WESLEY DODDS : THE SANDMAN
(#1-6)
New York, 1940. Wesley Dodds est l'héritier de la fortune de son père Edward, qui a combattu sur le front durant la première guerre mondiale et qui en est revenu brisé. Devenu le justicier Sandman, Wesley utilise ses recherches sur divers gaz pour neutraliser des malfrats. C'est ainsi que, grâce à Wheeler Vandervyle, un ami de feu son père, qu'il a rendez-vous avec le colonel Breckenridge, à la recherche de nouveaux armements.
Mais le militaire préfère des solutions létales à celles que lui explique Wesley. Déprimé, le soir venu, il quitte la soirée à laquelle l'a conviée sa fiancée, Dian Belmont. Mais alors qu'il corrige des voleurs dans une ruelle, Sandman voit passer à toute allure les pompiers. Ils vont éteindre l'incendie qui s'est déclaré dans la maison des Dodds.
Le feu éteint, Wesley découvre que l'endroit secret où il avait remisé son carnet de recherches a disparu. Un cadavre a été trouvé dans les décombres, il s'agit d'un certain Igor Kluge, ancien militaire renvoyé pour vol. Sandman interroge le médecin légiste qui lui affirme que l'homme était déjà mort avant d'être brûlé. Puis il retourne dans sa maison où il est attaqué par un homme masqué, Fog, qui l'expose à un gaz de sa conception.
Après avoir passé deux jours et deux nuits à cauchemarder, Wesley reprend ses investigations en commençant par le passé militaire de Kluge et les archives de Fort Hamilton, que dirige Breckenridge...
Cette mini-série publiée par DC en 2023 a été lancée pour accompagner le volume de Justice Society of America (2022-2024) écrit par Geoff Johns, dont l'intrigue explorait à la fois le passé des membres originels de l'équipe et son futur, dans une itération lointaine et aux prises avec le criminel Per Degaton.
Les fans purent ainsi se plonger dans les aventures de Jay Garrick : The Flash (par Jeremy Adams et Diego Olortegui), de Alan Scott : The Green Lantern (par Tim Sheridan et Cian Tormey) et donc de Wesley Dodds : The Sandman par Robert Venditti et Riley Rossmo. Je vais rédiger des critiques sur ces trois projets en commençant donc par le dernier cité.
Robert Venditti, contrairement à ses deux collègues, avait un sacré défi à relever puisque The Sandman a eu droit à son lot de séries marquantes. Il y eut bien entendu le run de Neil Gaiman, même si Wesley Dodds n'y tenait qu'un petit rôle. Il y eut surtout Sandman Mystery Theatre de Matt Wagner et Steven Seagle (scénario) et Guy Davis (dessins), considéré comme un classique du label Vertigo (70 épisodes parus en 1993 et 1999).
Bien entendu, ces six épisodes-là ne peuvent prétendre rivaliser avec pareil run, mais Venditti ne cherche de toute façon pas à relever ce challenge. Il adresse quelques mentions néanmoins à la série et inscrit plus globalement son récit comme ce qui a précédé le recrutement de Sandman par la Justice Society of America (qu'on aperçoit à la toute dernière page du dernier chapitre).
Venditti est un très bon scénariste mais qui n'a jamais vraiment réussi à s'imposer comme un auteur incontournable, malgré de solides prestations sur des titres comme Hawkman ou Green Lantern. Il connaît bien ses classiques, possède un vrai talent de conteur, sait caractériser ses personnages et composer avec tous les formats. Il ne lui a sans doute manqué qu'un adoubement par une star du milieu pour prétendre à mieux (contrairement à Sheridan et Adams, disciples de Geoff Johns).
Le scénario se situe en 1940. La grande guerre est déjà loin et la deuxième guerre mondiale fait déjà des ravages en Europe. Wesley Dodds est le fils d'un vétéran de 14-18, que le conflit et ses horreurs ont brisé psychologiquement et qui a légué sa fortune à son unique enfant. Celui-ci a mis cet argent à profit pour développer des recherches sur divers gaz au moyen desquels il chasse le crime en tant que Sandman.
Sandman ne ressemble pas à un super-héros comme ses futurs pairs de la JSA : son costume tient plus du justicier pulp, avec son imperméable et son fedora. Il cache son visage derrière un masque à gaz et utilise un pistolet qui projette des fumigènes pour combattre le mal. On est donc loin de Green Lantern, Starman, Flash ou même Hourman (Rex Tyler fait une apparition dans le premier épisode).
Par ailleurs, Dodds est en couple avec Dian Belmont, qui connaît sa double vie, mais ce n'est pas seulement sa girlfriend : c'est une femme indépendante, au caractère bien trempé, très belle et élégante, qui dispose des relations de son père, district attorney de New York. C'est donc bien ensemble qu'ils vont mener l'enquête pour trouver qui a volé le carnet de notes de Wesley et éviter que ses trouvailles ne tombent entre de mauvaises mains.
Hanté par des cauchemars de choses qu'il n'a pourtant pas vécues, Wesley, au début de l'histoire, veut raccrocher son habit de Sandman en espérant convaincre un haut gradé de l'armée qu'on peut vaincre l'ennemi sans le tuer. C'est donc un pacifiste et un idéaliste, et c'est pour cela qu'il va essuyer un revers cinglant. Mais quand sa maison est incendié et qu'on lui dérobe son carnet, il a peur que ses études ne soient détournées...
Grâce au dessin tourmenté de Riley Rossmo, le lecteur peut éprouver l'angoisse qui étreint en permanence le héros, via des visions franchement atroces. Rossmo donne à voir des soldats dans les tranchées que des gaz mortels exterminent de manière barbare. On nage en plein body horror avec des chairs qui se liquéfient, des peaux qui se détachent, des regards épouvantés...
Surtout Rossmo ne fiche du réalisme et entraîne le lecteur dans un univers et une ambiance oppressants. Il nous fait ressentir avec puissance le pouvoir de Sandman, la capacité de ses armes à faire des dégâts et comment, en les détournant, elles deviendraient un arsenal abominable.
Ainsi Venditti questionne ce que cherche véritablement Dodds : s'il refuse de tuer, il étudie quand même le potentiel létal des gaz et joue donc à l'apprenti sorcier. Comme il finit par le dire, il joue avec le feu, et lorsque son carnet est volé, il saisit tout de suite ce que des gens moins scrupuleux pourraient en tirer. L'enquête est menée sur un rythme vif tout en ménageant son lot de surprises.
Ainsi on s'attend à ce que Fog, le double sombre de Sandman, soit son vrai adversaire, avant que Venditti s'en débarrasse finalement rapidement et ne révèle l'identité des coupables dans la deuxième partie, dévoilant l'ampleur de la machination. C'est risqué mais ce tournant inattendu pimente une intrigue qui, autrement, aurait été beaucoup plus convenue.
On appréciera aussi les clins d'oeil à la JSA donc (celle des origines, du présent et du futur puisque les rêves de Dodds sont prémonitoires mais cryptiques), et plus spécialement quand un certain Sandy Hawkins, neveu de Dian Belmont, pointe le bout de son nez de petit garçon (il deviendra le sidekick de Sandman puis son successeur).
C'est, j'ai trouvé, une authentique réussite, qui fonctionne sans avoir à lire Justice Society of America dernière version par Geoff Johns. Wesley Dodds a ce côté décalé par rapport à tous les membres de la JSA qui le distingue, à l'image de cette mini série appréciable à la fois par les fans de comics super héroïques comme de polar.
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