samedi 19 avril 2025

THE MOON IS FOLLOWING US #8 (of 10) (Daniel Warren Johnson / Riley Rossmo & Daniel Warren Johnson)


Avant de sombrer dans le coma, Penny avait dessiné une licorne, une "Pennycorne". Aujourd'hui, dans la dimension des rêves de la fillette, sa mère, Samantha, en créé une avant l'assaut final contre l'armée de Pigface. Mais Sam sent que son mari, Duncan, lui cache quelque chose depuis la dernière bataille et cela le ronge même s'il refuse d'en parler...


Alors que The Moon is following us s'achèvera dans deux mois, on peut d'ores et déjà affirmer que cela aurait été une sacrée aventure. Ce n'est pas une mini-série parfaite, pas le meilleur scénario de Daniel Warren Johnson, mais c'est assurément son plus remuant, son plus épique, son plus tortueux, son plus déchirant.


Si vous me demandez si c'est une lecture agréable, je vous répondrai donc que non. Non pas parce que c'est mauvais, mais parce que c'est terriblement poignant et perturbant. Il faut se lancer là-dedans en ayant le coeur bien accroché. Je vous le dis à titre préventif parce que, moi, je n'étais pas prévenu. Et alors que le dénouement est proche, je me dis qu'il est sage d'avertir les futurs lecteurs de la vf (à paraître à la rentrée chez Urban Comics).


Il me semble qu'avec The Moon... Daniel Warren Johnson arrive sans doute au bout d'un cycle. C'est comme le dernier volet d'un triptyque composé de Murder Falcon et Do a Powerbomb !, trois histoires qui explorent le deuil en enveloppant ce thème dans des récits mouvementés, empruntant au hard rock, au catch, à l'heroic fantasy.


On dit souvent que chacun fait son deuil à sa manière, qu'il n'y a pas de formule miracle pour traverser cette épreuve. Et mon expérience personnelle m'incite à approuver. Certains s'enfoncent dans le chagrin, la colère, la frustration, le déni... Ou transcendent ça par l'art. Il y a eu de magnifiques romans, de superbes chansons, des films bouleversants. Et des comics formidables pour en témoigner.

A cet égard, ce huitième épisode est sans doute le plus douloureux. On sent vraiment que Johnson et Riley Rossmo sont allés au bout d'eux-mêmes pour en accoucher. Ils ne s'épargnent rien et le lecteur l'éprouve de manière quasi physique. Ils ont mis tout ce qu'ils avaient dans ces pages, et l'épisode se conclut sur un événement absolument impitoyable.

Je ne vais pas faire de psychologie de comptoir en essayant de deviner ce qui s'est passé chez Johnson et Rossmo pour qu'ils aient éprouvé la nécessité de raconter quelque chose comme ça. Mais il est évident que c'est personnel, profond. Et le résultat, encore une fois, est intense et sensible à la fois, très fort et subtil, jamais bourrin, jamais complaisant.

Ce qui rend beau, ce projet, c'est aussi ce qui en fait sa limite. La structure du récit est répétitive, l'histoire a mis beaucoup de temps à décoller. C'est un peu comme si les deux auteurs et artistes avaient hésité à plonger au coeur de leurs ténèbres. Comme Truffaut désignait certains chefs d'oeuvre de "grands films malades", on pourrait dire qu'il s'agit d'une grande bande dessinée malade.

Les personnages principaux, désormais réduits à quatre (le couple Samantha-Duncan, Jebediah Swano, Pigface, Tash Severin), portent en eux les stigmates de l'inspiration malade de Johnson et Rossmo. Les planches de ce dernier en particulier traduisent à merveille cet état avec les gueules de traviole des protagonistes, le découpage heurté, soulignés par les couleurs de Mike Spicer.

C'est donc très triste. Mais très beau. Mais très triste. On ne lit pas ça pour se divertir, se changer les idées. C'est exigeant. D'ailleurs, ce numéro est sorti la semaine dernière et j'ai retardé le plus possible l'écriture de sa critique parce que, tout bêtement, j'ai mis du temps à lire l'épisode. Je savais que quelque chose de déplaisant allait s'y produire. Et je n'avais pas tort.

Toutefois, je ne veux pas non plus donner le sentiment que lire The Moon is following us est un calvaire. Si je regrette vraiment quelque chose, c'est peut-être de l'avoir lu mensuellement. Dix épisodes, dix mois, c'est long, surtout pour une histoire pareille, avec des débuts laborieux. Je crois que ce sera plus digeste de lire ça d'une traite pour ceux qui se procureront le recueil.

Et puis ça rappelle, à toutes fins utiles, que la bande dessinée "pour adultes", "pour lecteurs avertis", ce n'est pas une blague. Il s'agit moins en vérité de pointer les comics violents ou présentant la sexualité de manière explicite, que de dire que certaines histoires sont perturbantes ou douloureuses. C'est cela, je crois, le véritable âge adulte de la BD : des histoires qui remuent le lecteur, non pour des motifs graphiques, mais pour la force des sentiments exposés.

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