L'agent John Jones fait désormais confiance au Martien et il a bien besoin de ce partenaire invisible aux yeux des autres dans une affaire inquiétante concernant des immolations par le feu en divers endroits de la ville, toutes commises en même temps par des suspects différents. Mais l'étrangeté du comportement de John est remarqué par sa femme, Bridget...
Il me reste encore une sortie à commenter dans celles de cette semaine, mais j'en parlerai demain. Pour aujourd'hui, je ne pouvais plus me retenir de vous parler de ma série préférée actuellement (au moins chez les Big Two) avec le troisième épisode de Absolute Martian Manhunter. Mais ce n'est pas seulement, à vrai dire, ma série préférée...
En fait c'est, sans discussion, la meilleure série actuelle (au moins chez les Big Two - bis), parce que ce qu'accomplissent là Deniz Camp et Javier Rodriguez est simplement phénoménal. Imaginez que vous aimiez surtout les histoires de super-héros : celle-ci est la plus originale et de loin. Et si vous préférez les comics indés : celui-ci est aussi le plus original et de loin - bis.
Vous pouvez apprécier Absolute Martian Manhunter comme un polar fantastique : dans cet épisode, John Jones et le Martien s'occupent d'un étrange et sinistre affaire où des sans-abri d'abord puis d'autres victimes sont brûlés vifs, dans la rue ou chez eux. Ces crimes sont commis en même temps par des personnes différents en divers points de la ville.
Pour l'inspecteur Mayweather, chargé de l'enquête, il s'agit de crimes ignobles sans motif sinon que ceux qui les commettent sont fous dans une époque elle-même folle. Il en conçoit à la fois du dégoût, de la colère, de la frustration. Pour l'agent Jones et son partenaire, la vérité est littéralement ailleurs puisqu'ils perçoivent la réalité différemment et voient donc que tout ça n'est pas résumable à de la folie.
La fin de l'épisode, que je ne vais pas spoiler, entraîne la série vers une suite qui lui donne une nouvelle dimension, avec l'émergence d'un ennemi appelé à prendre de plus en plus d'importance. Il s'agit de la manifestation d'un adversaire connu du Limier Martien dans l'univers classique mais ici réinterprétée de la manière la plus flippante qui soit parce qu'insaisissable.
Au passage Deniz Camp revisite aussi le Martien : dans l'univers classique, J'onn J'onzz a peur du feu, mais pas ici. Par contre il sait qui attaque et cela lui fait craindre le pire à venir. C'est la première fois que cela se produit. Et comme sa relation avec John Jones a déjà beaucoup évolué, l'agent du FBI acceptant désormais ce compagnonnage bizarre, l'appréhension du Martien prend un autre relief.
La série emprunte la direction d'un buddy comic-book des plus inattendus et imprévisibles. Cela permet au lecteur de s'accrocher à une forme de récit, de quasi-genre, familier (car souvent vu au cinéma notamment), tout en laissant une bonne marge de manoeuvre au scénario pour continuer à surprendre, à désorienter.
Et cette désorientation s'opère par la marge. En effet, si personne à part John Jones ne voit le Martien, il interagit physiquement avec lui et parfois son comportement s'en ressent quand il est entouré ou observé. Lorsque sa femme, Bridget, le voit rentrer du boulot, elle le regarde en train de se déplacer bizarrement (parce qu'il converse avec le Martien) et cela la déconcerte.
Deniz Camp montre très subtilement ces décalages et comment ils s'expriment chez ceux qui entourent Jones. Pour l'inspecteur Mayweather, cela passe d'abord par une sorte de mépris (celui du flic face à un agent du FBI puis vis-à-vis d'un agent qui agit de façon vraiment curieuse). Pour Bridget, cela passe par une forme d'inquiétude et de lassitude, voyant son mari distant.
Tout cela serait gâché sans la traduction visuelle qu'en fait Javier Rodriguez. Chaque page est une mine d'idées graphiques et comme il assume dessin et colorisation, l'effet produit est maximal. Le climat du récit est à la fois absurde, presque comique parfois, et en même temps constamment à la limite. C'est un vrai travail d'équilibriste.
Il y a des gimmicks dans cette série qui deviennent familiers (comme la fumée qui donne un sens à la pensée d'autrui), mais jamais Rodriguez ne s'appuie dessus pour en tirer des effets faciles. C'est en permanence inattendu, parfois cryptique. Et à côté de ça, il est aussi capable de compositions d'une élégance formelle extraordinaire (comme quand Jones rentre chez lui, est dans son salon, monte dans la chambre de son fils).
Avec peu, Rodriguez fait toujours beaucoup. Et quand il charge ses images, il ne sature jamais la lecture, tout reste fluide, précis, facile à suivre. La séquence où Jones et le Martien foncent bille en tête dans un immeuble en proie aux flammes est un festival pour résumer la raison pour laquelle ceux qui s'y trouvent y sont et en même temps donner une intensité dingue au sauvetage en cours.
Je l'ai déjà dit, mais Absolute Martian Manhunter, c'est le meilleur des deux mondes de la BD US : une audace de tous les instants mais aussi une accessibilité immédiate. Les auteurs ne claquent jamais la porte au nez du lecteur, soucieux de lui offrir un divertissement abordable. Mais en même temps ils le font avec une audace, une imagination qui est très stimulante, repousse les limites du média comics.
C'est assurément, déjà, la série de l'année, et un instant-classic. Si Urban Comics ne le traduit pas, ce sera vraiment un scandale.
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