de naissance du premier Green Lantern. Tout comme Wesley Dodds était dépeint comme un homme torturé par les horreurs de la première guerre mondiale, Alan Scott est décrit comme un individu déchiré par sa sexualité.
Sheridan écrit tout cela avec beaucoup de subtilité et rend la situation souvent poignante. En conséquence, l'héroïsme de Green Lantern revêt un double aspect : celui d'un justicier masqué défendant la veuve et l'orphelin mais aussi celui d'un homme apprenant à s'assumer, à défier ceux qui le font chanter et s'en prennent à ceux qu'il aime. De ce point de vue, ses échanges avec le Spectre ont une dimension toute particulière, chacun étant investi d'une mission plus grande que lui-même.
Sur la résolution de l'enquête elle-même, je dois dire qu'elle m'a paru plus classique que celle de Wesley Dodds : The Sandman. L'identité du méchant se devine assez rapidement et le scénariste ne nous surprend pas. En revanche, Sheridan a à coeur de brosser un portrait nuancé de cet adversaire, de son pouvoir, et de son rôle dans toute l'histoire, sans l'excuser ni l'accabler.
Il est étonnant que cet auteur, talentueux, n'ait pas davantage la confiance de DC, même si, il faut le dire, ses séries n'ont pas connu un grand succès (Titans Academy, Shazam !). Il semble avoir du mal à s'émanciper du parrainage de Johns et maintenant que ce dernier a quitté DC, Sheridan n'est plus coopté par son mentor.
Visuellement, cette mini est plus sage que Wesley Dodds : The Sandman. Ce qui ne veut pas dire que Cian Tormey ne fait pas du très bon boulot. Actuellement, il brille sur The Question : All Along the Watchtower et on peut voir qu'il faisait preuve d'une belle maturité déjà sur Alan Scott : The Green Lantern.
Sa narration s'emploie surtout à servir le script et rendre l'histoire la plus claire possible. Avec l'aide du coloriste Matt Herms, il n'use pas d'artifices pour que le lecteur distingue de manière trop appuyée les deux époques du récit. On passe d'une scène à l'autre sans jamais être perdu, tout est très fluide.
Surtout, Cian Tormey est aussi à l'aise dans l'intimité des relations amoureuses de Scott que dans ses démonstrations super héroïques. Il semble d'ailleurs, avec Sheridan, avoir eu à coeur de ne pas en rajouter : Green Lantern est un héros certes très puissant mais encore débutant dans cette histoire, il n'a pas pris la mesure de tout ce que ses pouvoirs lui permettent de faire (contrairement à son adversaire).
En ramenant Green Lantern à son humanité, Tormey et Sheridan le rendent plus accessible. Et on ne le voit jamais comme un super héros du Golden Age, un peu démodé, un peu kitsch. Au contraire. C'est toute la réussite de ce projet : à la fois efficace, solide, maîtrisé, mais aussi touchant, émouvant. Une réussite.
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