mercredi 7 mai 2025

JSA #7 (Jeff Lemire / Rafael de Latorre)


La JSA au grand complet est présente pour les funérailles de Ted Grant/Wildcat au cours desquelles Jay Garrick/Flash prononce l'éloge funèbre de son ami et partenaire. Ce décès met à jour plusieurs crises existentielles parmi les membres. Quand à la Justice League, elle offre son aide pour arrêter les assassins...


Alors, oui, je spoile la mort de Ted Grant, mais en même temps la couverture (signée Jorge Fornes) de ce septième épisode le fait à ma place. J'ai toujours du mal à comprendre quand un éditeur fait ça : est-ce en accord avec le scénariste ? Et si oui, le scénariste, ici en l'occurrence Jeff Lemire, l'accepte-t-il pour nous mener sur une fausse piste ?


Car Wildcat a neuf vies et s'il en a usé pas mal durant le volume de la série lorsqu'elle était écrite par James Robinson et David Goyer (puis Geoff Johns), c'était il y a un moment, avant les New 52 et DC Rebirth et je doute que ce soit encore valide aujourd'hui. Pour ma part, j'ose espérer que Ted Grant n'est pas vraiment mort car j'adore ce personnage.


Mais plutôt que de miser là-dessus, concentrons-nous sur le contenu de cet épisode. C'est sans nul doute le plus sobre et en même temps le plus habile qu'ait livré Jeff Lemire depuis le début. A part la dernière scène, tout se passe entre les quatre murs du Brownstone de la JSA et le scénariste examine l'impact de la disparition de Ted Grant sur l'équipe.
 

Tout s'ouvre donc par l'éloge funèbre prononcée par Jay Garrick qui, finalement, n'est pas le passage le plus inspiré, Lemire se contentant d'un hommage vite expédié auquel manque une vraie touche d'émotion, des mots plus touchants, comme si ce qui se passait après l'intéressait davantage. Et ça tombe bien, c'est le cas et il se montre plus inspiré.

On a d'abord droit à une scène entre Power Girl, Yolanda Montez ( Wildcat II) et Tommy Bronson (le fils de Ted Grant). La question de la perpétuation de l'héritage de Ted et au centre des dialogues : Yolanda a récemment tué, dans un accès de colère, un agent de Kobra (curieusement sans que cela ne débouche sur un quelconque procès en interne ou au fait qu'elle soit livrée à la police, ce qui est quand même léger)...

... Et elle ne se sent plus de porter cet alias, le costume, le masque, estimant (à raison) avoir trahi ce qu'ils représentaient, celui qui les portait le premier. Elle pense que cela revient maintenant à Tom Bronson, mais celui-ci s'est retiré de la vie super héroïque (ce qui indique que cette JSA prend bien en compte les éléments pré-New 52 de la série, quand "TomCat" avait intégré l'équipe).

Lemire montre avec pertinence le problème qui se pose avec Yolanda et j'espère qu'il n'en restera pas là avec elle, parce que ce qu'elle a fait, ce n'est pas seulement salir le nom de Wildcat, c'est commettre l'impardonnable en tuant et je ne comprendrai pas que la JSA conserve dans ses rangs une criminelle.

Ensuite, Lemire passe au couple Hourman - Jessie Quick : cette dernière annonce qu'elle a besoin de faire un break conjugal parce qu'elle a compris avec la mort de Ted qu'elle devait apprendre à s'émanciper (de ses parents, de son mari). Evidemment, pour Hourman, la pilule passe mal. Pour le lecteur aussi, reconnaissons-le, parce qu'on ne saisit pas ce qui cloche dans le couple qui, depuis le début du run de Lemire, paraît ne plus fonctionner sans qu'on nous ait expliqué pourquoi.

J'ai la nette impression que Lemire, sur ce plan-là, soit a été un peu trop évasif, soit cache des infos au lecteur (admettons que Jessie soit manipulée mentalement par un membre de l'Injustice Society, ça expliquerait beaucoup de choses sur le malaise entre elle et Hourman et ça pourrait faire partie du plan des méchants pour faire imploser l'équipe). On verra.

Dans un troisième temps, Lemire revient au duo Sand -Jade et sur la conviction de cette dernière qu'il y a un traître dans l'équipe. Je l'ai déjà dit auparavant mais sur ce point précis, je trouve que Lemire est maladroit : il est évident qu'il y a un traître, le lecteur le sait, il sait qui c'est, et du fait de ce décalage entre ce que sait le lecteur et ce qu'ignorent les héros, ces derniers apparaissent comme peu perspicaces, voire idiots.

Et à mon avis on touche là du doigt la limite du dispositif mis en place par le scénariste qui en ayant voulu animer un casting très fourni a omis de les caractériser avec soin. On le voit avec Hourman et Jessie Quick dont on ne comprend pas la crise conjugale, et plus encore avec cette affaire de traître qui aurait dû occuper plus de place mais qui a été noyée dans les péripéties périphériques à cause du nombre de personnages.

En vérité, il faut attendre la dernière grande scène de l'épisode pour que Lemire renoue avec ce qu'il peut faire de mieux : l'arrivée de la Trinité de la JLU (Superman, Wonder Woman et Batman) va provoquer une tension bien exposée et traitée quand ils veulent délester la JSA de l'arrestation de l'Injustice Society.

Et la réponse est : "Non. On règle ça en famille". Non seulement, ça permet, pour la première fois, de pointer du doigt que la JSA ne fait partie de la JLU, elle est une formation à part entière, indépendante. Mais aussi que, avec le retour de Alan Scott et Jay Garrick, les patrons reprennent la main sur leur équipe, leurs affaires. Et ça, c'est très bien vu, bien envoyé. (J'aurai aimé qu'on ait une scène comme ça aussi dans la série Titans.)

Les dessins de cet épisode sont assurés par un nouveau fill-in et une fois de plus, il est de qualité. Rafael de Latorre sort juste de la mini-série Le Pingouin écrite par Tom King (et avant cela il avait été remarquable en suppléant de Marco Checchetto sur Daredevil par Chip Zdarsky). Et il rend une excellent copie, surtout pour un numéro sans action spectaculaire.

C'est presque un problème de riches que les fill-in de la série soient si bons parce que Diego Olortegui est impeccable, mais des dessinateurs comme Joey Vasquez ou Rafael de Latorre méritent mieux que ces places de remplaçants. Pour être juste avec eux, il faudrait qu'ils aient le droit de signer un arc entier.

L'épisode se termine sur un cliffhanger efficace, accrocheur. De quoi, malgré des défauts de la part de Lemire, donner envie d'y revenir. JSA n'est pas du tout une mauvaise série, ou une déception, mais elle comporte des lacunes étranges de la part d'un auteur aussi expérimenté.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire