vendredi 4 avril 2025

JSA #6 (Jeff Lemire / Diego Olortegui)


Tandis que la situation vire au cauchemar dans la Tour du Destin et qu'un des membres de la vieille garde de la JSA trouve la mort, l'autre partie de l'équipe voit Wildcat II perdre ses nerfs lors d'une nouvelle descente dans un repaire de Kobra avec des conséquences très lourdes là-aussi...


Avec ce sixième épisode, on arrive donc à mi-parcours du premier arc de JSA tel qu'annoncé par Jeff Lemire lui-même. Le scénariste a affiché de grandes ambitions d'entrée de jeu pour la série avec cette histoire courant sur une année entière de publication. A moins qu'il ne s'agisse d'une manière de conjurer le mauvais sort après le dernier run de Geoff Johns, d'une longueur égale mais mal accueilli.


Jusqu'à présent, on pouvait dire que Lemire réalisait un sans-faute. Son intrigue réussissait à exploiter un casting très fourni en multipliant les péripéties et les coups de théâtre. Le rythme était souvent haletant, mais savait aussi temporiser quand c'était nécessaire. Mais il semble qu'avec ce numéro l'auteur ait voulu bousculer ses héros et le lecteur.


En effet, d'un côté, on a un membre éminent de la JSA qui trouve la mort, quand, de l'autre, un autre donne la mort, balayant le code d'honneur de l'équipe. Et je dois bien avouer que si je n'ai pas apprécié l'un, l'autre m'a également fait grimacer. Pour la première fois, la série se grippe et c'est uniquement la faute à Jeff Lemire.


C'est délicat d'en parler sans spoiler mais je vais m'efforcer d'être clair sans rien révéler d'important. Evoquons d'abord la mort d'un des membres de la JSA : j'espère que celle-ci n'est qu'un rebondissement et pas une exécution définitive car j'adore ce personnage, mais surtout, hors de tout sentimentalisme, cela m'apparaît gratuit et trop facile (c'est un héros sans pouvoir, bêtement sacrifié).

Ensuite, quand Wildcat II tue un membre de l'organisation Kobra, son geste est traité de manière plus que légère. Au lieu de la livrer à la police, son groupe la ramène tranquillement au QG, comme si l'affaire allait se régler entre ses quatre murs - ça m'a rappelé la désinvolture avec laquelle les auteurs des séries mutantes avaient pardonné les crimes de plusieurs X-Men à la fin de l'ère Krakoa.

Quand on écrit, a fortiori, une série JSA, on ne peut pas composer légèrement avec la notion de justice - et même de morale. Quand un héros commet l'irréparable, il est intolérable qu'un scénariste écrive ça comme une simple péripétie, en ramenant le dit personnage à son QG pour être jugé par ses collègues.

Par ailleurs, entre ces deux événements, Lemire cède à un autre facilité : autant la situation dans la Tour du Destin aboutit à une sorte de dénouement provisoire dramatique, autant sa façon d'animer l'autre section de l'équipe (Infinity Inc.) devient répétitive. 

Quand ils ne sont pas occupés à se disputer avec Jade, les soutiens d'Obsidian font des descentes dans les planques de Kobra. Non seulement ils débusquent ces terroristes très facilement, mais cela n'aboutit jamais à rien de concret. Personne n'a l'air de se douter qu'Obsidian fait n'importe quoi et donc qu'il n'est pas lui-même. Ils le suivent aveuglément, bêtement. Seuls donc Jade, Sand et Hourman sont lucides.

Mais Jade et Sand (Hourman étant plus préoccupé par l'attitude de Jessie Quick) ne sont pas des lumières non plus : à part avoir deviné, laborieusement, qu'il y avait un traître dans l'équipe, ils n'ont toujours pas commencé à suspecter quelqu'un et, en particulier Obsidian qui pourtant mène la fronde depuis le début.

Tous ces éléments constituent des faiblesses devenues très voyantes dans le plan de Lemire. Comme c'est un scénariste talentueux, on a envie de croire qu'il va renverser la vapeur et que, avec cet épisode en particulier, la suite sera plus rigoureuse. Mais la lecture est un peu gâchée à cause de ces errements...

Heureusement, Diego Olortegui produit d'excellents planches. L'artiste donne tout ce qu'il a et semble vraiment mettre à profit ses temps de repos pour revenir à chaque fois remonté à bloc. Plusieurs doubles pages très détaillées, avec des compositions dynamiques, témoignent de son engagement. Et sa narration est toujours impeccablement fluide, avec un souci des valeurs de plan subtil.

L'exercice est cruel, mais en ayant annoncé dès le départ ses ambitions, Lemire s'est exposé à la critique. Si la lecture de JSA s'est avérée très plaisante jusque-là, elle ne dissimule pas dans ce numéro des égarements et exige de la part de son scénariste une reprise en main vigoureuse. A vérifier dans un mois.

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