jeudi 27 février 2025

ULTIMATE SPIDER-MAN #14 (Jonathan Hickman / Marco Checchetto)


Putain d'épisode !


Oui, je sais, comme résumé, c'est très concis, mais honnêtement, je ne sais pas comment faire autrement. Parce que cet épisode est un chef d'oeuvre, rien de moins. Et au moment de vous en parler, je me rends compte de la difficulté de la tâche. Car, sans spoiler, ça va être dur. Mais il ne faut absolument pas que je spoile !


Et, si d'aventure, vous trainez sur Twitter, surtout, surtout ne cliquez pas sur un hashtag #UltimateSpiderMan ! Parce qu'il va y avoir des imbéciles qui, eux, spoileront et ce, malgré les suppliques de Marco Checchetto de ne rien révéler. C'est ainsi, il y a en ce bas monde des petits malins pour qui gâcher l'énorme surprise de cet épisode est amusant.


C'est surtout pour dire que, non, le spoiler ne concerne pas la première scène de l'épisode où Richard Parker se démasque devant Black Cat, puis ils s'échangent leur prénom, et devisent sur leur place dans le drame qui les a poussés à se rencontrer. On apprend aussi qu'ils ont le même âge. C'est une scène incroyable, extraordinaire, qui suffit à faire phosphorer n'importe quel fan.


Parce que, évidemment, Jonathan Hickman le fait exprès pour ça : cette rencontre est un générateur de fantasmes. Richard Parker et Felicia Hardy vont-ils devenir amis, voir plus. Ce serait encore une de ces variations qui inspire le scénariste depuis qu'il écrit la série, un de ces subtils décalages avec l'univers 616 et le Spider-Man classique.

Dire encore que Marco Checchetto dessine divinement Felicia Hardy est un doux euphémisme. Elle est renversante de beauté et de grâce, dans son justaucorps noirs, avec sa crinière bouclée, tandis que Richard Parker nous apparaît soudain moins comme le gamin de Peter Parker que comme un quasi post-ado spirituel et fûté, plein de charme aussi.

Avec ces quelques pages, Hickman et Checchetto nous emportent déjà loin. Mais ce n'est rien comparé à ce qui va suivre. On va retrouver Peter et Harry dans la Terre Sauvage, traqués par Kraven. On va revoir l'Homme-Taupe, Mysterio, des dinosaures, de moloïdes, une végétation luxuriante sous New York et une ambiance tendue à l'extrême. Une vraie chasse à l'homme.

Cette intensité est permanente jusqu'à la fin et la toute dernière page indique une direction absolument imprévisible pour la suite, loin de tout ce à quoi on pouvait s'attendre. Et, juste avant, il se sera passé quelque chose d'ahurissant, de choquant, de tragique. Et non, ce n'est pas la mort de Gwen Stacy dans l'univers Ultimate...

Quelque part, on ne va pas se le cacher, on lit des comics pour ce genre de moment, quand une série bascule vraiment dans une autre dimension, qu'il était impossible d'anticiper. Mais c'est le genre de moment qui n'arrive presque jamais parce que ça balaie tout sur son passage. Les treize mois de publication qui ont précédé, avec leurs hauts et leurs bas, sont balayés. Croyez-moi, je n'exagère pas !

Est-ce que ça excuse les moments un peu creux, un peu mous de la série ? Peut-être pas, parce que bon, il aura fallu de la patience. Comme je vous le confiais à la fin 2024, j'étais quasiment sur le point de lâcher l'affaire, découragé par ce que faisait Hickman, lui qui est capable de tellement mieux. Et je m'étais fixé deux-trois numéros de plus pour trancher. Pas plus.

Il fallait que ça bouge, il fallait que ça me remue. Et, bon dieu, je suis servi ! Non seulement depuis deux mois, Hickman a passé la seconde, mais là, il rue carrément dans les brancards et envoie tout valser. En termes d'impact, c'est équivalent à House of X/Powers of X, pas moins. On ne pourra plus lire Ultimate Spider-Man de la même façon désormais. La série est condamnée à aller ailleurs.

Checchetto aussi est passé à la vitesse supérieure : non pas en termes de volume (David Messina va continuer à le suppléer), mais c'est pour un épisode comme ça qu'on se rappelle qu'il faut le soutenir, ne pas lâcher même si on aimerait qu'il enchaîne, qu'il produise cinq, voire six numéros d'affilée. Mais, honnêtement, avec les planches qu'il sort là, impossible de lui en vouloir.

Pepe Larraz va bientôt dessiner Amazing Spider-Man, mais quand on voit ce que fait Checchetto, malgré tout le respect dû à Larraz, qui est un fabuleux dessinateur, Checchetto a une longueur d'avance. Dans cet épisode, on ne voit pas Peter en costume, et pourtant on a droit à des moments Spider-Man +++. Peter est en train de devenir le Tisseur, avec sa spécificité Ultimate.

Checchetto a ce génie pour les scènes d'action, ce mélange de nervosité et d'élégance dans le trait, cette vivacité tendue, elle n'a jamais été si bien exprimée depuis le début de la série. C'est époustouflant, c'est de la narration graphique de haut niveau, comme du Samnee. On lit des comics de super-héros pour ça, pour ressentir ça. C'est une émotion viscérale, indescriptible, jouissive.

J'ai souvent été surpris que Hickman, qui a relancé l'univers Ultimate, n'en soit pas aussi l'architecte, rôle qu'il a laissé à Deniz Camp. Mais cet épisode m'a instruit : Ultimate Spider-Man n'est peut-être pas destiné à s'intégrer au reste des héros de cet univers, à devenir un des Ultimates, à jouer les premiers rôles quand le Créateur sera libre à nouveau...

Je crois que Hickman a conçu son projet volontairement à la marge parce qu'il voulait que son Spider-Man, marié, père de famille, adulte, héros malgré lui, soit embarqué dans sa propre aventure qui le dépasse et pas absorbé par l'univers Ultimate comme n'importe quel autre personnage. Avec ce qui se passe dans ce #14, il est clair que Hickman a mis son plan à exécution en engageant son héros sur une autre route.

Et, au fond, ce sentiment électrisant qui envahit le lecteur est le même que celui qui saisit le personnage. Plus rien n'est sûr. Plus rien n'est prévisible. Ce qui vient de se passer rebat tellement les cartes... Cela, seul un personnage réinventé dans un univers vierge le permet. Et Hickman a saisi cette opportunité, que ne peut lui offrir l'univers 616, sa continuité, ses ingérences éditoriales...

Je tourne autour du pot, j'en ai bien conscience, et j'ignore comme je m'en tirerai le mois prochain, pour ne pas spoiler tout en continuant à analyser la série, ses ressorts, ses rebondissements, ses péripéties. Hickman est très/trop fort : il renvoie le critique dans les cordes en le défiant de parler sans trahir les surprises qu'il produit. Mais, encore une fois, quel putain d'épisode !

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