BLACK CANARY : BEST OF THE BEST
(#1-6)
Black Canary a accepté d'affronter Lady Shiva à Las Vegas pour savoir qui est la meilleure combattante à mains nues de l'univers. Le match comptera six rounds et les deux adversaires ont accepté que l'issue soit fatale au vaincu sans poursuite judiciaire mais avec une récompense financière au terme de la rencontre. Dinah Lance va chez sa mère pour s'entraîner, seule avec elle, car elle refuse l'aide de Ted Grant/Wildcat ou tout autre super-héros.
Durant les jours qui précédent le combat, Dinah subit des exercices intensifs. Sa mère souffre d'un cancer en stade terminal mais refuse d'aborder le sujet. La fille se souvient du passé héroïque de sa mère, même si elle s'inquiétait de ne pas la voir revenir d'une mission et que son père la rassurait. Aujourd'hui, la mère demande à sa fille d'honorer son héritage en gagnant le match.
Dinah se souvient aussi de sa première rencontre avec Oliver Queen/Green Arrow dans la salle d'entraînement de Ted Grant, bien avant qu'ils ne deviennent amants puis époux. Puis des premières missions où elle a accompagnées sa mère en constatant, toutes deux, leurs différences d'appréciation sur la manière de rendre la justice... Le combat débute et d'entrée de jeu, Black Canary est dominée par Lady Shiva au point que le match tourne au jeu de massacre. Les amis de Dinah sont sidérés...
Tout d'abord, le recueil en vo paraîtra le 9 Septembre prochain. J'ignore si et quand Urban Comics le proposera, l'éditeur n'a toujours pas communiqué à ce sujet, mais je vois mal comment il ferait l'impasse sur du Tom King, une valeur sûre. Et c'est vrai que, sur le papier, l'affiche est alléchante : une mini en six épisodes, par un scénariste réputé, avec un dessinateur rare, au sujet d'une héroïne iconique...
Mais je dois bien avouer que, pour moi, ça a été une déception. J'avais lu le premier épisode à sa sortie et je n'avais pas accroché. Ne voulant pas subir la suite, j'avais alors décidé d'attendre la fin de la parution pour lire tout ça d'une traite et voir si mon avis avait changé. Et ça n'a pas été le cas. C'est même, certainement, le pire truc que j'ai lu écrit par Tom King.
On peut dire qu'il n'y a jamais de mauvais moments pour sortir une série, mais Black Canary partait quand même avec un handicap sérieux en sortant après Do a Powerbomb ! de Daniel Warren Johnson, pour lequel j'avais été déjà été mitigé, mais qui s'avère cent fois mieux que Black Canary : Best of the Best.
Quel rapport entre ces deux histoires ? Principalement le fait qu'une partie du récit repose sur un combat au féminin, qui évoque beaucoup le catch, même si ici c'est mélangé avec des arts martiaux, de la boxe et tout un tas d'autres techniques que je connais pas. Comme dans la mini de DWJ, on va assister à des raclées d'anthologie.
Le scénario alterne donc les six rounds du match opposant Black Canary à Lady Shiva avec des flashbacks. Les plus récents remontent à quelques jours avant l'affrontement, quand Dinah est entraînée par sa mère (la première Black Canary, de l'âge d'or), et reçoit la visite de Batman, jusqu'à l'enfance de Dinah quand sa mère était encore une super-héroïne, puis qu'elle lui a succédée après avoir été entraînée par Ted Grant / Wildcat et avoir rencontré Oliver Queen / Green Arrow.
Tom King a une bibliographie majoritairement porté sur les super-héros : Batman, Mister Miracle, Human Target, Rorschach... Pourtant c'est un auteur qui, malgré ça, a toujours soigné les femmes, au point d'en faire des personnages aussi importants : Catwoman, Big barda, Ice... Et bien sûr Supegirl : Woman of Tomorrow. Ou Helen of Wyndhorn.
Donc, en aucun cas, on ne peut parler d'un auteur misogyne, masculiniste, viriliste, tant ses héros sont des hommes vulnérables et ses héroïnes des femmes fortes. Tout était donc là pour que Black Canary : Best of the Best lui inspire une histoire épatante, avec un background consistant et un argument narratif à la fois simple (le combat) et complexe (son passé de fille, épouse, justicière).
Mais alors pourquoi ça ne fonctionne pas ? Mais alors pas du tout. Les flashbacks étaient l'occasion de dire quelque chose d'inédit ou du moins d'étonnant sur Dinah Lance, et/ou sa mère. A la place, on a droit à une collection de scènes clichés qui ne révèlent rien de nouveau, de singulier, ni même de particulièrement émouvant.
Si vous voulez lire une bonne histoire sur (un avatar de) Black Canary, alors relisez les chapitres de Watchmen consacrés aux Spectres Soyeux : Alan Moore dissèque tout avec une acuité bien meilleure, bien plus pertinente, trouble et troublante, que les six épisodes que King a rédigés. Tout est là : la relation mère-fille, la difficulté de succéder à une mère héroïque, les amours contrariées...
C'est une comparaison d'autant plus cruelle que King a marché volontiers sur les plates-bandes de Moore en copiant son "gaufrier", en revisitant (habilement) Rorschach, en explorant la psyché des super-héros, etc. Mais là, King est renvoyé, c'est le cas de le dire, dans les cordes. Moore reste supérieur à sa piteuse tentative. Et de très loin.
Je ne dis pas par plaisir : je suis un fan de King depuis Grayson, mais je suis un lecteur honnête et un critique intègre, et là, il s'est planté dans les grandes largeurs. Tout sonne faux, creux, il n'a rien d'intéressant, de neuf à dire sur Black Canary. Mais les flashbacks ne sont qu'une partie du problème, et pas la plus accablante.
Je citais Do a Powerbomb ! pour son approche, sa mise en scène de combats exécutés par une héroïne. J'aurai dû surtout dire pour l'émotion que cette histoire exprimait, car Daniel Warren Johnson ne se contentait pas de bastons fantastiques, elles étaient le véhicule pour un récit initiatique, sur le deuil, une mère, sa fille, l'héritage.
Si on s'en tient au niveau visuel, la grande erreur ici, c'est d'avoir confié le dessin à Ryan Sook. Déjà qu'il ne signe pas beaucoup de pages intérieures (il s'est spécialisé dans les illustrations de couvertures), il n'a jamais été un narrateur graphique renversant. Et ce qu'il fait là le démontre. Car là où DWJ explose tout, Sook écrase tout.
Ses planches, son découpage, ses compositions, tout manque d'énergie, de relief. C'est d'une platitude, d'une faiblesse terribles. Tout ça manque terriblement de patate. Et on se retrouve à lire des pages et des pages où deux femmes se mettent sur la gueule sans génie. C'est même, disons-le tout net, pénible. Pas pénible au sens de poussif (quoique aussi), mais pénible au sens de dérangeant.
Quand on prend un artiste au style réaliste classique et dépourvu de tout dynamisme, l'effet immédiat est que chaque coup, chaque acte de violence deviennent dérangeant parce qu'il n'y pas de distance visuelle entre ce qui est montré et ce qui est vu. Donc à moins que le spectacle de deux femmes s'infligeant des sévices physiques abominables vous ravisse, vous allez être vite écoeuré.
Quand vous lisez Do a Powerbomb !, la démesure, l'exagération introduisent une distance naturelle et immédiate qui fait que la violence montrée est supportable et même fun parce qu'incroyable, caricaturale, outrancière. Quand vous lisez Black Canary : Best of the Best, c'est simplement insupportable.
Et je dois ajouter que c'est, à mes yeux, de mauvais goût. Quand on compte le nombre de féminicides, où des mecs sûrs de leur fait massacrent leurs femmes (ou les femmes en général) jusqu'à la mort, faire une série où le spectacle consiste à accumuler les scènes à la limite de la torture entre deux femmes n'a rien de fameux. C'est juste dégueulasse et déplacé.
Honnêtement, c'est difficile de tenir jusqu'au bout. Non pas parce que c'est la BD la plus violente que j'ai lue, mais parce que sa mise en images a quelque chose de profondément abject, obscène même. Quand Tom King, interrogé sur la raison pour laquelle la série ne faisait que six n° au lieu des douze qu'il apprécie tant, il n'a rien trouvé de mieux à répondre que : "douze rounds, ça aurait too much"...
Mais six rounds où deux femmes se massacrent, ça passe... C'est juste à gerber. Irresponsable. Je n'ai jamais aimé ça, je ne m'y ferai jamais. C'est ça, la violence gratuite. C'est ce qu'il y a de plus crétin. Et quand c'est fait comme ça, à dessein, ce n'est pas pour prouver quoi que ce soit sur la laideur de la violence. C'est juste complaisant. Et inexcusable par conséquent.
Je sais que certains ont trouvé la série poignante, touchante, subtile. On n'a juste pas dû lire la même. Mais le pire peut-être, c'est que Tom King soit tombé si bas, et pour ne rien dire. Pour une histoire putassière jusqu'au bout, n'assumant même pas un dénouement logique. Je ne vous recommande donc pas Black Canary : Best of the Best. Epargnez-vous ça : ça vous évitera des haut-le-coeur.
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