mardi 29 avril 2025

ABSOLUTE WONDER WOMAN, TOME 1 : LA DERNIERE AMAZONE (Kelly Thompson / Hayden Sherman)


ABSOLUTE WONDER WOMAN, TOME 1 : LA DERNIERE AMAZONE
(Absolute Wonder Woman #1-5)


Dernière née des amazones mais prise à son peuple par Zeus qui voulait les punir de leurs crimes contre les dieux, Diana est confiée par Apollon à la sorcière Circé bannie en enfer. Celle-ci l'élève sans pouvoir lui dire d'où elle vient (car Apollon a banni le mot "amazone"). Devenue une jeune femme, Diana se pose des questions sur ses origines et elle se documente dans la bibliothèque de sa mère adoptive pour connaître la vérité.


Elle trouve un jour sur les rives de l'île sauvage où elle vit seule avec Circé Steve Trevor, un militaire américain mort au combat. Pour le renvoyer dans le monde des vivants, Diana consent un terrible sacrifice. Hécate informe Circé du destin de sa protégée et la sorcière lui confectionne un lasso aux propriétés bien particulières.


Diana apparaît dans notre monde lorsque des monstres surgissent sur la plage de Gateway City. Mais elle prévient l'armée sur place que ces créatures annoncent l'arrivée du Tétracide, une entité terrifiante qu'elle va tenter de repousser sans garantie de réussir. La population doit être évacuée. Steve Trevor refuse de la laisser se battre seule...


De toutes les séries Absolute, celle-ci était celle que j'abordai avec le plus de méfiance. En cause : le fait qu'elle soit écrite par Kelly Thompson, qui m'a tant déçu avec Birds of Prey, et dont la bibliographie contient finalement peu de franches réussites, en dehors de son run sur Hawkeye et sur Captain Marvel.


A l'origine, Absolute Wonder Woman ne devait d'ailleurs pas revenir à Thompson puisque Scott Snyder avait accepté de lancer cette collection en signant les aventures revisitées de l'amazone. Mais DC préférait qu'il pilote aux destinées de Batman, personnage qu'il a marqué de son empreinte lors des New 52 et qui est le fer de lance de cet univers.

Snyder a accepté et le projet est revenu à Kelly Thompson qui, forte du succès commercial de Birds of Prey, avait la confiance de l'éditeur. C'est un sacré défi car, en face, dans sa version classique, l'amazone jouit d'un net regain de forme grâce à sa série désormais écrite par Tom King, dans un run tout à fait formidable.

Après le Martian Manhunter psychédélique de Deniz Camp et Javier Rodriguez et le Superman immigré en colère de Jason Aaron et Rafa Sandoval, Kelly Thompson inscrit donc Diana dans une veine encore différente, sans doute la plus super héroïque du lot. Et pour ce faire, elle choisit de renverser les valeurs associées au personnage.

La gamme Absolute, c'est la volonté de dépouiller les héros iconiques de DC de leurs symboles : Batman n'est pas un riche héritier, Superman pas un alien élevé avec amour au Kansas, le Limier Martien par un vrai martien téléporté accidentellement sur Terre, Green Lantern pas un flic de l'espace. Wonder Woman sera, elle, la dernière amazone, littéralement.

On apprend donc qu'elle a été retirée à son peuple par Zeus et remise par Apollon à Circé bannie en enfer. Cette dernière vit sur une île hostile et désolée et reçoit le nourrisson sans enthousiasme. Un serpent est tout prêt à en faire son repas quand le bébé le repousse avec énergie. La magicienne est épatée par ce geste et, progressivement, va se laisser gagner par l'amour maternel.

Kelly Thompson organise chacun des cinq épisodes qui forment ce premier arc narratif en opérant des allers-retours fréquents entre passé et présent. Les flashbacks occupent pratiquement la moitié de chaque chapitre, un peu à la manière de ce qu'a fait Jason Aaron avec Krypton sur Absolute Superman, façon de dire que c'est là que s'est forgé le personnage.

Et comme Aaron a réussi à rendre ces passages sur Krypton passionnants, Thompson écrit avec inspiration ces moments en enfer en développant subtilement la relation entre Circé et Diana, duo improbable qu'elle rend attachant. Le minimalisme du décor, la difficulté de survivre dans pareil environnement, font presque penser à du Bergman.

Thompson évite aussi de sombrer dans un sentimentalisme facile quand apparaît Steve Trevor, suggérant l'amour que le militaire éveille chez la jeune Diana sans jamais qu'elle se déclare (et idem pour Trevor). Hécate est également là, mais très en retrait, à la fois comme une présence qui guide et qui inquiète. 

Puis, au temps présent, Thompson montre le combat spectaculaire que va mener Wonder Woman contre des monstres et leur maître, le Tétracide. Sur ce plan, la scénariste se montre moins probante, renouant avec ses marottes (les créatures gigantesques et menaçantes) dont elle peuple chacune de ses séries régulièrement. Néanmoins, la toute fin du cinquième numéro laisse espérer une suite moins convenue.

Toutes les séries Absolute bénéficient de dessinateurs haut de gamme, ce qui prouve que DC a décidé de mettre le paquet pour que cette collection séduise. Et je dois avouer que, ne connaissant pas son travail jusqu'alors, la prestation de Hayden Sherman m'a impressionnée et hisse à un niveau inespérée ce titre en la dotant de découpages audacieux.

Il n'est pas difficile de deviner que Sherman a dû beaucoup lire Promethea de Alan Moore et J.H. Williams III tant ses compositions font penser à celles de l'artiste de Batwoman et plus récemment Echolands. Les cases prennent des formes plus insensées les unes que les autres, la page devient elle-même une toile dans laquelle la vignette est un graphe.

On peut bien entendu trouver le procédé un peu artificiel et c'est vrai que parfois Sherman semble un peu trop vouloir épater la galerie. Mais dans l'ensemble, c'est vraiment bluffant car toujours lisible. Là où ça fonctionne le mieux, c'est quand l'artiste marque un contraste net entre les scènes en enfer et celles à Gateway City.

Il aurait d'ailleurs, à mon sens, été préférable que ces deux temporalités soient plus distinctes dans leur découpage pour que les effets de mise en scène soient mieux valorisés. On assiste par exemple sur trois pages à l'enfance puis l'adolescence de Diana dans la grotte de Circé, entièrement avec des cases occupant toute la largeur de la bande, avant des affrontements sur la plage de Gateway City, servis par des cadres de toutes dimensions et formes.

La simplicité d'un côté, la sophistication de l'autre montrent l'abattage de Sherman et son intelligence pour représenter deux ambiances, deux époques. Alors que quand il traite à l'identique ces deux parties, l'émotion n'est pas la même et se dilue. Mais le trait fin, expressif, évocateur de l'artiste suffit à faire d'Absolute Wonder Woman une bien belle BD, avec les couleurs nuancées de Jordie Bellaire.

Avec son look digne de Mad Max : Furiosa (tatouages, cuir), son énorme épée (digne de celle de Magik chez Marvel) et son cheval Pégase (sublime design), cette Diana détonne mais plutôt dans le bon sens. Kelly Thompson est bien plus à son avantage et Hayden Sherman est une vraie révélation. A suivre donc.

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