jeudi 8 mai 2025

THE AMAZING SPIDER-MAN #3 (Joe Kelly / Pepe Larraz)


Après avoir empêché Itsy-Bitsy de tuer le Rhino dans l'asile Ravencroft, Spider-Man est toujours sujet à des hallucinations. Qui a pu l'empoisonner comme le Rhino ? Grâce à Norman Osborn et Brian Nehring, Peter tient une piste solide qui le conduit à une usine d'embouteillage de soda...


Il y a des épisodes, comme celui-ci, dont je ne sais jamais trop quoi penser. Ils sont utiles dans la progression de l'intrigue, bien exécutés aussi bien du point de vue narratif que visuel, et pourtant une fois lus, malgré le plaisir pris, on n'en retient pas grand-chose. C'est l'archétype de l'épisode de transition, celui qui sert de lien entre le début de l'arc et sa fin.


Joe Kelly a du métier et il sait au moins accrocher le lecteur, menant son récit en évitant que celui qui le suit ne s'ennuie jamais. C'est parfaitement conçu. Mais il n'empêche que toue l'expérience du monde ne procure pas ce petit frisson délicieux qui accompagne l'aventure du héros. Il faut donc attendre l'ultime page pour qu'on soit saisi.


Est-ce le cas ici ? Pas vraiment car, de manière curieuse, Kelly a choisi, dès le premier épisode de son run, de nous dévoiler l'identité du méchant derrière toute l'affaire qui occupe Spider-Man. Bon, je ne vais pas vous le dévoiler puisque j'ai un temps d'avance sur ceux qui attendront la vf, mais c'est tout de même un peu ballot.


D'autant plus que ce méchant n'a absolument rien de novateur, c'est un vieil adversaire de Spider-Man. Mais ce n'est pas Norman Osborn ni le Bouffon Vert. Pas non plus Doctor Octopus ou Kraven ou le Lézard. Un indice, très vague ? Il est apparu durant les années 80 dans les épisodes écrits par Tom de Falco et dessinés par Ron Frenz, qui figurent parmi mes préférés.

Vous n'êtes pas plus avancés, mais j'ai surtout le sentiment que Kelly garde ses cartouches pour son prochain arc, qui verra l'entrée en scène d'un vilain inédit et qui, a-t-il promis, va mettre sa misère contre le tisseur. Problème : ce sera dessiné par John Romita Jr. et bon, vu la forme qu'affiche le vétéran depuis un bail maintenant, ça n'a rien d'engageant.

Pourquoi alors Joe Kelly n'a-t-il pas démarré son run avec un méchant inédit et l'assurance qu'il allait en faire voir de toutes les couleurs à Spidey, en ayant qui plus est Pepe Larraz au dessin ? Mystère. Mais c'est frustrant. Non que ce qu'on lit actuellement soit mauvais, mais quitte à relancer une série, et à annoncer un ennemi costaud, le scénariste a peut-être péché par excès de prudence.

En vérité, ce qui est le plus amusant dans cet épisode-ci, ce sont les flashbacks sur le jeune Peter Parker, qui justifient que tante May ne soit pas ravie que son filleul fréquente à nouveau Brian Nehring. En effet, les deux garçons ont fait les 400 coups dans leur jeunesse et Peter affichait une forme d'insolence inédite (qui sent quand même très fort la retcon).

Mais Kelly joue aussi sur la véracité de ces flashbacks. Sont-ils des souvenirs réels ? Ou déformés par l'empoisonnement de Peter, ses hallucinations ? Tant qu'à faire, il aurait été amusant d'aller jusqu'au bout de ce (petit) délire révisionniste en montrant un Peter jeune garçon rebelle sous l'influence de l'intoxication subie par Spider-Man.

Reste la partie graphique et elle est éblouissante. Rien à redire sur ce plan : les planches de Pepe Larraz sont magnifiques, pleines d'une énergie contagieuse, avec des angles de vue, des compositions, un découpage hyper tonique. Le niveau du bonhomme dope la série comme elle l'a rarement été. Et jette un coup de projecteur sur la production actuelle de Marvel...

Je veux dire par là que le niveau des artistes chez Marvel actuellement est globalement médiocre. Il n'est vraiment pas difficile de voir qui sort du lot, mais le dessin de Larraz a quelque chose de classieux, de majestueux, qui prouve qu'il a appris, qu'il a mûri, mais surtout qu'il possédait le potentiel pour en arriver là. 

Qui peut en dire autant chez Marvel parmi ses collègues ? Il y a des dessinateurs compétents (encore heureux), mais très peu qui soient capables de provoquer chez le lecteur cette espèce d'émerveillement. Quand on lit une planche de Larraz, on est ébahi par son aisance et sa virtuosité. Il ne boxe tout simplement pas dans la même catégorie que la majorité.

Je crois aussi que ça en dit long sur ce que le lecteur attend aujourd'hui d'un dessinateur. Certains fans se fichent du dessin pourvu que ça soit simplement lisible et c'est pourquoi ils acceptent de lire des comics même pas franchement bien mis en images. Les autres désirent quelque chose de graphiquement supérieur. Les premiers sont prêts à boire de la piquette quand les seconds veulent un grand cru.

Et je me rappelle que quand j'ai commencé à lire des comics, dans les années 80, ça ne se posait pas en ces termes. Il me semble, mais peut-être que j'idéalise, que le niveau des artistes étaient plus homogènes. En tout cas, plus objectivement on avait des dessinateurs mieux formés à l'art séquentiel et qui, même sans forcément briller, savaient raconter visuellement une histoire.

On pouvait avoir d'excellents "techniciens" comme Sal Buscema, des storytellers nés comme John Byrne, et des stylistes comme Frank Miller.  Depuis le début des années 2000, il me semble que les lecteurs ont exigé davantage, dans le rendu des décors, l'expressivité des personnages, l'esthétisme (lumières, ombres, ambiances). Et cela a créé un vrai fossé artistique.

Désormais il y a ceux qui sont capables d'assumer ces exigences, mais souvent au prix d'une productivité moindre (c'est le cas de Larraz, qui ne peut enchaîner plus de cinq épisodes). Et il y a ceux qui sacrifient ces exigences pour tenir les délais, quand il ne s'agit pas d'obscurs griffonneurs qui produisent des planches sans aucune ambition artistique.

Chez Marvel, on assiste actuellement à une véritable invasion italienne, voulue par C.B. Cebulski, qui ne s'est pas caché en disant qu'il faisait son marché de l'autre côté des Alpes. Mais Cebulski ne paraît plus avoir le flair (ou l'envie) de recruter les meilleurs. Larraz, lui, semble le dernier représentant de la vague espagnole d'il y a quelques années, avec un vrai bagage technique et une volonté de progresser.

Marvel l'a couvé comme peu de ses pairs, et depuis House of X, il a atteint les cimes promises aux meilleurs. Je l'ai déjà dit, mais le jour où il réussira à enchaîner plus de cinq épisodes sans perdre en rigueur, il sera de la trempe des cadors - si tant est que cette ambition anime encore les artistes comme elle motivait Stuart Immonen quand il racontait que, devenu professionnel, sa première règle était devenue de rendre toujours ses pages à l'heure tout en s'adaptant à chaque projet.

Immonen a pas mal dessiné Spider-Man (dans sa version Ultimate et un peu dans sa version classique, à la fin du run de Dan Slott). Larraz veut lui aussi s'installer sur la série du tisseur. Il devra donc être aussi régulier dans l'excellence. Et espérer que les scripts de Joe Kelly soient à la hauteur de ceux de Slott... A vérifier le mois prochain avec un épisode qui promet beaucoup d'action.

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