A Samsara, Mitch Shelley raconte à son double venu d'une autre dimension comment, à la fin de la seconde guerre mondiale, il s'est fait un ami d'un soldat indien, Ashar Singh, mort dans des circonstances affreuses mais après lui avoir promis d'annoncer son décès à sa famille. Puis, plus tard, il a rencontré le super-héros Atom qui lui a confié la mission de protéger une scientifique...
Ce ne sera pas vraiment une critique de l'épisode que je vais écrire. Non pas qu'il ne le mérite pas, au contraire : pour aller vite, Resurrection Man : Quantum Karma #2 explore avec beaucoup de sensibilité le thème du deuil par le prisme d'un individu qui revient constamment à la vie et est donc confronté à la disparition de ceux qu'il aime.
Il y a dans cet épisode des moments bouleversants et l'écriture, sensible, pudique, de Ram V en fait des passages de toute beauté. Encore une fois, si vous avez aimé Toutes les morts de Laila Starr, vous avez de grandes chances d'être touché par cette série, bien qu'elle aborde des sujets similaires d'une manière complètement différentes.
Ram V s'impose pour moi comme un auteur qui, à l'instar d'un Jonathan Hickman, réussit l'exploit d'aborder les genres avec une touche très personnelle, avec une philosophie existentielle très singulière. Hickman est plus un world-builder alors que Ram V excelle dans le character's driven, mais tous deux ont cette façon d'appréhender l'histoire sous un angle unique et immédiatement identifiable.
Ce qui les réunit vraiment, c'est le rapport au temps, et au temps long spécialement. Ici, Ram V nous balade dans le passé puis dans le futur (jusqu'en 2046, le temps d'une séquence poignante, avec une métaphore sur le destin, les marionnettes, vraiment inspirée). Et c'est dans cette appréciation du temps qu'on mesure ce qui affecte les personnages, ce qui façonne leur destin, ce qui orchestre les coïncidences.
Ajoutez-y les planches de Anand RK dont le style est à la fois bizarre et beau, ne ressemblant à rien de connu et embrassant l'étrangeté avec une élégance étonnante, avec des couleurs extraordinaires (et je pèse mes mots) de Mike Spicer... Et vous obtenez un comic-book à nul autre pareil. C'est une expérience, c'est expérimental d'ailleurs, mais si vous aimez voyager, alors vous serez servi.
Bon, finalement, il y a quand une critique pour cet épisode.
Mais l'autre partie dont je voulais parler est toute autre. Jackson "Butch" Guice vient de nous quitter, à l'âge de 63 ans. C'était, avec Dan Abnett, le co-créateur de Resurrection Man, et il avait accepté de revenir sur ce personnage à l'occasion de cette mini-série en signant la première page de chaque épisode.
J'ignore s'il a eu le temps d'en réaliser six, j'en doute. Je sais qu'il sera encore là le mois prochain, mais après, je ne sais pas. Il est mort d'une pneumonie qui s'est aggravée après avoir été pourtant soignée avec succès. Mais il a été réhospitalisé et n'a pas survécu à une rechute. DC n'a pas eu le temps de lui rendre hommage dans ce numéro mais gageons que ce sera le cas au prochain.
Ram V a salué sa mémoire et lui a dédié ce numéro et les suivants. Je n'oserai parler de coïncidence mais c'est troublant qu'il soit parti en dessinant Resurrection Man, un héros qui ne peut pas mourir et qui le vit comme une sorte de croix, de malédiction, qui estime même que ce pouvoir ne lui a pas permis d'améliorer le monde au gré de ses aventures.
J'aimai beaucoup Butch Guice : il a eu une carrière prolifique démarrée dans les années 80 sur la série Micronauts de Bill Mantlo. Il a fait la navette constamment entre Marvel et DC, il a aussi travaillé en Europe (sa dernière vraie série était d'ailleurs française, Amber Blake - pas très bonne, mais formidablement dessinée), puis chez des indépendants.
Ce qu'on sait moins et ce dont je ne me suis rendu compte récemment, c'est le volume de sa bibliographie. Il dessinait souvent deux séries en même temps, plus les couvertures, et s'encrait lui-même quand on le lui permettait. D'ailleurs, il a aussi encré d'autres artistes, comme Bryan Hitch par exemple.
Comme l'avait raconté Mark Waid à propos de Mike Wieringo quand ce dernier est parti, il semblait toujours avoir peur de ne plus trouver de travail et donc il acceptait parfois des jobs qui ne le comblait pas mais le rassurait. Je crois que Guice était comme ça aussi : il n'a jamais été une star, mais un artisan, boulimique, détestant le vide.
Et ça lui a permis d'inspirer beaucoup de monde, d'aider beaucoup d'amis. Il a collaboré avec des auteurs qui, sans lui, étaient parfois dans la sauce (comme Chuck Dixon), il a mis le pied à l'étrier d'autres artistes (comme Kelley Jones ou Mike Perkins), et les éditeurs savaient qu'ils pouvaient compter sur sa ponctualité, son professionnalisme.
Quand j'ai démarré ce blog, contrairement au précédent que je tenais, je m'étais posé comme règle de ne plus faire d'hommage quand un auteur/artiste disparaissait. Mais j'aimai ce que faisait Butch Guice, sa personnalité, son style, sa longévité, sa régularité. Et parler de ce n° de Resurrection Man : Quantum Karma sans l'évoquer était impensable.
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