mardi 29 avril 2025

ABSOLUTE BATMAN, TOME 1 : LE ZOO (Scott Snyder / Nick Dragotta, Gabriel Hernandez Walta)


ABSOLUTE BATMAN, TOME 1 : LE ZOO
(Absolute Batman #1-6)


Enfant, Bruce Wayne effectue une sortie scolaire au zoo de Gotham City en compagnie des élèves de sa classe et de son père instituteur. Un forcené, Joe Chill, ouvre le feu et tue Thomas Wayne. Elevé par sa mère Martha, Bruce tient le coup grâce à ses amis : Edward Nygman Harvey Dent, Oswald Cobblepot, Waylon Jones et Selina Kyle.


Adulte, Bruce, après de brillantes études, devient simple ouvrier dans le bâtiment. Mais il a consacré son temps libre à élaborer un plan ambitieux pour combattre la corruption qui gangrène sa ville. Sa mère est devenue membre du comité de soutien de James Gordon, le policier qui a arrêté Joe Chill et qui est devenu maire de Gotham, en lice pour un nouveau mandat contre Hamilton Hill.


Mais le gang des Fêtards sème la terreur et sous le masque de Batman, Bruce cherche à en savoir plus. Il croise la route d'Alfred Pennyworth, un espion, ancien militaire, envoyé à Gotham pour appréhender Roman Sionis et stopper éventuellement le justicier. Méfiant, Batman apprend que Sionis serait le malfrat Black Mask qui commanderait les Fêtards pour assurer la victoire de Hamilton Hill en pointant l'inaptitude de James Gordon à les arrêter. C'est alors que Black Mask propose un deal à Batman...
 

Et je vais terminer ma revue d'effectifs des titres Absolute par son navire amiral : Absolute Batman. Je parlerai d'Absolute Flash quand son premier recueil paraîtra. Par contre, aucune chance que je me tape Absolute Green Lantern, qui est vraiment d'une laideur graphique sans nom. Mais je continuerai à vous parler mensuellement d'Absolute Martian Manhunter.


Comme je le disais dans la critique d'Absolute Wonder Woman, publiée plus tôt ce jour, à l'origine, Scott Snyder voulait écrire les aventures revisitées de l'amazone mais DC l'a convaincu de revenir sur Batman auquel son nom reste associé depuis 2011 et son run à succès durant l'ère New 52. C'était donc un défi pour lui de trouver encore des choses à dire sur le personnage.


Mais en même temps, cette fois, encore plus que par le passé, il avait carte blanche. Il pouvait faire ce qu'il voulait puisque tout était à (ré)inventer. Et puis Snyder chez DC, c'est comme Hickman chez Marvel, quand on l'appelle, il ne vient que s'il a la garantie d'avoir les mains libres (plus encore, en réalité que Hickman).

Ainsi, c'est Snyder qui a baptisé cette nouvelle ligne de comics Absolute. Bien qu'initialement il voulait l'appeler AF, soit As Fuck. Mais c'était sans doute trop, même pour DC. C'est aussi lui qui a formulé le principe de la collection : enlever tout ce qui fait le folklore de ces héros. Et pour Batman, ça passe par son statut de milliardaire dont la fortune lui permet tout.

Donc, ici, Bruce Wayne n'est pas un héritier avec une Batcave dans son manoir. Il a perdu son père, tué par Joe Chill, mais Thomas Wayne était un instit', pas un médecin. Et il a toujours sa mère, qui est une travailleuse sociale, investie en politique. Elle soutient la nouvelle candidature de James Gordon, ex-policier devenu maire de Gotham.

Snyder modifie aussi les seconds rôles : Edward Nygma (le Sphinx), Oswald Cobblepot (le Pingoin), Harvey Dent (Double-Face), Waylon Jones (Killer Croc) ne sont plus des super-vilains mais ses amis d'enfance. Nygma est un électronicien, Cobblepot fait du business, Dent est avocat, Jones tient une salle de sport. Selina Kyle n'apparaît que dans des flashbacks, orpheline ballotée de foyer en foyer.

Les troisièmes rôles sont encore à l'état d'esquisses : Harvey Bullock est commissaire de police, Barbara Gordon simple flic.

Le changement le plus notable, c'est Alfred Pennyworth. Visiblement, Scott Snyder a aimé la série télé Pennyworth puisqu'il a conservé le personnage d'espion ex-militaire, mais vieilli, envoyé à Gotham pour appréhender Roman Sionis/Black Mask et observer (voire neutraliser) Batman.

On trouve dans ce casting très touffu la marque de fabrique de Snyder, incapable de se retenir. Tout de suite, il introduit une tonne d'éléments et le lecteur doit retenir une liste de noms imposante, des infos sur chacun, dans une intrigue elle-même très consistante, même si l'action, très violente et spectaculaire, est en bonne place.

Car Absolute Gotham est encore pire que ce que vous connaissez. Terrorisée par les Fêtards, elle ressemble à un champ de bataille permanent qui doit servir à discréditer l'action de Jim Gordon pour favoriser l'élection de son rival, Hamilton Hill. Snyder joue bien le coup avec une machination à la fois simple et complexe sur fond de politique.

Mais au fond, il est impossible de lire ça sérieusement. Contrairement à Jason Aaron sur Absolute Superman qui traite de l'exploitation des faibles par une multinationale, Snyder veut, lui, privilégier le divertissement en n'ayant pas peur d'en faire trop. C'est souvent grotesque, ridicule, mais aussi très marrant tellement c'est wtf.

Son Batman est une montagne de muscles, avec une cape redoutable. Le logo sur sa poitrine est en fait la lame d'une hache avec laquelle il n'hésite pas à trancher des membres. Les cornes de son masque sont en réalité des couteaux. Ses épaulettes sont hérissées de piques rétractables. Pour le coup, c'est vraiment une version absolue de Batman, terrifiante, bestiale, "hénaurme".

Et en ayant Nick Dragotta comme artiste, Snyder s'en donne à coeur joie. Le dessinateur fait son grand retour après avoir accompagné Hickman sur East of West et réalisé son propre creator-owned (Ghost Cage). Personne mieux que Dragotta n'a mieux intégré les codes visuels de la narration des mangas pour les associer à ceux des comics super-héroïques.

Ce qui aboutit à des scènes d'action d'une sauvagerie dingue, mais qui surtout servent le côté le plus absurde, le plus radical, le plus caricatural du projet. Tout est disproportionné sous son crayon : la Batmobile en est la meilleure illustration (voir plus haut). Et on comprend bien la référence : c'est The Dark Knight returns de Frank Miller.

Tout ça est donc d'un goût douteux mais parfaitement assumé. Et si on accepte la règle du jeu, ça débouche sur de vrais éclats de rire, pas pour s'en moquer, mais parce que c'est authentiquement drôle. Une scène résume ça idéalement quand Batman s'abat sur le yacht de Black Mask et affronte ses gardes, dont un gamin qu'il finit par jeter à l'eau comme s'il frappait dans un ballon de foot (voir plus haut). Impossible de ne pas s'esclaffer.

Reste à savoir où Snyder va avec ça. Sur le quatrième épisode, Dragotta fait une pause (parce que le premier chapitre fait quarante pages quand même) et il est remplacé par Gabriel Hernandez Walta. Je n'aime pas du tout son style et franchement, ça jure avec le reste. C'est aussi l'épisode le moins fun, le moins intéressant (une sorte d'origin story laborieuse).

Il faudra gérer les coups de pompe inévitables de Dragotta (bonne nouvelle, les épisodes 7 et 8 sont dessinés par Marcos Martin, fill-in super luxueux). Mais aussi décider si la série va persévérer dans cette tonalité délirante, ou se calmer un peu et s'adapter. C'est à la fois le charme et la limite du projet de Snyder : un Batman rock'n'roll, voire hard rock. Mais qui gagnerait à avoir quelques ballades.

P.S. : Comme Wonder Woman et SupermanAbsolute Batman tome 1 sortira en France chez Urban Comics fin Mai, bien avant les trade paperbacks en vo. Ces trois tomes sont recommandables, même si vous n'êtes pas obligés de tous les acheter le même jour et si, pour l'instant, toutes les histoires sont assez déconnectées. Espérons tout de même qu'on aura droit aussi à Martian Manhunter, voire Flash, en vf à l'avenir (surtout le martien !).

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