jeudi 24 avril 2025

ABSOLUTE SUPERMAN, TOME 1 : LES POUSSIERES DE KRYPTON (Jason Aaron / Rafa Sandoval)


ABSOLUTE SUPERMAN, TOME 1 : LES POUSSIERES DE KRYPTON
(Absolute Superman #1-6)


Jor-El et Lara Lor-Van étaient promis à un brillant avenir parmi l'élite scientifique de Krypton, mais leur indépendance d'esprit leur a valus d'être relégués socialement. Jor-El travaille dans les mines depuis lesquelles il constate l'épuisement des ressources naturelles de la planète tandis que Lara Lor-Van répare les véhicules des agriculteurs. Ils ont un fils, Kal-El, dont il espère qu'il connaîtra un meilleur sort qu'eux...


Mais quand Jor-El veut alerter la ligue scientifique de la fin prochaine de Krypton, il est condamné à mort pour hérésie. Lara va le libérer de sa prison tandis que Jor découvre que les élites ont fait construire des vaisseaux pour évacuer les notables de la planète avant sa destruction, en laissant derrière eux la majorité de la population...


Lara et Jor ont construit leur propre vaisseau à bord duquel ils embarquent avec leur fils et des amis. Mais l'implosion de Krypton projette des éclats qui endommagent l'appareil et les sépare. Le souffle de l'explosion propulse Jor dans le vide sidéral à bord d'une capsule de secours. L'enfant erre dans l'espace pendant de longs mois avant d'échouer sur Terre, dans le champ de la ferme des Kent au Kansas...


Cinq ans après, au fil de ses pérégrinations sur Terre, Kal attire l'attention de la compagnie Lazarus qui exploite des mines et des ouvriers qu'il tente de protéger. L'agent Lois Lane, qui travaille au sein des Peacemakers, assurant le maintien de l'ordre pour Lazarus, enquête en espérant l'appréhender...


Cet album ne sortira que le 30 Mai prochain en vf (et en Août en vo), mais j'ai pu lire les six numéros qu'il contient grâce à un ami qui suit tous les titres Absolute. Il m'en a dit le plus grand bien (même s'il préfère Absolute Batman alors qu'il a lâché Absolute Wonder Woman après les cinq premiers chapitres et qu'il a apprécié Absolute Flash #1 et 2, tandis que moi, je me suis contenté de Absolute Martian Manhunter).


Comme j'aime beaucoup ce qu'écrit Joshua Williamson sur la série Superman classique, j'étais plutôt méfiant avec cette relecture du héros. En effet, j'ai l'impression que, jusqu'à présent, à l'exception de Absolute Martian Manhunter, ces versions des icones DC se résument surtout à des réinterprétations dark qui m'attirent assez peu.

Je verrai si je donne sa chance à Absolute Batman, mais Absolute Wonder Woman ne me tente pas et le premier épisode de Absolute Flash m'a laissé de marbre. Toutefois, je dois dire que j'ai été très séduit par Absolute Superman, qui bénéficie d'un scénario efficace et de superbes dessins. La paire Jason Aaron-Rafa Sandoval fonctionne à merveille.

Ce qui est frappant, c'est la place accordée à Krypton dans ce premier arc. Non seulement, on a droit à des flashbacks consistants mais l'épisode 3 y est quasiment intégralement consacré. Jason Aaron en dresse un portrait passionnant, avec le souci d'en décrire les classes sociales et d'expliquer pourquoi Jor-El et Lara Lor-Van ont été relégués socialement et ne pourront empêcher la catastrophe.

Pour un peu, on dirait presque que c'est ce qui a d'abord motivé Aaron : raconter vraiment d'où vient son Superman en brossant le portrait de ses parents, dont l'indépendance d'esprit et la lucidité vont se briser sur le mur d'une élite vouée à la science mais en réalité composée de notables hypocrites, n'hésitant pas in fine à sacrifier leur peuple quand l'inévitable se produira.

En comparaison, j'ai eu plus de mal à suivre, du moins au début, Superman sur Terre. Mais progressivement, Aaron fait parler son métier en décrivant de manière plus subtile son héros. Là aussi, en vérité, il serait plus juste d'appeler la série Absolute Superboy car Kal-El est encore un jeune homme, qui maîtrise mal ses pouvoirs, sa force, agit impulsivement, selon des critères manichéens.

Mais ces défauts font aussi qu'on s'attache à lui : qui ne serait pas sensible à son combat contre les injustices de la compagnie Lazarus, dépeinte comme une multinationale ayant la main sur diverses exploitations (agricoles, minières...), partout dans le monde, traitant sa main d'oeuvre comme des esclaves.

Tout ça est écrit en caractères bien gras, Jason Aaron n'y va pas avec le dos de la cuiller pour dire tout le mal qu'il pense de cette entreprise tentaculaire avec ses Peacemakers brutaux, et le parallèle entre la catastrophe écologique qui a raison de Krypton et celle qui menace cette Terre n'a rien de bien fin. Mais au moins, on identifie clairement les méchants et le gentil.

Pour trouver quelque chose de plus trouble, il faut s'intéresser à Lois Lane, ici transformée en agent de la sécurité au caractère bien trempé, qui enquête sur Superman et découvre les malversations de ses collègues Peacemakers et donc les ordres donnés par Lazarus. Comme dans sa version classique, Lois est la fille d'un ancien officier militaire et agit en investigatrice (mais pas pour un journal).

On observe donc avec intérêt d'un côté cette femme forte tête, dont les certitudes s'effritent, et de l'autre ce jeune homme venu d'ailleurs, qui lui apprécie la situation avec simplicité sinon simplisme. L'ambiance est effectivement sombre, violente, mais aussi spectaculaire sans sacrifier une vraie évolution chez les deux protagonistes, ni négliger certains mystères pour la suite (avec la révélation du patron de Lazarus à la toute dernière page du sixième épisode).

On n'est assurément pas dans une proposition aussi originale et atypique que Absolute Martian Manhunter, mais l'ensemble est assez captivant pour qu'on passe un chouette moment et donner envie de lire la suite. Jason Aaron se montre à l'aise avec ce projet, qui a connu la genèse la plus compliquée de la collection...

... Car, initialement, Rafa Sandoval ne devait pas dessiner la série. Rafael Albuquerque a en effet signé les characters designs et devait aussi réaliser les planches intérieures, avant de devoir jeter l'éponge à la dernière minute à cause des inondations survenues au Brésil. Le premier épisode lui est d'ailleurs dédié. Mais Albuquerque aura l'occasion de se refaire puisqu'il dessinera Superman Unlimited, la nouvelle série écrite par Dan Slott, qui débute le mois prochain.

Sandoval accomplit un épatant remplacement, en s'appropriant avec aisance ce que son collègue avait préparé. Il dessine les cinq premiers numéros, supplée sur le sixième par Carmine di Giandomenico qui assure l'intérim avec qualité.

Les planches de Sandoval sont d'un niveau excellent, qu'il s'agisse des scènes d'action très dynamiques ou de celles plus intimistes, traitées avec beaucoup de soin. Les moments sur Krypton témoignent d'un investissement important pour donner vie à ce monde, ses décors, ses différentes classes sociales (mention spéciale aux costumes), ses vaisseaux.

La colorisation d'Ulises Arreola participe grandement à cette réussite graphique avec des ambiances sensibles, entre le climat dans des tons chauds sur Krypton et ceux plus gris sur la Terre. Le trait de Sandoval comme celui de di Giandomenico sont respectés, mis en valeur. Certains instants clés sont aussi magnifiquement traités, comme l'implosion de Krypton.

Par ailleurs, visuellement, Sandoval et Arreola réussissent très bien à illustrer des éléments très originaux, comme la cape de Superman qui est ici un équipement à part entière, une sorte d'intelligence artificielle qui déploie à la fois une protection pour Kal-El en ayant un aspect gazeux et qui communique avec son porteur pour l'alerter sur le niveau de ses pouvoirs, pirater des systèmes informatiques, etc.

Jason Aaron a visiblement beaucoup d'idées à exploiter (comme ce qui est arrivé aux Kent après le départ de leur ferme de Kal-El, le patron de Lazarus, son complice, etc), de quoi voir loin. Mais surtout avec une intention proche de l'univers Ultimate premier du nom, quand Marvel voulait séduire des lecteurs profanes. Vu le succès rencontré, DC a réussi son coup.

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