jeudi 13 février 2025

MOON KNIGHT : FIST OF KHONSHU #5 (Jed MacKay / Devmalya Pramanik)


Moon Knight a défié Achilles Fairchild : ils vont régler leur différend sur un ring en combat singulier. Pendant ce temps, Yehya Badr et Soldier d'un côté, Tigra, Reese et EightBall de l'autre s'emploient à faire régner l'ordre dans les rues en évitant la police à leurs trousses...


Un putain d'épisode ! Pardonnez la grossièreté, mais bon sang, j'ai été scotché par cette lecture, qui m'a redonné foi en ce que Marvel peut proposer. Je ne vais pas revenir sur ce que je pense de l'actuelle production de "la maison des idées", de sa politique éditoriale, sur sa manière de ruiner des franchises et des personnages. Mais s'il y a une raison d'espérer, c'est bien Moon Knight : Fist of Khonshu.


On se dit alors que si Marvel lâchait la bride à ses auteurs comme c'est le cas pour cette série que porte Jed MacKay à bout de bras, avec la volonté de faire de Moon Knight un grand héros, de sa série une grande série, alors tout serait différent. Parce qu'en vérité c'est là que se situe la solution : quand un éditeur fait confiance à ses auteurs.
 

Après ce qu'un scénariste fait de cette liberté peut ou pas plaire, séduire les foules, mais au moins n'est-il pas permis de douter de la sincérité de son projet. Jed MacKay apparaît dans tout ça comme quelqu'un à qui Marvel fait confiance mais aussi comme quelqu'un qui, devenant le chouchou du patron, ne sait pas dire "non".


Peut-on, quand on a écrit Black Cat, Doctor Strange, Moon Knight, dire "non" à X-Men, à The Avengers ? Bien sûr c'est délicat : ce sont des séries qui vous donnent accès à un lectorat très large, et certainement à un meilleur salaire, de meilleures conditions de travail (même si on restera prudent là-dessus, sachant combien de scénaristes ont claqué la porte devant les coups de Jarnac de Marvel).

Mais c'est un avantage à double tranchant car il vous expose aussi des critiques plus dures. MacKay, c'est un peu Bendis quand il est passé de Daredevil à New Avengers : les mêmes fans qui adoraient son travail au noir sur le héros de Hell's Kitchen l'ont détesté pour sa vision des Vengeurs, sa narration décompressée, ses dialogues abondants.

C'est exactement ce qui se passe actuellement avec MacKay à qui certains reprochent d'en faire trop et pas toujours bien. Tant qu'il gardera la main sur Moon Knight, il sera jugé avec indulgence car c'est son travail le plus apprécié, mais ça ne veut pas dire qu'on lui passera quoi que ce soit sur X-Men et The Avengers.

Ce cinquième épisode concentre toutes les forces de MacKay : l'action est dense, tonique, le cliffhanger final est imprévisible et percutant, les seconds rôles sont bien traités. En surface, il s'agit d'un numéro centré sur la baston entre Moon Knight et Achilles Fairchild dans un combat façon MMA où tous les coups sont permis.

La mise en images de Dev Pramanik est virtuose et participe grandement au plaisir qu'on retire de la lecture : le découpage est formidablement inventif, trouvant toujours un moyen de rendre le pugilat inattendu, violent, intense. Alors que la scène d'ouverture laisse croire à un duel en faveur du héros, on assiste à un retournement de situation spectaculaire et jouissif.

Pramanik fait preuve d'une maturité graphique épatante : sa connaissance de l'anatomie, son sens de la composition, la diversité des angles de vue, tout concourt à rendre la bataille épique, mémorable. Et, sans rien vous dire de la révélation finale, on en a pour son argent. Moon Knight a dangereusement sous-estimé son adversaire, et cela donne à toute la série un regain de suspense extraordinaire.

Puis, si l'on gratte un peu, dans les scènes qui ponctuent cet affrontement, où on suit les patrouilles de Hunter's Moon avec Soldier d'une part, et de Tigra avec Reese et EightBall de l'autre, on se rend compte que MacKay développe en parallèle les relations du groupe d'amis de Moon Knight, creuse la position précaire qui est désormais la leur.

Là aussi, Pramanik ne traite pas ces moments par-dessus la jambe : sa mise en scène est punchy, elle donne de la puissance aux dialogues (voir celui entre Reese et Tigra), avant qu'il ne ne livre une page au découpage visuellement vertigineux quand tout ce beau monde rentre au bercail (voir ci-dessus). Quel artiste, quelle révélation !

Je me souviens que, lorsque j'ai découvert les comics Marvel, deux séries se distinguaient pour moi : d'un côté Uncanny X-Men de Claremont et Byrne et de l'autre Daredevil de Miller. D'un côté, un best-seller, l'archétype du titre pop, super-héroïque en diable. De l'autre, l'outsider, un drôle d'objet à la frontière du vigilante et du film noir. Miller avait pour lui le charme de celui qu'on n'attendait pas quand Claremont et Byrne étaient des stars aux manettes de LA série.

Aujourd'hui, Marvel tient avec le Moon Knight de MacKay son nouveau Daredevil (puisque tête à cornes est saccagé par Saladin Ahmed) et c'est le même sentiment, délectable, de lire un titre que personne n'attendait à ce niveau et qui sauve l'honneur.

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