Peter Parker passe plusieurs entretiens d'embauche, sans succès. Jusqu'à ce qu'une vieille connaissance du collège, Brian Nehring, le coopte pour un poste chez Rand Entreprises. Mais Peter s'éclipse pour aller stopper le Rhino qui sème le chaos dans les rues... Avant de faire une crise cardiaque !
Franchement, j'ai hésité. Un Peu. Mais j'ai hésité quand même. Parce que, bon, soyons honnêtes, être fan de Spider-Man depuis plusieurs années, c'est devenu... Compliqué. Depuis la fin du long run de Dan Slott (qui a passé dix ans sur la série, avec pas mal de péripéties), Marvel semblait incapable de lui trouver un digne successeur. Et quand on se souvient des circonstances de l'arrivée de Slott...
Rappelez-vous : One More Day provoquait le départ de Joe Michael Straczynski dont le script fut réécrit par Joe Quesada (qui le dessinait), car le big boss des comics Marvel d'alors voulait absolument mettre fin au mariage de Peter Parker et Mary Jane Watson. Et cela s'enchaîna avec Brand New Day, ses trois épisodes par mois, ses équipes artistiques tournantes, et, enfin, Slott seul aux commandes.
Sauf que chez Marvel, quand on écrit Avengers, X-Men ou Spider-Man, on n'est jamais seul aux commandes de la série. De tout temps, Marvel a eu des editors très interventionnistes, soucieux que les auteurs ne fassent pas n'importe quoi avec leurs héros les plus populaires. Ou plutôt obsédés par le fait que ces héros ne sortent pas de leur bulle.
Pour Spider-Man, ça signifie que Peter Parker doit plus ou moins rester toujours cet adulescent, malchanceux, mais fidèle à ce qui lui a dit son oncle Ben avant de mourir : "de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités". Les scénaristes peuvent faire de Parker/Spidey ce qu'ils veulent, mais, quand leur run se termine, ils doivent ranger les jouets, rendre l'endroit dans l'état où ils l'ont trouvé, c'est-à-dire comme Marvel veut qu'il reste.
Ainsi, depuis 1963, Peter Parker a traversé bien des épreuves, vécu bien de changements, mais à chaque nouveau scénariste, c'est comme si la série redémarrait littéralement de zéro ou presque. Peter n'est plus un lycéen, certes, mais il est toujours aux petits soins pour sa tante May et demeure un super-héros sympathique mais poissard.
Cette déveine est illustrée par le couple emblématique qu'il forme avec Mary Jane Watson. Ces deux-là ensemble plaisent aux fans mais pas à Marvel qui prend un plaisir absurde à les séparer régulièrement. Encore récemment Tom Brevoort a exprimé son refus catégorique qu'ils soient en couple et mariés - pour ça il y a Ultimate Spider-Man. Et si ça ne vous plait pas, allez vous faire cuire le cul.
Après Dan Slott et son long bail, Marvel a d'abord fait confiance à Nick Spencer, qui était l'auteur en vogue. Il avait à ses côtés Ryan Ottley, le dessinateur d'Invincible, mais après des débuts prometteurs, les deux ont explosé en vol : le rythme de parution bimensuel a épuisé Ottley et a conduit Spencer à des histoires qui n'ont satisfait personne.
Spencer a achevé son mandat en devenant un débaucheur de talents pour le site Substack, vendu comme l'eldorado (avec de juteuses avances à la clé) mais qui s'est gaufré en beauté puisque personne n'a voulu débourser de l'argent pour lire des comics via des newsletters. Depuis Spencer a disparu de la circulation et les comics Substack aussi.
Marvel a ensuite refilé le bébé à Zeb Wells, un des auteurs déjà là du temps de Brand New Day. Vous ne trouverez pas grand-monde pour dire du bien de ses 60 épisodes en deux ans de production, sauf chez les plus masochistes. Je prévois pour Wells un long purgatoire.
Les neuf derniers mois ont été remplis par une saga, 8 Deaths of Spider-Man, confiée à Joe Kelly et Justina Ireland, qui, là non plus, n'ont pas généré d'enthousiasme délirant. Pourtant alors que Marvel réfléchissait à qui confier le relaunch, c'est Kelly qui a candidaté. Nick Lowe, l'editor, était méfiant, estimant que Kelly, par ailleurs occupé par ses projets télé et comics indé, risquait d'être dépassé.
Mais il a quand même emporté le morceau. Grosse pression, mais Kelly a de l'expérience : lui aussi faisait partie des auteurs de Brand New Day et il a pas mal bourlingué entre Marvel et DC, sans compter ses creator-owned. Et il faut croire que son pitch a eu raison des réticences de Lowe. Qu'en est-il ?
Ce premier épisode du 6ème volume de la série The Amazing Spider-Man semble surtout vouloir rassurer tout le monde. Il y a de l'humour, de l'action, l'établissement des protagonistes, des teasers pour la suite. Joe Kelly cherche l'unanimité, quitte à laisser penser qu'il ne prend pas de risque (ou qu'on refuse qu'il en prenne). Mais n'est-ce pas mieux après toutes les turbulences de ces dernières années ?
Peter Parker est à la recherche d'un emploi, ce qui suggère qu'il n'est plus photographe de presse, ni prof, ni entrepreneur. Il essuie échec sur échec (la fameuse "Parker's luck") mais un copain de collège le coopte pour un poste chez Rand Enterprises (faut-il y voir la possibilité du retour de Danny Rand/Iron Fist, pourtant récemment tué ?). Il fête ça avec May puis Shay Marken (sa nouvelle copine) et Randy Robertson (son nouveau meilleur ami, fils de Robbie Robertson du Daily Buggle).
Et puis il y a donc la partie Spider-Man (comme disait Stan Lee : la série, c'est d'abord Peter, et ensuite Spidey). On a droit à un affrontement énergique mais bref avec le Rhino avant que celui-ci ne fasse une crise cardiaque (mais rassurez-vous il s'en sort). On découvre qu'il agissait pour Roderick Kingsley (autrement dit le Super-Bouffon).
Pour lier ces deux parties, Joe Kelly met Spidey sur la piste d'événements bizarres survenus dans le quartier du domicile du Rhino et du lieu de travail de Randy Robertson... C'est habile, ça va vite, Joe Kelly sait y faire, comme quand il montre les entretiens d'embauche de Peter ou justement la baston express entre Spidey et le Rhino.
Ce qui est finalement le plus agréable, c'est que tout ça ne cherche pas à réinventer la roue. Il y a là une volonté affichée de faire simple, accessible, divertissant. C'est direct, fluide, rapide, dynamique. Pas besoin d'avoir les précédents runs, tout est bien exposé, et en même temps Kelly sait garder des éléments dans le flou pour que le lecteur ait envie de revenir.
Si chaque comic-book est toujours le premier pour un lecteur, alors ce n°1 correspond parfaitement à ce principe. Il se lit tout seul, il est très efficace, très plaisant. Kelly est assez malin pour donner l'impression qu'il a les coudées franches parce que sa proposition ne heurte personne. Certes Mary Jane est absente (et le restera - pour comprendre, lisez le navrant All-New Venom), mais baste.
Marvel a quand même fait un super cadeau à Kelly. C'est Pepe Larraz qui dessine le premier arc (cinq épisodes), mais l'espagnol superstar a lui aussi candidaté pour le poste (sans trop y croire, comme il l'avoue dans la postface !). Et la copie qu'il rend est jubilatoire : son style est moins réaliste que d'habitude, mais avec cette énergie contagieuse.
La manière en particulier qu'il a de dessiner Peter est irrésistible, comme un quasi gamin mais plus pour appuyer ses déconvenues que pour le rajeunir excessivement. Les premières pages sont des "gaufriers" très simples mais très intelligents, dans le pur registre de la comédie. Puis Larraz lâche les chevaux et là, c'est autre chose.
Artiste prodigieux, il sait comme peu composer des plans explosifs, avec des angles de vue toujours expressifs, des valeurs de plan d'une justesse imparable. On sent qu'il a bien travaillé son Spider-Man et il le tient déjà admirablement. Comme en prime Marte Gracia, le coloriste qui l'accompagne depuis des lustres, est là aussi, on en prend plein les mirettes. C'est vraiment extra.
Ce premier numéro est généreux dans sa pagination (40 pages). Et donc on a aussi des espèces de teasers pour ce qui nous attend. Après la fin de l'épisode, quelques pages sur Norman Osborn, guéri de l'influence du Bouffon Vert, qui donne une conférence de presse pour annoncer son retrait des affaires, lorsqu'un homme tente de le tuer pour venger sa femme, tué à cause du Bouffon. Osborn le neutralise mais change d'avis : Oscorp va s'employer désormais à dédommager les victimes du Bouffon.
Puis, en toute fin du numéro, encore une poignée de pages qui introduit un futur vilain (inédit).
Ces deux parties, très brèves, sont dessinées par John Romita Jr., indissociable de Spider-Man, malgré la baisse nette de la qualité de son travail. J'aurai aimé vous dire que JR Jr. a fait des efforts, mais ce n'est pas le cas et quand il signera le deuxième arc, après celui de Larraz, la série risque de connaître, visuellement, un vrai choc thermique.
Il faut dire que Romita fils travaille actuellement sur un nouveau projet avec Mark Millar mais aussi sur un autre creator-owned pour DSTLRY ! Dans ces conditions, impossible de livrer des planches correctes. Je devine que Marvel le paie bien (tout comme Millar), mais ce n'est tout simplement pas tenable et je pense que Marvel aurait dû donner sa chance à quelqu'un d'autre pour alterner avec Larraz (même si, à part Valerio Schiti ou Marco Checchetto, je ne vois personne d'aussi fort que l'espagnol chez l'éditeur).
Je ne sais pas comment je vais faire avec ça : le mieux serait que Kelly boucle ses arcs en fonction des dessinateurs, comme ça je pourrai zapper les épisodes de Romita. Mais ça m'étonnerait que ce soit aussi simple. En attendant, je vais au moins savourer les cinq premiers numéros, qui paraîtront au rythme de deux par mois.
Je recommande la lecture de ce relaunch, que j'ai vraiment apprécié, et aussi parce que j'ai envie d'y croire, de croire en Kelly, de me régaler avec Larraz. Entre Amazing et Ultimate Spider-Man, je devrai m'y retrouver, et pas que moi.
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