samedi 5 avril 2025

RESURRECTION MAN : QUANTUM KARMA #1 (of 6) (Ram V / Anand RK, Butch Guice)

 

Matthieu Salliere s'éteint au soir d'une longue vie. Mais Mitch Shelley, son vrai nom, ressuscite comme à chaque fois, fort de ses existences passées. Un homme, qui dit être son double provenant d'une autre réalité, l'emmène à Samsara, au coeur de l'univers, hors de l'espace-temps, pour le convaincre d'accepter une mission...



Resurrection Man est une création des scénaristes Dan Abnett et Andy Lanning et du dessinateur Butch Guice, apparu dans sa propre série en 1997. Celle-ci durera 27 numéros et s'achèvera en 1999, avant de connaître une nouvelle version en 2011 avec les mêmes auteurs mais Fernando Dagnino au dessin. Ram V, fan du personnage depuis toujours, entreprend aujourd'hui de le revisiter dans cette mini en six n°.
 

Pourtant, avant d'être publié par DC, Resurrection Man faillit être un héros Marvel, à la tête des Great Lake Avengers, sous le nom de Mr. Immortal. Abnett et Lanning voulaient renouveler la figure de l'immortel de telle manière qu'à chaque fois qu'il mourait et renaissait, il avait acquis comme pouvoir ce qui avait causé sa perte (électrocuté, il avait des capacités électriques par exemple).
  

Ce n'est pas une surprise que Ram V soit passionné par ce personnage atypique qui refuse d'être assimilé à un super héros et qui subit plus qu'il ne l'accepte sa condition. De la part de celui qui a signé Toutes les morts de Laïla Starr, on comprend ce qui l'intéresse ici : questionner la différence entre éternité et immortalité à travers un destin singulier.
 

L'éternité est définie par le temps, la durée, infinis. L'immortalité est l'état de ne jamais mourir. La première a une signification philosophique, spirituelle. La seconde est plus littérale. Cela est superbement illustré dans la première scène qui voit la mort de Matthieu Salliere, vieillard, mari, père, grand-père.

Ram V traite ce moment poignant avec une délicatesse admirable. Le lecteur est saisi par l'émotion qui s'exprime ici, dans les gestes, les regards, les paroles échangés. Que reste-t-il des gens qu'on aime et qui partent ? Des livres, des souvenirs. Des vestiges de sa présence sur Terre. Mais Matthieu Salliere s'échappe de sa chambre d'hôpital après avoir dit adieu à son épouse et s'éteint dans un champ.

On assiste alors à sa résurrection, magnifiquement mise en images. Le voici redevenu un homme, adulte, dont seul subsiste la chevelure blanche. Cette renaissance semble à la fois tranquille et douloureuse, un retour et un accouchement. Mais elle suffit à donner le ton de la série en captant ce passage de la mort à la vie, rapide, et ahurissant.

Ram V ne perd pas de temps, il doit faire vite lui aussi, il a six épisodes pour raconter son histoire de Mitch Shelley (ce nom renvoie évidemment à Mary Shelley, l'auteur de Frankenstein ou le Prométhée moderne, dans lequel un savant donnait vie à un homme composé de parties de chair mortes qu'il finit par abandonner à son sort, horrifié par son aspect hideux).

Shelley, donc, est surpris par un homme encapuchonné qui se présente comme son double issu d'une réalité parallèle et qui l'entraîne à Samsara, aux confins de l'univers, hors du temps et de l'espace, pour qu'il accepte une mission de la plus haute importance. Mais pour cela, il doit le convaincre de son héroïsme, ce qui n'est pas acquis car, durant ses vies antérieures, Shelley dit n'avoir jamais rien accompli de remarquable...

Homme sans qualités, Shelley replonge dans ses souvenirs, précisément durant sa détention dans le camp de Rabaul en Nouvelle-Guinée à la fin de la seconde guerre mondiale, sous le joug des japonais. L'endroit est commandé par Shohei Kagawa, un officier qui apprend le suicide de Hitler et décide, en attendant l'arrivée des alliés, de festoyer avec ses hommes. Mais le banquet est très spécial et va avoir des conséquences inattendues...

Je ne vais pas en dire plus pour l'instant, on verra si je suis obligé de spoiler le mois prochain pour rédiger un résumé compréhensible. Mais Ram V aboutit à un épisode palpitant, avec une ambiance intense. Bien que très différent de The New Gods, qu'on peut lire actuellement, son scénario explore des thèmes voisins, comme la divinité, la guerre, le destin, l'appréciation d'un talent exceptionnel.

Tout comme ses meilleurs comics, Ram V peut s'appuyer sur un artiste extraordinaire en la personne de Anand RK avec qui il a déjà collaboré sur Graffity's wall et Blue in Green. Le style de son compatriote, indien comme lui, est saisissant, avec un trait tout en délié, qui s'abstient d'à-plats noirs et bénéficie des couleurs superbes de Mike Spicer (le partenaire de Daniel Warren Johnson).

Plusieurs planches sont de vraies oeuvres d'art qu'on peut presque dissocier du récit pour les admirer à part - voir la page 4 ci-dessus, avec le retour à la vie de Mitch Shelley dans la fosse commune du camp de Rabaul. Mais en vérité, on trouve là une oeuvre graphique impressionnante qui vous entraîne dans un univers à part, vous communique des sensations tenant du beau-bizarre.

J'avoue que je n'avais pas anticipé le choc de cette lecture, d'autant que je me suis décidé à lé dernière minute pour acheter cet épisode. Mais je ne le regrette pas. C'est puissant et beau, perturbant et hypnotique. La combinaison entre le texte de Ram V et les images de Anand RK forme d'ores et déjà quelque chose d'unique, à laquelle Butch Guice se joint, discrètement, comme pour l'adoubler.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire